Critique – Bao, ou l’angoisse d’une mère vu par Pixar !


Ouvrant la séance des Indestructibles 2, Bao, premier court-métrage de Domee Shi, donne le ton et présente un point de vue que l’on souhaitait revoir depuis Sanjay et sa super-équipe !

Une femme sino-canadienne souffrant du syndrome du nid vide se voit donner une nouvelle chance de materner lorsqu’un de ses raviolis fait maison prend vie.

Bao se découvre tel un strip de tranches de vie, et ce dès la naissance du petit pain fourré. On assiste à la scène du dîner où le père mutique ingurgite rapidement son repas avant de partir au travail, avant que la mère ne se retrouve seule face à sa relation balbutiante avec le jeune bao.

Leur dynamique et leur intimité va se construire autour de moments quotidiens dans des boutiques où mère et fils ont leurs petites habitudes, jusqu’au moment chaotique du passage à l’âge adulte. Domee Shi dresse le portrait d’une mère à la fois sentimentale et intense, ce qui engendre une violence frontale mais sincère. Le développement de cette relation maternelle avec ses aspérités lui apporte une certaine universalité et, à en croire les réactions des mamans dans la salle de cinéma, l’effet est diablement efficace !

Cette relation mère-fils évolue dans un univers où chaque détail est une preuve de vécu des parents dans leur petit appartement. Le salon, présenté dans des échelles qui évoquent encore une fois les strips, regorge de meubles chinés mélangés à des objets plus précieux et il en va de même pour la cuisine où l’on sent que la disposition du petit séchoir à torchons évoque des souvenirs.

On navigue ainsi dans un univers d’apparence simple et finement étudié pour coller aux évocations de la réalisatrice. Concernant l’aspect purement culinaire, il va sans dire que les aliments sont d’une appétence particulière et qu’il vaut mieux avoir mangé avant la projection.

Bao nous plonge dans ce qui fait la force du cinéma culinaire, c’est-à-dire nous dessiner la vérité d’une relation au travers de la conception d’une recette forte de son héritage familial. La précision du geste et de l’animation rendent la découverte de ce Bao d’autant plus proche de nous. Difficile de rester insensible face à ce précieux court-métrage. L’ayant vu deux fois, je vous assure avoir craqué durant les deux visions.

À propos de Domee Shi :

Le film Dunkerque vu par Domee Shi sur Instagram

Après des études en animation au Sheridan Collège à Ontario, Domee Shi décroche un stage au sein de Pixar. Elle poursuit son chemin, devenant storyboardeuse dans le département animation sur Vice Versa, Le voyage d’Arlo et Les Indestructibles 2.

En parallèle de son travail à Pixar, la réalisatrice cultive son univers personnel en faisant des illustrations de sa vie quotidienne mais aussi des dessins mélangeant cinéma et gastronomie.

Ce press junket était l’occasion idéale pour lui demander l’impact des films culinaires dans la création de son court-métrage.

Toujours à propos de nourriture, j’adore votre instagram, où vous faites notamment des critiques de film sous forme de plats ! À propos de votre court-métrage, quelles ont été la ou les références que vous avez évoquées, de film culinaire ou non, à votre équipe pour les aider dans la conception du film ?

Domee Shi : (rires) Merci ! Bien sûr, l’un des principales références de film que j’ai donné à mes collègues fut le long-métrage de Ang Lee Salé, Sucré où un chef cuisinier vivant avec ses trois filles leur prépare des repas traditionnels. J’aime beaucoup le cinéma d’Ang Lee et sa manière de représenter les relations des personnages par la préparation et la consommation de nourriture au sein du repas.

Becky Neiman : Domee travaille d’ailleurs à un projet de long-métrage ! Même si nous n‘en sommes qu’au tout début, c’est très excitant pour nous de passer à la vitesse supérieure. Nous verrons bien si ça porte ses fruits.

Salé, sucré de Ang Lee

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