Ankama et le transmédia par Anthony Roux aka Tot


Ankama, c’est un peu LA société qui fait rêver ces dernières années : les jeunes aiment leurs produits, les créatifs s’entre-tueraient pour un poste chez eux et la presse ne se lasse pas de raconter cette “success story à la française”. J’avais moi-même échafaudé un plan d’infiltration en X étapes afin d’intégrer l’équipe et de devenir maître du Monde des Douze, que dis-je, du Krosmoz ! Hum. Revenons à notre sujet : mais quel est le secret d’Ankama ?

Anthony Roux, aka Tot, co-fondateur et visage de la société, a été invité à parler du transmédia, qui est clairement l’une des composantes de ce succès.

La séance s’ouvre sur un petit film d’ambiance made in Roubaix qui pourrait donner envie au PDG d’Air France de démissionner pour partir en stage dans le nord, tellement c’est cool chez eux. Soit, Nickelodeon nous a fait la même lors de leur Focus Studio. Il a poursuivi en présentant rapidement les quatre activités principales d’Ankama (jeux, produits, animation, édition) et la valeur phare de la société : “l’aventure créative”. Parce que “la rentabilité c’est important si on veut rester sur le long terme, mais ce qui nous motive c’est de créer de beaux projets” comme le précise Tot.

Après cette introduction corporate, il s’est enfin attaqué au sujet du jour : le transmédia. Il a choisi de nous en parler à travers le cas du long métrage Dofus, ce que je trouvais être un très bon angle d’étude, malgré le ton amer adopté pour évoquer l’échec du film dans les salles. Malheureusement, j’attends encore qu’on me parle transmédia car, à mon sens, j’ai davantage assisté à une présentation de stratégie marketing plurimédia.

Pourtant, il commençait plutôt bien, en expliquant les composantes de l’ADN du Krosmoz. L’importance de la communauté et de la famille, en live comme dans la création, le style epico-burlesque, la générosité envers les joueurs et la pensée créative toujours orientée transmédia sont ainsi les valeurs phares de l’univers. On avance ensuite vers le film, et notamment ses personnages qui permettent de nombreux liens transmédias.

Joris, le personnage principal, est ainsi devenu le personnage qui vous accueille à l’arrivée dans le jeu vidéo Dofus. Toujours dans le jeu, des objets exclusifs tirés du film ont été créés pour Kerubim, qui sont son nunchaku et son casque de combat. Sa boutique d’antiquaire est une zone du jeu où il est possible de le rencontrer et de lui acheter des objets. Plusieurs lieux du film ont ainsi été intégrés au jeu, notamment la zone Ecaflip. Les équipes d’Ankama ont aussi créé un personnage inédit, Bakara, qui a donné naissance à une nouvelle classe dans le jeu. La classe des Huppermages a donc été dévoilée aux joueurs après la sortie du film.

Je m’étonnais qu’il n’aborde pas les liens avec les séries d’animation Wakfu et Dofus : aux trésors de Kerubim, quand est arrivé le hors sujet. On nous a présenté un schéma de stratégie de promotion pour la sortie du film, avec le pôle événementiel, le lancement du site officiel, les partenariats etc. Anthony Roux nous explique que “toute la stratégie mise en place a été dirigée vers le film pour ensuite booster le jeu, puisqu’en fait sur le film on savait qu’on allait perdre de l’argent dès le début”. Je n’ai pas 15 ans d’expérience marketing derrière moi, mais je ne m’étonne pas du peu d’entrée en salles si la promotion a fait passer le film pour une publicité version longue du jeu vidéo…

Le président d’Ankama nous détaille ensuite les éléments de cette stratégie : sortie d’un jeu de société, d’une collection de romans, d’un artbook, d’un coffret DVD, d’une collection de vêtements, de produits dérivés… Que les partenaires se rassurent, leurs noms ont été mentionnés et re-mentionnés, ainsi que les endroits où se procurer facilement leurs produits. Nous avons même eu droit à une revue des principaux jeux-concours organisés autour du film. Une tournée de remerciement plus complète que celle d’un discours aux Oscars.

Pour apprendre quelque chose d’intéressant, il fallait en réalité se concentrer sur les anecdotes qui ponctuent la présentation. Tot nous explique ainsi que la politique d’Ankama est “de ne jamais raconter deux fois la même histoire, quel que soit le média”, la sortie du roman du film est donc une ombre au tableau, qu’il regrette. Il ajoute qu’il existe une frise chronologique de 10 mètres de long dans leurs locaux, qui “va de 0 à 10 000 et sur laquelle on vient rajouter des petits stickers aimantés pour l’enrichir et ne pas se planter”.

C’est cet aspect que j’aurais aimé qu’il développe, le processus de création transmédia avec un univers aussi riche, l’utilisation de bibles, de fiches personnages… Mais non. Une vingtaine de minutes après le début de son intervention, il a fini et passe au jeu des questions réponses, d’abord avec le modérateur et ensuite avec le public. Une heure où il parle de tout, principalement des origines et des coulisses de la société, sauf du transmédia. Je vous laisse donc aller écouter la suite via la vidéo ci-dessous, ce n’est pas inintéressant, notamment quand il aborde les raisons de l’échec de Dofus au cinéma, mais ce n’est pas le bon sujet.

Il a cependant répondu à deux questions très pertinentes sur le transmédia. La première questionnait le lien de causalité qui existerait entre l’univers étendu du Krosmoz et les incohérences flagrantes que l’on y trouve, comme l’existence de bonbons pour un film qui possède des scènes un peu “chaudes” (combats violents, baisers passionnés, personnages sous la douche…), alors qu’il est recommandé dès 7 ans. Anthony Roux, totalement d’accord, a précisé que “c’est la force et la faiblesse de l’univers, on y met ce qu’on a envie d’y mettre”. Il tient beaucoup à cette liberté, qui permet selon lui de proposer quelque chose de différent des standards à la Disney et de leur construction filmique prévisible, voire formatée.

La deuxième concernait l’avenir de l’univers transmédia, et les nouveautés qu’il était encore possible d’y ajouter. Outre la possibilité de développer de nouvelles séries animées, Tot a dévoilé la piste qu’ils comptaient emprunter prochainement, et qui m’a surprise : les jeux de société. Mais même si “pour faire un jeu y’a besoin d’un graphiste, d’un game designer, et on peut faire des trucs super”, je me demande comment ces jeux pourront être partie intégrante du Krosmoz et non pas de simples produits dérivés, aussi super soient-ils. Je pense qu’il s’agit d’un défi plus complexe qu’il n’y parait, et que les créatifs d’Ankama vont galérer pendant que nous regarderons la saison 3 de Wakfu bien peinards.



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