Ancienne disciple du légendaire Bill Plympton, Signe Baumane arrive avec un film abrasif, à la fois triste et hilarant sur la dépression qui habite les femmes de sa famille.
Nous suivons l’histoire personnelle de la réalisatrice à proposdes femmes dans sa famille, elle y compris, et de leur lutte contre la folie. Métaphores visuelles et images surréalistes s’entremêlent avec un sens de l’humour tordu.
Premier long-métrage de Signe Baumane, produit dans des conditions minimales, Rocks in my Pockets ne ressemble à aucun autre film des différentes sélections (en réalité il y a bien un autre métrage qui peut s’en approcher mais que j’ai vu plus tardivement, à savoir La Montagne Magique d’Anca Damian) puisque la narration à proprement parler n’y existe pas de manière conventionnelle.
Comme le fil ininterrompu d’une pensée, celle de sa réalisatrice, le film nous fait partager sa quête des origines familiales, où le féminin est mortellement lié à des signes de dépression. Techniquement, le style de Baumane, déjà largement exploré au sein de ses courts métrages, tient ici une constance tout du long. Il contrecarre les tropes graphiques dont l’animation mainstream nous gave, pour nous amener sur des sentiers thématiques bien plus pertinents.
C’est d’autant plus importants que les questionnements abordés le sont ici en majorité via un prisme bien spécifique, entre autofiction et autobiographie, où la trame de fond est l’histoire de sa famille tout autant que l’établissement d’un contexte : celui de la Lettonie depuis la seconde guerre mondiale jusqu’à maintenant.
En tant que spectateur occidental européen (et ethnocentré, parfois malgré soi), on en apprend beaucoup sur les mœurs et mentalités des Lettons via Rocks in my Pockets, qui nous parlent du suicide d’une manière si frontale que ça peut en être déconcertant dans les premières minutes.
Pourtant, c’est cette manière cavalière et directe qui nous fait plonger dans l’histoire, porté par la voix de Baumane elle-même. Elle nous raconte ses tourments en tant qu’artiste et cette obsession pour le néant dû à l’hypersensibilité de son personnage principal, qui ne veut pas se suicider trop salement car elle déteste faire du désordre et ne supporte pas la vue du sang.
Cette truculence dans le propos et le décalage avec la forme, déjà bien établi et exercé dans les précédentes œuvres de la réalisatrice, renforce cette impression de manifeste que constitue son premier long métrage : d’autres manières de raconter sont possibles, preuve en est ici, même si il y a peu de moyens. Et le film fait merveille pour frapper au cœur, car bon nombre de situations abordées vous parleront à un niveau personnel, les ayant déjà éprouvées à de différents niveaux dans votre milieu familial et je ne parle même pas des tendances dépressives, quelque chose d’à peine évoqué dans l’animation grand public.
Et cette idée que l’on se fait d’une œuvre animée est depuis trop longtemps parasitée par les non moins excellents films mainstream qui sortent sur les écrans, laissant penser que ce que l’on nomme vulgairement « l’animation pour adultes » n’aurait que du sexe et de la violence à nous offrir, ce que Rocks in my Pockets fait démentir avec brillance.
Chaque année, le festival nous offre quelques perles, mais il serait d’autant plus important que ces perles aient plus de visibilité en dehors même de celui-ci. Mesdames et messieurs les distributeurs, ayez du courage !