Retour sur un classique – La Ferme des animaux


A l’occasion de l’arrivée dans la collection “Collector” chez Malavida de La ferme des animaux de John Halas et Joy Batchelor, il était important que nous revenions sur ce long-métrage britannique sorti en 1954, dont des révélations assez récentes autour de la production du film ayant bénéficié de financements de la CIA à des fins de propagande dans le cadre de l’opération Mockingbird, destinée à influencer la fin du film qui, à la différence du livre, ne renvoie pas capitalisme et communisme dos-à-dos.

Lassés des mauvais traitements, les animaux de la ferme de M. Jones décident de prendre le pouvoir et instaurent une nouvelle société fondée sur un principe d’égalité entre tous les animaux. Mais quelques uns des “quatre pattes” décident que certains sont plus égaux que d’autres…

Basé sur le roman éponyme de Gorge Orwell, déçu du communisme et de ses dérives autoritaristes, La Ferme des animaux est le premier long-métrage d’animation britannique destiné au grand public, Halas et Batchelor ayant auparavant travaillé sur deux documentaires destinés à l’amirauté. Appuyé par un budget confortable pour l’époque, le duo signe un film sans concession. Exit la notion de « grand public » qui hante les couloirs de toutes les sociétés de productions, cette adaptation ne prend pas de gants avec le spectateur et propose des images qui hantent tout autant que le propos.

La nouvelle édition vidéo, armée d’un master restauré qui magnifie l’esthétique des décors qui tranche avec le character design des personnages, tout en rondeur et évidemment influencé par Disney, La Ferme des animaux possède une animation qui, presque soixante-dix après, n’a pas tant vieillie que ça, renforcée par un sens du montage et cadrage qui rappelle les films de propagande de la seconde guerre mondiale, ce qui n’est en rien surprenant vu le pedigree du studio.

La ferme des animaux

Il est intéressant de noter que le système de représentation des animaux, au aspect anthropomorphiques dans la parenté avec Disney est indubitable. Il aura toutefois  été une des seules incursions de ce type pour un film aussi sérieux et politique, abandonnant aux américains le monopole de l’usage de ce même système durant plusieurs décennies et je ne vois guère que The Plague Dogs de Martin Rosen qui ait hérité un peu de cette tentative, ainsi que dans une moindre mesure le Felidae de Michael Schaack.

Comme dans le roman, César met en place une dictature sans pitié après un été d’utopie et l’attentat maquillé en éviction de Boule de Suif. Métaphore du régime Stalinien, Animalville devient vite un camp de travail à ciel ouvert au credo bien connu : « Tous les animaux sont égaux, mais certains plus que d’autres. » Bien que terminant sur une dernière révolte de la part des animaux brimés envers les cochons, le film se garde bien de montrer les humains en pleine collaboration avec ces derniers, évitant assez soigneusement de rappeler que le capitalisme et le féodalisme tsariste était loin d’être la panacée.

Devenu tout aussi important que le livre dont il est tiré, La ferme des animaux bénéficie par ailleurs d’une entrée méritée dans Le cinéma d’animation en 100 films de Xavier Kawa-Topor et Philippe Moins, édité en 2016 chez Capricci, mais ne revient curieusement pas sur les révélations dont je parle en début d’article.

Au menu de l’édition vidéo, on peut retrouver un commentaire audio de  Brian Sibley, historien du cinéma réputé que vous avez sans doute découvert en lisant ses nombreux livres making of de blockbusters.  Le making of « Stay Tooned » d’une durée d’une demi-heure produit par la BBC est le gros morceau de ces bonus, avec un côté archive tout à fait intéressant. Sur ses talons, le panorama des productions Halas et Batchelor d’une durée de 15 minutes. Également sur la galette, de nombreux documents de production, comme le storyboard original, des esquisses de travail commentées, un diaporama commenté sur la production du film, un dossier pédagogique en anglais, une bande-dessinée tirée du film en anglais également.

Enfin, l’édition physique en elle-même est un bel effort de présentation : le film est présenté dans un digibook (que nous avons présenté sous toutes ses coutures sur notre compte Instagram) aux visuels signés par l’illustrateur Fabrice Montignier, qui s’est aussi chargé des autres éditions de cette collection « Collector »

La ferme des animaux est disponible à la vente sur le site de Malavida.


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