Critique – Nuts! Un docu animé burné pour L’Étrange festival XXII !


Financé par Kickstarter, présent à Annecy, Ottawa, Nuts! s’offre un détour par les écrans du Forum des Images pour l’Étrange festival afin de gratifier le public de sa bizarrerie qui le place dans un genre assez nouveau pour l’animation : le documentaire. Et c’est pour cette raison que le film de Penny Lane se fait une place au sein de cette même section à l’Étrange festival.

L’histoire presque vraie de John Romulus Brinkley, un docteur du Kansas qui a découvert en 1917 qu’il pouvait soigner l’impuissance des hommes en leur greffant des testicules de boucs. À partir de là, l’histoire devient de plus en plus bizarre, l’homme grimpant les échelons de la notoriété…

Avec un postulat déjà bien gratiné, Nuts! se permet d’ajouter deux facteurs déterminants au concept de départ : un narrateur peu fiable (qui pourrait faire basculer ce documentaire du côté du documenteur) et l’utilisation de l’animation pour relater la vie de John Brinkley, déjà bien gratinée au premier abord : l’homme transplantait effectivement des testicules de chèvres à des hommes atteints d’impuissance dans l’espoir de les soulager, et toute sa vie il mouillera dans des opérations ayant plus à voir avec l’escroquerie et le charlatanisme que de la vraie médecine.

Quoi de mieux alors que d’utiliser des animateurs (Drew Christie, Dane Herforth, Julia Veldman, Michael Pisano, Krystal Downs, Ace & Son Moving Picture Company, Rose Stark, Hazel Lee Santino) différents pour chacun des chapitres de cette vie plutôt discutable, et dont le personnage central tient quasiment plus du cartoon que d’une personne ayant réellement existé. C’est d’ailleurs Brinkley lui-même qui narre le premier chapitre et pose le principe de torsion des techniques du documentaire, rappelant que l’exercice reste avant une construction et que l’objectivité reste, même dans un film qui relève du documentaire, qu’une affaire de point de vue.

Mais Nuts! joue de ce concept de manière ludique, et les séquences d’animation renforcent cet aspect, car elles ne sont pas strictement réduite à l’effet cosmétique qui induirait le mensonge, mais là où il était impossible de palier au manque d’archive et de manipulation photographique.

A partir de là, l’animation est un élément comme les autres pour raconter la vie de Brinkley et il est intéressant, une fois le film visionné, d’aller faire un tour sur le site NOTES ON NUTS! qui répertorie les informations du film, depuis ce qui est vérifié à la pure invention.

La site permet de voir que l’animation était un moyen, et non pas une fin pour Penny Lane, de raconter son histoire d’une manière spécifique, car pour Brinkley, de son point de vue de manipulateur et d’escroc, tout était, et reste vrai !

Certes, Nuts! ne possède pas la même aura que le sérieux et émouvant documentaire néo-zélendais 25 April vu à Annecy, mais il porte en lui cette tradition de questionnement que possèdent les documentaires indépendants américains (je pense au segment animé de Bowling for Columbine), qui n’hésitent pas à bousculer les conventions pour communiquer une couleur émotionnelle, au-delà de faits souvent bien plus graves (ce qui était le cas de Truth Has Fallen) que ce cas d’imposture faisant partie de l’identité américaine : on ne compte plus les charlatans et autres faiseurs de pluie qui ont régné à cette époque, même brièvement, sur des villes entières…


Nuts! est réellement amusant en ce qu’il fait ressortir toute cette bizarrerie, doublé par une animation indépendante qui permet de garder le public dans un état de suspension de crédulité qui se transforme au fur et à mesure en connivence goguenarde. Ce n’est pas le documentaire de papa, et c’est tant mieux. Si vous avez loupé le film durant l’étrange festival, ce dernier est disponible à la vente et location dématérialisée via iTunes ou Amazon !


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