Critique – Lego Ninjago, le film


Second long-métrage d’animation Lego de l’année après l’excellent Lego Batman, le film, Lego Ninjago, le film n’a pas autant de facilités que son aîné pour réunir le public, depuis son contexte de sortie (il est entouré de Capitaine Superslip, My Little Pony : Le film, Zombillénium, Le Monde Secret des émojis) jusqu’à la marque à laquelle il est associé, car il faut le souligner ; si vous avez entendu parler de Ninjago, soit vous avez moins de dix ans, soit vous êtes parent, soit vos horizons sont très ouverts ! Attention : Spoilers, évidemment. Dans cette aventure Ninjago sur grand écran, la bataille pour Ninjago City appelle dans ses rangs le jeune Lloyd, qui est aussi le ninja vert, ainsi que ses amis, tous secrètement des guerriers et des maîtres constructeurs. Sous les ordres de Wu, maître de aussi sage que blagueur, ils doivent détruire le maître de guerre Garmadon, le pire de tous… mais aussi le père de Lloyd. Cette lutte épique mettra à l’épreuve cette jeune équipe de ninjas modernes et indisciplinés, qui devront mettre de côté leur ego et s’unir pour déchaîner leur pouvoir.

Si notre réalité était vaguement évoquée dans Lego Batman, le film, l’introduction de Lego Ninjago, le film ne fait aucun mystère, entre l’évocation de Gremlins et la présence de Jackie Chan en propriétaire un peu grincheux, la narration est exposée, compromise entre la vision de cet enfant qui se sent à part de ses amis et ce que va lui enseigner Mr. Liu à travers le récit du film… en tous cas, c’est ce que les initiateurs voudraient vous convaincre, car ce n’est pas moins de six personnes qui ont scénarisé le film, si qui s’en sont occupé pour le département story et trois réalisateurs qui se sont partagé la tâche de faire du concept de Ninjago un long-métrage qui soit visible par tous. Et c’est bien ça le principal de ce troisième long-métrage Lego.

Car si La Grande Aventure Lego a tout établi et que la longue histoire de Batman avait permis de densifier l’humour de Lego Batman, le film, c’est un tout autre défi de faire de même avec Ninjago, franchise de jouet née en 2011, et déjà bien connue dans enfants qui les ont fréquenté avec la série animée commencée la même année.

Autant de produits que les plus grands ne connaissent pas, d’où la décision de changer la narration comme les rôles de chacun afin de bâtir un univers possiblement plus accessible pour le grand public.  Ici, c’est Lloyd qui prend la tête, le reste de l’équipe Ninjago ne faisant que peu ou prou de la figuration, tandis que c’est sa relation avec le méchant Garmadon qui donne au film sa colonne vertébrale, tout en étant structuré à l’opposé de nombreux long-métrages du même genre.

Explication : le premier acte de Ninjago pose les bases de l’univers au galop et nous invite dans un environnement urbain dense et coloré, et les séquences s’enchaînent sur un rythme d’enfer pour souligner à la fois les incessants combats entre l’équipe de ninjas et les généraux de Garmadon et en établissant l’habituel cliché du jeune outsider, dont ici chacun sait qu’il est le fils de l’antagoniste. Le film en profite pour glisser des références par paquets de 100, depuis les films d’arts martiaux (Jackie Chan, en tête, bien évidemment), mais aussi les films de méchas, de monstres géants… tout y passe jusqu’au twist de deuxième acte : Le-Loyd (comme son père le nomme) active l’arme ultime et déchaîne sur Ninjago la colère d’un félin, ce qui le force à dévoiler son identité secrète, à battre en retraite et à partir en quête de « l’arme ultime ultime » avec ses amis, et surtout son propre père afin de régler ce conflit qui bouillonne entre eux.

On ne peut que se réjouir de constater que les concepteurs des film Lego essaient de continuer à honorer cet esprit de contradiction initié par Lord et Miller, mais cet infléchissement dans la narration, qui passe de l’action pure de l’imagination de l’enfant au voyage initiatique de Mr. Liu, ventre mou à l’appui, laissera les enfants sur le carreau, d’autant plus qu’un grand nombre de blagues et de références leur seront complètement inconnues (ce qui commençait déjà à être un défaut dans Lego Batman, le film). Pire : les fans de minifigs, qui détesteront les libertés prises avec les limitations des personnages de plastique, aimeront d’autant moins cet arc narratif qui voit l’équipée traverser des cadres tout à fait naturels, où les briques Lego sont très peu nombreuses.

De même, si cette relation père/fils qui nous est présenté apporte une torsion dans l’univers Lego, elle ne trouve qu’une résolution pertinente très tardivement (il faut accepter ce que sont ses parents mais ne pas porter leurs péchés), cela se fait au prix du sacrifice de tout le reste. Ainsi, les autres personnages de l’équipe restent des figurants, les enjeux sont finalement plus internes qu’autre choses et les enfants dans la salle soupiraient entre les dialogues et développements relationnels tandis que les parents pouffaient parfois sur le traitement bien cinglé de certaines séquences (notamment celle ou Garmadon apprend à son fils à lancer, sur la chanson I Got A Name de Jim Croce), dont le rythme ne cesse d’être faussement trépidant car si l’on peut reprocher au film de ne pas atteindre sa cible, aucun doute qu’il n’abandonne jamais de la première à la dernière seconde.

Parlons tout de même des points les plus positifs, qui concernent l’exécution technique : Animal Logic fait là encore preuve d’une grande maîtrise et se surpasse par rapport au film précédent, depuis les incroyables séquences de combat , les gros plans sur des minifigs finement texturées jusqu’au décors naturels de mi-parcours, les animateurs et designers australiens n’ont pas perdu la main. Tout comme la musique, entre les citations de gros standards joués à la flûte par un Maître Wu assez peu présent, les orchestrations de Mark Mothersbaugh (La Grande Aventure Lego, Thor Ragnarok), et les chansons écrites spécialement comme « Boo Lloyd » ou le thème de Garmadon, le film fait merveille sur ce point.

Si l’on pouvait redouter la présence de Teddy Rinner au doublage de Cole, son personnage n’a en fin de compte qu’assez peu de répliques (et le judoka a avoué lors de la promotion que l’exercice fut très difficile) tandis que le reste du casting est remplacé par des routards du secteur, dont certain reprennent la voix de leur personnage de la série animée : Thibaut Delmotte, Aurélien Ringelheim, Jean-Michel Vovk, Alessandro Bevilacqua, Marie-Line Landerwyn, William Coryn pour Jackie Chan et l’excellent Jérémie Covillault qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour donner autant que Justin Theroux dans les bottes de Garmadon. On est donc loin de la déroute que fut La Grande Aventure Lego.

Au final, Lego Ninjago, le film pêche par compromission : il aurait voulu attirer tous les publics en visant le plus de cibles possibles, mais ne réalise un sans faute sur aucune d’elles, provoquant donc des mécontentements pour chaque public visé, depuis les AFOL jusqu’au enfants/ados fans de la franchise, sans parler des parents qui n’auront pas forcément toutes les bases cinéphiliques nécessaires pour saisir les nombreuses blagues lancées à la volée. Même si j’ai assez aimé le métrage, qui tente d’exister de sa propre manière un peu tordue, quelque chose me dit qu’il va être de plus en plus compliqué pour le WAG de vendre des films Lego… https://www.youtube.com/watch?v=hL_N7Jrn1-8


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