Critique – Fritzi


En cette période de confinement, l’édition en ligne du Festival International du Film d’Aubagne a proposé en avant-première sur son site internet Fritzi, sous titré « histoire d’une révolution », réalisé par Ralf Kukula et Mathias Bruhn. Le film sortira en salles le 14 octobre prochain distribué par Septième Factory.

A la rentrée des classes 1989, Fritzi est bouleversée car sa meilleure amie Sophie a fui l’Allemagne de l’Est avec sa famille, lui laissant en garde son petit chien Sputnik. Fritzi décide alors de ramener Sputnik à Sophie, en traversant clandestinement la frontière très surveillée. C’est une aventure très dangereuse pour une petite fille de 12 ans et son chien dans un pays en pleine transformation.

Dans mes souvenirs d’enfant, la chute du mur de Berlin s’illustre par une liesse de joie et le tube Freedom chanté par l’iconique David Hasselhoff. L’intrigue de Fritzi prend de la distance par rapport à ce symbole en plaçant ses protagonistes dans la ville de Leipzig, s’inscrivant ainsi dans le quotidien des gens en RDA. Le film prend le parti de montrer une acceptation de la situation de la part d’adultes, comme les parents de l’héroïne, pour aller vers une réalisation progressive et un réveil politique. D’ailleurs l’intrigue respecte les faits historiques qui placent la naissance des manifestations à l’église Saint Nicolas de Leipzig.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que Fritzi est écrite en corrélation de ce contexte, ce qui permet ainsi d’échapper aux sempiternels clichés associés aux héroïnes. Elle est bien sûr motivée à l’idée de ramener le chien Sputnik à sa meilleure amie mais reste ouverte au monde qui l’entoure, autant dans son environnement scolaire qu’attentive aux détails de sa ville. On assiste ainsi à un éveil de sa conscience politique qui évolue au gré de ses émotions adolescentes. On la voit pleurer, être en colère, danser, se sentir mal à l’aise en compagnie d’un garçon… ce qui fait de Fritzi une héroïne vivante et moderne comme on aimerait plus en voir dans les films tous public. La ville de Leipzig se révèle à nos yeux par une très fidèle volonté de reconstitution visuelle de ses différents quartiers, à tel point qu’on peut la considérer à son tour comme une héroïne. On ressent à la fois la sobriété de l’Allemagne de l’est ainsi que la naissance d’un milieu underground dans l’apparition progressive d’affiches dans les rues. Les quartiers sont arpentés de Trabants, la voiture compacte symbolique de la RDA. Le character design, inspiré de la ligne claire franco-belge, est doux et permettra au jeune public de s’attacher aux différents personnages.

Après Goodbye Lenin ou La vie des autres on peut s’interroger sur la pertinence de ce sujet en animation, mais Fritzi est la parfaite médiatrice de cette Histoire veille de trente ans d’âge vers un public plus jeune et peut être moins enclin à s’intéresser à la RDA et au contexte de l’époque.  Ce lien d’amitié fort entre Fritzi et Sophie rapproche les adolescents de leur quotidien relationnel. Le microcosme social du collège permet de comprendre le système de la Stasi et de ses différents conseils à leur échelle. Les scénaristes ont pris soin d’intégrer des personnages en nuance de gris notamment avec le conseil des élèves, sortant ainsi d’un manichéisme facile et attendu. Fritzi est la belle surprise de ce confinement car le film arrive à rester proche de son héroïne tout en maintenant l’attention sur l’Histoire en train de se construire. Si jamais vous l’avez loupé, étant co-produit par Arte, vous pourrez le retrouver du 7 au 10 octobre sur la chaîne franco-allemande. Lors de sa sortie nationale le 4 novembre prochain, le film aura des challengers de taille avec Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary et Les Trolls 2 Tournée Mondiale ou encore Petit Vampire. On lui souhaite de trouver son public.



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