Critique – Big Fish & Begonia


Si un jour on devait faire un documentaire sur la production de Big Fish & Begonia, ce serait un sacré film sur l’opiniâtreté et le travail de longue haleine. En effet, ce projet de long-métrage aura d’abord été un court, en 2004 avant de faire son chemin, cherchant des fonds et des soutiens durant 12 ans avant d’arriver sur les écrans. Mais revenons au fruit du labeur dont je vous avais parlé sur Focus on Animation, le champion animé du box-office chinois à l’été 2016, désormais visible cette semaine à Annecy !

céleste qui doit s’occuper des bégonias. À ses 16 ans, elle est envoyée dans le monde des humains sous la forme d’un dauphin afin d’accomplir son rituel de passage à l’âge adulte. Kun, un humain, lui sauve la vie, mais perd alors la sienne. Avec l’aide de son ami Qiu, elle essaie de ranimer l’esprit de Kun afin de le remercier de l’avoir sauvée.

Avec en cheville le studio Mir, on pouvait d’ores et déjà affirmer que le B&T Studio nous ferait parvenir un très beau premier film et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on passe pas très loin du coup de maître ! Véritable fresque de presque deux heures, Big Fish & Begonia joue la carte de l’immersion totale dans un monde fantastique à la lisière de la mythologie chinoise, et prend pour héroïne la jeune Chun, un être divin dont le passage à l’âge adulte tourne mal.

Sa quête de rédemption lui fera croiser une galerie de personnages aussi touchants (ses grands-parents) que bizarres (le gardien des âmes et ses innombrables chats), dont l’esthétique est tout aussi léchée que le décorum qu’ils habitent. Techniquement irréprochable, le métrage impressionne par le mélange de techniques par la maîtrise générale de l’ensemble. Les éléments en 3D les plus visibles (essentiellement des décors) sont fort bien texturés ce qui permet une ensemble harmonieux.

Hélas ce qui l’est un peu moins, c’est la gestion de l’histoire dont les 10 premières minutes sont hantées par une voix off qui reviendra par moments durant le film, parfois même pour souligner ce que l’on voit à l’image. Car Big Fish & Begonia ne laisse pas trop de place au spectateur pour deviner ce qui se déroule sous ses yeux et, malgré la beauté de ce qui nous est présenté, les pièces de l’échiquier mettent peut-être un peu de temps à se mettre en place pour la seconde partie du film.

Et c’est là que l’on trouve enfin de quoi se mettre sous la dent, avec une suite d’actions malheureuses, une ambiance de fin du monde qui fait grimper les enjeux du personnel vers le global tout en ne lâchant rien de très favorable pour ses héros.

Car oui, Chun et Qiu traversent une forme d’enfer pour mener à bien leur quête et faire revenir l’âme de Kun chez les humains. Une quête qui demande tous les sacrifices et qui fait échos aux choix difficiles à prendre dans sa vie d’adultes, où il arrive que la compromission ne fasse pas partie des plans. Et c’est ici que le métrage prend sa force, car ce bond dans l’inconnu inquiétant et exaltant tient en haleine jusqu’au générique de fin, et compense les trois premiers quarts d’heure un peu lâches.

Néanmoins, n’attendez pas ni une variante de la saga Avatar, ni une énième redite des aventures du roi-singe, car c’est un bestiaire qui tient plus des films de fantômes ou de Zu, les guerriers de la montagne magique qui prend place ici, avec en sus un poisson/âme perdue en pleine croissance qui, sous la forme de bébé, fera fondre votre cœur amateur de petites choses mignonnes. Après la vision du film, et malgré un élément narratif spécifique qui semble appeler une suite, sinon une histoire dérivée,  c’est un sentiment de contentement qui domine.

Je ne regrette pas le temps passé à visiter ces lieux superbes et mystiques. La durée certaine du film laisse tout le temps pour satisfaire le regard baladeur avide d’animations expertes et de plans magnifiques. Si la durée qu’a pris le projet est incroyable, le résultat final ne l’est pas moins, et seule cette conséquente conviction fait que l’on a un sentiment de léger trop plein, car il est difficile de remanier une histoire que l’on a si longtemps porté. En cela, je ne peux pas blâmer Liang Xuan, et il est nécessaire de garder à l’esprit que pour un premier long-métrage l’ensemble résonne avec une justesse qui force le respect. Il ne reste plus qu’à espérer que le prochain long-métrage, s’il y en a un de prévu, ne mette pas autant de temps que celui-ci pour se monter. https://www.youtube.com/watch?v=2w1n1FX3eUA



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