Critique – Zombillenium : un parc d’enfer !


Saviez-vous qu’il existe, dans le nord de la France, un parc d’attraction où l’on peut croiser des vampires, loups garous, momies et autres monstruosités ? Pour une sortie familiale ou un rendez-vous entre amateurs d’horreur, les attractions de Zombillenium sauront vous faire frissonner comme il faut. Et si vous aimez vraiment vous faire peur, écoutez cette légende locale, celle qui raconte que le parc emploie de véritables morts-vivants, des mineurs décédés dans l’effondrement d’une mine, sur laquelle est construit le parc Zombillenium…

Dans le parc d’attractions d’épouvante Zombillénium, les monstres ont le blues. Non seulement, zombies, vampires, loups garous et autres démons sont de vrais monstres dont l’âme appartient au Diable à jamais, mais en plus ils sont fatigués de leur job, fatigués de devoir divertir des humains consuméristes, voyeuristes et égoïstes, bref, fatigués de la vie de bureau en général, surtout quand celle-ci est partie pour durer une éternité… Jusqu’à l’arrivée d’Hector, un humain, contrôleur des normes de sécurité, déterminé à fermer l’établissement. Francis, le Vampire qui dirige le Parc, n’a pas le choix : il doit le mordre pour préserver leur secret. Muté en drôle de monstre, séparé de sa fille Lucie et coincé dans le parc, Hector broie du noir… Et si il devenait finalement la nouvelle attraction phare de Zombillénium ?

J’ai retrouvé dans le film ce qui m’avait séduite dans les bande-dessinées d’Arthur de Pins : la mythologie particulière autour du parc et des monstres qui l’habitent. J’ai donc été embarquée dès le générique de début, qui relate la naissance de Zombillenium, de la mine qui s’effondre au réveil des morts, en passant par le pacte conclu entre Francis et le diable, respectivement directeur et financier du parc. Le tout dans un style qui évoque les affiches de propagande communiste, silhouettes blanches et lignes droites sur fond rouge ou bleu. La force de travail zombie est née.

Dance dance baby !

Dans le petit univers de Zombillenium, qui n’est pas un paradis utopique pour les monstres mais une entreprise qui leur garantie une certaine sécurité en échange de leur travail, les zombies sont la masse populaire en bas de l’échelle et les vampires des privilégiés qui se partagent pouvoir et gloire. Une situation qui ne reflète pas innocemment la lutte des classes puisqu’elle sert à traiter un sujet important pour Arthur de Pins, et qui était déjà présent dans la bande-dessinée. Il y a d’ailleurs un peu de son père en Francis, le directeur vampirique du parc qui se soucie du bien-être de tous ses employés, à l’inverse de ses comparses.

Mais ce dernier se retrouve acculé quand les recettes du parc s’effondrent et que le diable menace de le fermer, et donc d’envoyer aux enfers tous ses employés, ce qui équivaut pour eux à une seconde mort ou à une vie de travaux forcés, sans syndicats pour les aider cette fois ! C’est dans ce contexte de tensions croissantes entre zombies et vampires, avec une épée de Damoclès au-dessus du parc, qu’arrive Hector, un contrôleur des normes un peu trop zélé. Il sera l’élément perturbateur et le sauveur, s’engageant à corps perdu pour sauver le parc et ainsi pouvoir revoir sa fille, devenant un leader providentiel pour les monstres de Zombillenium, à l’exception des vampires. La révolution est en marche !

Zombie walk, marche de protestation ou festival de musique ?

Le sujet de la lutte des classes est régulièrement présent dans le cinéma français, beaucoup moins en animation, et on peut saluer l’audace qui risque de freiner la carrière du film à l’international. C’est peut-être pour contrebalancer cet exotisme typiquement français que le reste du film est si carré, classique, avec un petit effet prémâché et convenu qui a dérangé une partie des festivaliers à Annecy. Zombillenium, c’est l’essence même du bon film familial, avec un récit qui se tient, de l’action, de l’humour, mais aucune surprise. Sans vrais risques et formaté diraient ceux qui s’attendaient probablement à un film plus engagé, plus spectaculaire, ou plus « auteur ».

Pour ma part, j’ai trouvé qu’Arthur de Pins et son co-réalisateur Alexis Ducord ont réussi à trouver un équilibre précaire, qui permet au film d’avoir une identité visuelle et culturelle tout en ayant ses chances au box-office. Et si on sent effectivement cette volonté d’être accessible à tous et qui sait se faire plus discrète dans d’autres productions, j’y ai aussi vu les trouvailles et les réflexions qui accompagnent l’histoire. Il y a la lutte sociale, mais aussi une volonté de montrer que les véritables monstres ne sont pas ceux que l’on croit.

Je pense à Hector, qui nous est introduit comme un homme méprisant et méprisable, et qui gagne en humanité au fil du film, alors qu’il devient l’incarnation physique d’un démon, peau rouge, dents pointues et cornes comprises. Je pense à Francis, qui est moins assoiffé de sang que les potentiels investisseurs humains qui veulent reprendre le parc en éliminant tous les zombies. Je pense surtout à la maitresse d’école de la petite Lucie, qui l’invective à faire son deuil moins de 24h après la mort de son père…

Hey salut toi… Ça te dit une balade inoubliable avec ton prince aux dents pointues ?

Il y a également tout un propos sur l’évolution de la culture de l’horreur, dont les anciens acteurs monstrueux sont peu à peu devenus les héros de comédie et de romance. Cette idée est portée par le méchant du film, le très sûr de lui Steven, un vampire beau gosse qui brille au soleil et qui ressemble étrangement à l’incarnation cinématographique d’Edward Cullen dans la saga Twilight. Le personnage, particulièrement imbu de lui-même, a sa propre idée pour sauver Zombillenium : transformer le parc en Vampirama, un parc romantique centré sur les vampires, pour attirer les fans d’aujourd’hui. Ceci couplé à un plan marketing du tonnerre, avec une nouvelle identité visuelle faite de rose et de paillettes pour le parc, et une peluche chauve-souris-licorne en guise de mascotte et d’attrape-billets.

Idée qui pourrait être intelligente si elle n’impliquait pas la disparition de tous ses collègues monstres, fantômes, squelettes et cie. Malheureusement, le succès de la grande roue, où il se téléporte de cabines en cabines pour séduire les donzelles à coup de pétales de roses est tel que le train fantôme, ancienne attraction phare du parc, est désert. C’est là qu’intervient Hector, en jouant les Cristina Cordula et Stéphane Plaza du monde de la nuit afin de rajeunir les costumes, les prestations, les attractions… J’ai toujours adoré les scènes de relooking au cinéma, et j’ai beaucoup ri devant cette version monstre de la chose !

C’est l’une de mes séquences préférées. Aux côtés d’un passage intense, souligné par la chanson Les Corons de Pierre Bachelet, qui réussit l’exploit de faire rire en entendant les premières notes, puis de vous prendre à la gorge devant la solennité de la scène. Enfin, il y a une scène qui représente tout le film, un parfait mélange de lutte des classes, de référence horrifique, de pop culture, de scène musicale et d’humour : quand une manifestation de grévistes se retrouve être une zombie walk ! Ou inversement.

Enfin, mention spéciale pour la bande originale, composée par Eric Neveux et Mat Bastard, connu pour être la voix du groupe Skip the Use. Cette rencontre donne un thème rock / métal très appréciable, qui rythme parfaitement le film et ajoute vraiment à son identité. Je suis particulièrement fan de la chanson Stand As One, interprétée par Mat Bastard et par son personnage, Sirius, dans le film. Quelle marque le rapprochement des différentes espèces dans le film n’est qu’un plus.

Il y a beaucoup de chose derrière Zombillenium, mais c’est surtout une bonne comédie familiale, bourrée de personnages qui séduiront petits et grands. Parfait pour entrainer tout votre petit monde au cinéma en cette période d’Halloween, ambiance assurée par la musique et les vannes tout au long du film. En plus, il y a une sorcière badass aux cheveux violets qui vole sur un balais-skate. Si c’est pas la grande classe ça, je ne sais que vous dire.



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