Critique – Kingsglaive : Final Fantasy XV


On va se parler franchement : je n’avais pas aimé Final Fantasy VII : Advent Children. Que ce soit en version longue, courte, ou spéciale fanboy avec une minute quinze de générique supplémentaire, c’était pour moi une coquille vide : très beau donc, mais très, très creux, bien trop pensé pour le porte monnaie d’un public spécifique.

A l’opposé, j’avais trouvé Final Fantasy – Les créatures de l’esprit assez sympathique, et plutôt honorable pour un film tiré d’un univers vidéoludique en cela qu’il ne se tirait pas dans le pied avec un héritage quelconque, ce qui n’a évidemment pas du tout plu, puisque le genre même du film relevait plus de la science-fiction… Que va-t-il en être pour ce Kingsglaive : Final Fantasy XV, sensé introduire le nouveau jeu de Square Enix ?

Le royaume magique de Lucis est la demeure du Cristal sacré, mais l’empire belliqueux de Niflheim ne s’arrêtera devant rien pour le récupérer. La guerre fait rage entre ces deux nations aussi lointain que l’on se souvienne. Le Roi Regis de Lucis commande une force d’élite composée de soldats nommés les Kingsglaive : les glaives du Roi. Portant le pouvoir magique de leur roi, Nyx Ulric et ses compagnons sont les derniers remparts entre la cité royale d’Insomnia, combattant pour freiner l’inexorable avancée de l’armée impériale de Niflheim. Devant l’insurpassable pouvoir de l’armée impériale, le Roi Regis ne peut sauver son royaume qu’en acceptant que toutes les terres en dehors d’Insomnia soient cédées et que son fils, le prince Noctis, se marrie à Dame Lunafreya, l’ancienne princesse de Tenebrae désormais captive de Niflheim. Alors que la guerre des nerfs bat son plein, les complots de Niflheim transforment Insomnia en un champ de bataille merveilleux, amenant Nyx dans une lutte pour sauver le royaume.

Quelle tâche ingrate pour un long-métrage que d’introduire un jeu vidéo… Je me reprend : quelle tâche ingrate pour un film d’avoir à introduire quoi que ce soit d’autre que lui-même, ce que Kingsglaive réussit partiellement à faire grâce à une introduction d’une dizaine de minute qui équilibre les informations dialoguées et celles que l’image communique afin de nous donner un contexte que les non-joueurs (dont je fais partie, du moins en ce qui concerne Final Fantasy) peuvent assimiler.

Si les dialogues, aussi aidés par une voix off, sont fonctionnel, l’image tire la couverture à elle. Toute la couverture d’ailleurs et le production design, si on y accroche, est assez fou et nous donne à voir un univers urban fantasy très sympathique, mais tout ça se fait au détriment du son, musique comme bruitages. Quant aux voix, si certaines sont reconnaissables, elles ne détournent jamais l’attention, en partie parce que les personnages sur lesquelles elles sont posées ont un physique très différent.

Des apparences qui flirtent avec un réalisme très impressionnant, mais qui est bien aidée par la réalisation, car certaines séquences montrent un désir de ne pas trop en faire en posant parfois la caméra, pour faire vivre les personnages au cours de séquences plus quotidiennes qui permet de mieux connaitre leurs intentions.

Toute la narration se déroule assez tranquillement, sur fond de complot et d’enquête, et même la tension n’est pas à son comble, le spectacle visuel est bien suffisant pour continuer de regarder le long-métrage, du moins jusqu’à la fin de la première heure, qui est d’ailleurs parsemée d’un tic de transition assez agaçant et utilisé au mépris du bon sens : le fondu au noir. C’est bien simple : il y a assez sur toute la durée de Kingsglaive pour retrancher une bonne minute à sa durée totale !

Car dès que tous les plans machiavéliques se mettent en branle, le scénario laisse son cerveau au placard et plus rien ne compte, faisant passer le film de l’urban fantasy à la catastrophe totale, dans laquelle se mêlent les derniers morceaux de l’histoire, une action ininterrompue et parfois complètement illisible, des démons géant, des statues pas moins géantes qui protègent Lucis et surtout, surtout, une dégradation des personnages qui fait peine à voir.

Si Nyx n’est pas, dès le départ, d’une originalité folle, il vire au héros tête à claque en l’espace d’une demi-heure et c’est presque un soulagement de le voir près au sacrifice tant il en devint insupportable dès qu’il est en compagnie de la princesse/demoiselle en détresse « parce que c’est son rôle » Lunafreya, le seul personnage féminin qui survit au métrage en tirent une tronche évaporée. J’ai découvert après mes recherches qu’elles est clairvoyante, quelque chose qui n’est pas du tout mis en avant dans le film, ce qui rend ses réactions crispantes car assez peu compréhensible pour le public ne connaissant pas cette information, même si j’imagine que le personnage doit avoir un rôle plus étendu dans le jeu vidéo, mais une telle décision endommage gravement Kingsglaive.

Son équipe de « Glaives » est à l’avenant, et j’ai été plus que déçu que son seul membre féminin soit sacrifié par l’intrigue, qui voit notre héros courir à droite et à gauche au gré de ses exploits et affectations en attendant le mariage entre Lunafreya et le héros du futur jeu, qui n’est visible nulle part dans le film, le pire étant quand ces deux personnages interagissent de la manière la plus caricaturale possible. C’est bien simple : il y a plus de signifiant entre le sidekick et la princesse en deux minutes qu’entre elle et Nyx en vingt.

Un sacré goût de fin de règne pour le royaume de Lucis puisque c’est un tas de cendre qui reste à la fin des 110 minutes du film de Takeshi Nozue, pour un effet tragique qui frôle le zéro, alors même que les antagonistes remportent la partie et que le héros sauve à peine les meubles : on devine qu’une partie de la population est sauvée par ses actions, mais l’évocation est fugace.

Et c’est dû à la bonne vingtaine de minutes d’affrontement gratuits mêlés à des séquences de course-poursuite de type Transporteur aussi usantes que stériles, où une quantité invraisemblable du budget a été dépensé. Ce climax, qui se veut d’anthologie, rappelle toutes les fautes de goût qui font que les longs-métrages issus de jeux vidéo sont stigmatisés (alors même que c’est un mal qui touche actuellement tous les blockbusters). Je suis donc resté sur ma faim à la fin de Kingsglaive : Final Fantasy XV. certes, le spectacle est superbe et on ne peut pas retirer aux équipes de Square Enix leur propension à savoir créer de superbes images, mais pour un fond qui, durant au moins heure fait illusion avant de céder à des conventions de divertissement dont ils auraient la liberté de s’affranchir. Une demi-réussite donc, qui inscrit tout de même un nouveau seuil dans l’échelle du photo-réalisme, qui fait souvent mouche.


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