Critique – Mosley


Kirby Atkins, réalisateur de plusieurs courts-métrages, a soutenu ce projet personnel qu’est Mosley durant de nombreuses années, et le voici en séance spéciale au Festival international du film d’animation d’Annecy en ligne.

Une famille de créatures à quatre pattes appelées « thoriphants » travaille comme bêtes de somme pour Simon, un fermier aigri vivant sur une portion de terre isolée. Une nuit, le thoriphant Mosley et son jeune fils, Rue, découvrent une grotte ornée d’anciens dessins – des créatures comme elles, seulement celles-ci ont des mains et marchent en position verticale. Cette découverte incite Mosley à se lancer dans une quête dangereuse pour trouver ce qui est arrivé à ses ancêtres et peut-être réaliser sa propre vraie nature.

Il y a un certain nombres de points rafraîchissants dans Mosley : le fait que l’histoire embrasse ses thématiques sans détourner le regard, que l’émotion qui s’en dégage ne passe pas par des chansons, que le côté dramatique des péripéties ne soit pas atténué… on peut respecter Kirby Atkins pour avoir maintenu le cap de bout en bout : le récit est lourd et les tonalités dramatiques sont respectées, mais quelque chose semble provoquer une dissonance lors de la vision du film.

Mosley

En accord de ton, les environnements, décors et production designs possèdent une texture moins cartoon et plus dramatique, rendant certaines découvertes très impressionnantes, comme la grotte contenant les gravures murales, les ruines de la civilisations des thoriphants ou encore les forêts maudites abritant le climax du film. Les différents personnages humains obéissent aussi à cette logique, depuis l’horrible marchand jusqu’au traqueur joué par Temuera Morisson. Les différents personnages de la civilisation thoriphante, départagé entre la branche de Mosley,  ayant perdue la capacité de se tenir debout et d’avoir des mains car maudite pour une raison qui semble échapper à tous le monde, et celle de Deaver, toujours préservée mais vieillissante et sans descendance pour les mêmes raisons. les personnages de vieux Thoriphants, nommés les Uprights (joués par Rhys Darby et John Rhys-Davies), apportent un peu de fantaisie et de légèreté dans une intrigue qui devient en cours de route une course poursuite un peu ronronnante : pour le héros, découvrir les origines de la dégradation de sa lignée et pour l’antagoniste un simple contrat à accomplir ainsi qu’une raison supplémentaire pour exercer sa cruauté. Thématiquement, le récit de Mosby est… confus, et c’est le moins que l’on puisse dire. D’un côté la cause animale, la conscience que les Thoriphants sont des être sensibles (le fait qu’ils puissent parler et tout de même un gros point en leur faveur) et de l’autre une parabole sur l’esclavage et comment se libérer de ses chaines, avec un contexte mi-fantasy mi-religieux. Mais la fusion de ces deux idées rend perplexe : un récit sur l’esclavage aurait pu se faire avec uniquement des humains ? Et un récit sur la cause animale aurait permis d’éviter cet écueil de diriger les Thoriphants vers la pseudo version libre d’eux-même, qui se tient debout et possède des mains,, et donc anthropomorphe ?

Mosley

Les deux thèses se mélangent à l’écran mais rien ne semble vraiment atterrir correctement dans le récit : si les Thoriphants sont le miroir d’une minorité, on en est encore au point de faire passer le préjudice à travers des personnages non-humains ? Si on veut parler de souffrance animale et de la fin du spécisme, avait-on besoin d’introduire le concept de dégénérescence et de religion ? Tant de questions qui sont rendues d’autant plus confuses par le dénouement du film, quelque part entre prophétie et récit religieux dont le fond n’est à aucun moment explicité : quels sont les péchés des Thoriphants ? Qu’ont-ils fait pour mériter cette malédiction ? Quel rôle ont joué les humains dans leur déchéance ? On n’en saura pas plus, si ce n’est que Mosley deviendra le nouveau leader de son peuple pour le conduire à sa libération. Un pivot lui-même relégué à la fin du film et représenté sous la forme d’un martyr qui implore un déité aussi cruelle que miséricordieuse qui comme tout le reste se raccorde à une moitié de la thématique générale, ce qui empêche Mosley d’entrer dans le club des rares bons films d’animation originaux. Tout ceci rappelle une leçon de premier plan pour les scénaristes ambitionnant de prendre cette route : écrire c ‘est réécrire, et il y a dans Mosley le spectre d’un bon film qui aurait mérité plus de réécriture. https://www.youtube.com/watch?v=OXbNu9axkbM



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