Le meilleur des 2 : comment DreamWorks a brisé la malédiction du deuxième épisode


Tous les spécialistes en économie du cinéma vous le diront : une suite à un succès au box-office, quel que soit son niveau de qualité aura de grandes chances de surpasser l’original, gagnant en exposition médiatique et en budget ce qu’elle perd en originalité.

Et c’est ce qui m’inquiétait, en 2004, sur le chemin vers la séance de Shrek 2. Le premier film, efficace mais classique, était comme tout premier épisode, encombré par la bonne-demi heure d’exposition de l’intrigue, bien que le générique de début suffise à cadrer le personnage éponyme. Les péripéties contenaient leurs lots de surprises, dont le morceau de bravoure reste le passage chanté de Robin des Bois, excellemment soutenu par la voix de Vincent Cassel.

Mais rien ne m’avait préparé à la déferlante de rythme et de gags qui peuplent ce deuxième opus, qui se permet le luxe de raconter une histoire elle-même très bien construite dans les zones d’évocations du premier épisode.

On découvre l’origine de la Princesse et le royaume de Fort Fort Lointain et des némésis bien plus menaçantes dans le binôme Charmant/Marraine la Fée, dont les motivations sont plus ambitieuses que celles de Farquaad, tout en agissant comme un duo comique classique muscle/cerveau.

Peu de nouveaux personnages et une bonne exploitation de ceux existants suffisent à donner au métrage une consistance telle que tout se déroule naturellement, sans même parler du Chat Potté, qui aura le succès que l’on connait (d’ailleurs, à l’exception de son film éponyme, Shrek 2 est le seul film où le matou est correctement utilisé.)

De plus l’esprit irrévérencieux est toujours de la partie avec des scènes de comédie aux fondations peu fines mais gérées avec un sens du timing qui fait mouche, comme le repas avec les beaux-parents ou celle où le trio s’infiltre dans la fabrique de la Marraine la Fée.

Le climax laisse la place libre à une cascade de gags et d’action en parallèle des sentiments là où le premier n’œuvrait seulement que sur ce dernier point en émulant le genre de la comédie romantique. Shrek n’avait en effet pas grand-chose à perdre à part avouer ses sentiments, vu qu’il avait récupéré son marais. Alors que côté narration, il a dans cet opus tout à perdre, ce qui permet un gain supplémentaire de sympathie de la part du spectateur.

L’apparition même de Shrek en être humain est également très réussie alors même que ce n’est pas, à l’époque, la qualité principale du studio de rendre des êtres humains, ce qui montre les efforts de DreamWorks après les critiques esthétiques du premier épisode.

De plus gros enjeux, un monde plus complexe, Shrek 2 a su réinscrire ses héros dans un nouveau cadre qui donne de l’ampleur au spectacle tout en gardant les fondamentaux du premier film : la très classique quête, un mélange des genres qui fait mouche, des personnages secondaires hauts en couleur et de bons méchants.

Une recette qui semble simple à respecter mais pouvant très rapidement tourner à la catastrophe puisqu’il suffit de visionner Shrek le Troisième pour le constater : histoire peu intéressante, enjeux plats, nouveaux personnages pas charismatiques, la palme revenant à Merlin et Arthur, dont les actions ne donnent jamais lieu à des gags satisfaisant, bien qu’une amélioration esthétique notable se soit faite dans l’esthétique des décors et des personnages.

J’ai toutefois constaté avec joie que DreamWorks Animationa pourtant su réitérer ce difficile exploit avec la suite de Kung Fu Panda, qui pourrait tenir en un seul argument : le siège du réalisateur est occupé par la bonne personne.

En effet, Mark Osborne et John Stevenson cèdent leur place à l’artiste qui s’était chargée de diriger l’extraordinaire séquence d’ouverture du premier film, Jennifer Yuh Nelson. Avec l’intégralité de la réalisation du film entre ses mains, chaque scène de Kung-fu Panda 2 surpasse la précédente, que ce soit en terme de rythme, de composition et de montage, le film est d’une fluidité admirable tout en ressuscitant cet esprit propre aux films de sabres et de kung fu, de Chang Cheh à Jackie Chan.

Côté histoire, le film prend une tournure plus épique et plus sombre, se focalisant sur le personnage de Po et ses origines. Le postulat peut sembler bateau, mais le drame personnel est bien plus intense que l’histoire d’outsider du premier film, le tout enrobé d’une prophétie autoréalisatrice roublarde et d’un discours sur le deuil et la souffrance bien plus fin qu’il n’y parait dans ce type de spectacle, où le public a été habitué a moins de sincérité.

Kung-fu Panda 2 ne se refuse rien en termes esthétiques, jouant à fond sur la tradition graphique chinoise, depuis son ouverture en silhouettes découpées aux souvenirs dessinés en animation traditionnelle de Po, et ce jusqu’aux transitions et au montage elliptique de la narration.

C’est cette alliance entre technique et artistique qui produit le meilleur du studio entre les mains de Yuh Nelson, ce qui fait de cette suite à l’époque de sa sortie le plus beau film d’animation DreamWorks Animation depuis leurs débuts. Mais ce n’est qu’en réalité le résultat d’une collaboration très importante pour le secteur de l’animation puisque cette maturation esthétique permettra d’attirer de grands réalisateurs et chefs opérateurs dans la fabrication de ces films.

On retrouve donc au générique de Kung-fu Panda 2 le réalisateur Guillermo Del Toro, connu pour le soin esthétique qu’il apporte à ses films et l’importance de son soutien à la jeune réalisatrice ne peut certainement pas être niée. De même, les conseils donnés par le maître Roger Deakins sur le splendide Dragons a permis au film de détrôner Po du titre de plus beau film d’animation DreamWorks et ce la même année !

Mais cette volonté d’améliorer l’image en sus de la narration ne date pas d’hier. En 2008 déjà, une suite d’un succès du studio voyait s’ajouter dans ses crédits un certain Guillermo Navarro, talentueux chef opérateur (notamment pour … Guillermo Del Toro !) dont le travail de lumière sur les séquences africaines de Madagascar 2 s’imprima dans mon cerveau durant toute la longueur du métrage, jusqu’à ce que le générique ne fasse que confirmer mes soupçons.

Si la franchise Madagascar n’est pas celle que je considère la plus sympathique, on ne peut nier la volonté des petits gars de chez DreamWorks de vouloir placer la barre de plus en plus haut, ce qui semble se confirmer sur cette saga avec l’emploi sur ce deuxième opus, de la plume déglinguée d’Etan Cohen, plus connu dans le monde de l’animation pour sa contribution à la série animée déjantée de MTV Beavis et Butthead.

Le schéma se reproduit cette semaine avec la sortie ce mercredi de Madagascar 3 : Bons Baisers d’Europe, qui a les moyens de briser la malédiction établie par Shrek le Troisième. Les scénaristes ont à nouveau appelé un proche de Ben Stiller, Noah Baumbach, à collaborer à l’écriture afin d’enrichir des personnages déjà bien usés par deux films et une série d’animation comptant déjà plus de 80 épisodes !

Madagascar 3 : Bons Baisers d’Europe sort ce mercredi dans tous les cinémas de France et de Navarre. Il ne tient qu’à vous de le voir et de venir ici nous raconter ce que vous pensez de ce nouvel opus : est-il une réussite esthétique et narrative ou simplement le film de trop ?


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