Critique – La Montagne Magique


Après Le voyage de Monsieur Crulic, lauréat du cristal du long-métrage en 2012, Anca Damian revient cette année avec ce nouveau film en séance spéciale, La Montagne Magique. Il est intéressant de noter que la réalisatrice ne vient pas spécifiquement de l’animation puisqu’elle retourne régulièrement au cinéma live (elle a tourné une comédie dramatique, A Very Unsettled Summer, avant de faire celui-ci). 

La biographie d’Adam Jacek Winker, traverse près d’un demi-siècle d’histoire. Polonais réfugié à Paris dans les années 60, sa vie aventureuse prend un tournant radical dans les années 80. Se rêvant chevalier du 20ème siècle, Jacek quitte la France pour combattre les soviétiques aux côtés du commandant Massoud en Afghanistan.

Comme pour Crulic, La Montagne Magique reprend le principe du récit en voix off, ici articulé entre Adam Jacek Winker et sa fille. En français, c’est le chanteur Christophe Miossec qui prend le relais et nous raconte de sa voix rugueuse le point de vue de notre héros. 

Depuis son départ de Pologne, dégoûté par le communisme, à son arrivée à Paris où il travaille comme peintre en bâtiment en passant par le ralliement des steppes Afghanes, on peut rapprocher Winker de Crulic. Car il est un homme qui semble insignifiant face aux événements de l’histoire, mais dont la vie en est un vrai symbole en cela qu’il a cherché à la contrôler. 

Mélangeant différentes techniques d’animation selon ce que le film a à raconter, La Montagne Magique possède, comme Crulic, un extraordinaire pouvoir d’évocation et de poésie. Depuis les photos d’époque tirées des archives de Winker, les mélanges de paysages peints inspirés par ses propres oeuvres et par le point de vue de sa fille, qui le transforme en héros animé. 

Le film nous rappelle ainsi à la fabrication même de la narration : si nous avons un raconteur, c’est ici la combinaison de l’imaginaire de son premier public, sa fille, et le sien qui nous donnent le cadre de l’histoire et son côté à la fois si précis (dans les faits, dans les dates) que l’image est indistincte (silhouettes floues, composition naïves, action sibylline) en sus de l’animation limitée et d’un dispositif de salle de cinéma à l’intérieur même du film.

montagne magique

Techniquement, le métrage possède un scope qui n’était pas de la partie dans le très carcéral Crulic. On ressent ici un vrai souffle, un appel de l’aventure politique et humaine que vit notre héros, et ses tentatives proches d’une certaine comédie pour rallier les moudjahidines du peuple et le jeune Massoud, transformant l’histoire en acte de résistance, mais aussi en prise de responsabilité puisque Winker laisse derrière lui sa propre fille qu’il finit par rejoindre malgré tout. 

On a parfois l’impression que les grands idéaux de Winker sont d’un autre temps. Et c’est d’autant plus prégnant avec la fin du film, où le spectre du 11 septembre 2001 se profile, clôturant des aventures paraissant déjà incroyables à l’époque où il les a vécues. Il laisse derrière lui les soviétiques, la guerre et un nom que les moudjahidines lui avaient donné : Adam Khan. 

C’est donc une véritable suite thématique que nous adresse Anca Damian avec cette Montagne Magique. Même si l’animation s’invite de plus en plus dans les documentaires et autres portraits, elle est à l’heure actuelle la seule à savoir manier cette émulsion si spécifique des techniques sur la durée d’un long métrage, même si ce dernier parait dans ce cas extrêmement dense en raison des allers-retours stylistiques et temporels, ici aidée par un storyboard signé par Theodore Ushev.

Reste que je ne dois pas être le seul à avoir aimé le film et à m’être demandé : pourquoi le film n’est-il pas en sélection officielle ? 


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