Critique – Hoffmaniada


Avec une production commencée en 2001 par le Soyuzmultfilm (studio fondé en 1936 sous l’ère soviétique), Hoffmaniada mettra plus de quinze ans à arriver sur les écrans en raison des difficultés à réunir des fonds pour maintenir le tournage. Éclaté en trois blocs tournés depuis 2005, le film arrive enfin complet sur les écrans du festival d’Annecy en 2018, avec encore quelques problèmes techniques mineurs : un dcp parfois défaillant et des sous-titres loin d’être concluants. Mais je ne m’arrêterai pas à ça pour vous parler du film !

E.T.A. Hoffmann est transporté dans son propre univers littéraire, où il se heurte aux méchants qu’il a créés sur le papier. Il ne cessera de défendre l’amour et la beauté au milieu des complots qui se referment sur lui.

Véritable dada de son réalisateur, Stanislav Sokolov, Hoffmaniada dure à peine plus d’une heure mais semble vous plonger dans un autre monde éternel, entre onirisme cotonneux et réalisme fantastique. Tiré des trois contes de E.T.A. Hoffman que sont “Le Petit Zachée, surnommé Cinabre”, “Le vase d’or” et “L’homme au sable” et adapté par Victor Slavkin et Sokolov lui-même, le long-métrage est découpé en trois parties qui s’enroulent les uns avec les autres, suivant la tendance stylistique de l’écrivain allemand.

Au niveau technique, Sokolov a certainement été inspiré par son propre travail sur la série The Animated Shakespeare et produite par la BBC, qui reprenait les pièces de théâtre de William Shakespeare sous forme d’épisodes d’une demi-heure. Mais ici, point de pause entre les différents morceaux, et Hoffman lui-même fait le liant par ses mésaventures qui évoquent sa vie réelle, notamment ses problèmes avec le gouvernement alors qu’il y travaillait comme fonctionnaire.

En effet, l’écrivain puise dans sa réalité pour élaborer l’univers transformatif de ses contes, avec comme grand antagoniste L’homme au sable et comme love interest la fille serpent d’un roi d’un univers imaginaire et souterrain. Appuyé par des marionnettes détaillées et des décors qui ne le sont pas moins, Sokolov met en scène des tableaux d’une rigueur incroyable, habités par une animation en stop-motion évoquant Rankin/Bass qui n’a pas à rougir des dernières sorties cinéma.

Hélas, le problème se situe ailleurs, car au-delà du rythme du montage, dont certain plans sont parfois un brin trop longs ou trop courts et c’est le rythme de ce qui est raconté qui en pâtit, à moins que cette atmosphère lancinante ne soit un choix créatif qui m’a complètement échappé, bien que les difficultés de production y soient possiblement pour quelque chose.

Un état de fait d’autant plus dommage que la tentative est admirable et faite avec une véritable compétence en terme de réalisation, Hoffmaniada fait perdre tout sens de la temporalité.

Le choix de s’immerger si loin dans le jeu de miroir, de passer des différents niveaux de réalité de manière plus arbitraire, il n’y guère plus que l’acceptation de ces méthodes dadaïstes qui ont permis de garder mon attention : A quoi bon lutter lorsqu’on manque de repères et que les sous-titres ne suivent plus ? J’ai toutefois pu me raccrocher à l’atmosphère picturale teintée de réalisme fantastique mais arriver jusqu’à la fin du film, qui dévoile un petit théâtre et envisage le film sous une forme de mascarade qui rappelle autant l’ouverture méta du Grand Méchant Renard que celle des Aventures du Baron de Munchausen de Terry Gilliam.

A la fin, difficile d’être mitigé sur ce type de film, dont la forme d’anthologie possède des qualités et des défauts qui ont tendance à polariser les avis. Il est fortement probable que je préfère la série qui  va en être tirée, basée sur les différents personnages qui habitent ce long-métrage !


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