Interview – Parlons pigeons et baguettes avec Kevin Gemin, alias Kékéflipnote !


Tout a commencé en 2014 avec un gif de pigeon et de baguette entrevu en rôdant sur tumblr : après s’être abonné à la page de Kéké et appris qu’il serait présent sur Annecy durant le festival éponyme, il n’y a pas d’alternative : il fallait interviewer Kékéflipnote !

Peux-tu te présenter en quelques mots pour nos lecteurs ? 

Je m’appelle Kévin Gemin et je viens de terminer mes études à Émile Cohl à Lyon, j’y ais passé quatre ans. J’ai plus étudié le dessin et l’illustration mais je me vois plus aller dans le dessin animé et l’animation, tout ce qui touche à l’animation même la publicité. Je me verrai bien travailler dans n’importe quel secteur du cinéma d’animation.

Justement, cela rebondit sur ma prochaine question, comment te projettes-tu à l’avenir dans le milieu : dans la réalisation, production ou à un poste plus technique ? 

Dans l’idéal, j’aimerais produire une série ou travailler pour une série animée.

J’ai vu sur internet que tu avais fait un stage en Chine, est-ce que tu pourrais nous parler des conditions de travail ? Est-ce que tu as vu une différence par rapport à ce que tu as vécu ici ?

Au départ, j’ai eu un peur au niveau de la confrontation entre les deux langues, à savoir est-ce que j’arriverai à me faire comprendre sur les missions que l’on va me donner. Du coup, je suis parti avec un ami chinois qui a pu traduire pour moi et mon collègue. On était trois pour le stage.

Ca s’est très bien passé, j’ai montré ce que je savais faire sur des logiciels comme TVPaint, Toon Boom Harmony et Flash. Ils travaillent sur deux sections : tout ce qui touche à la 3D et concernant l’animation traditionnelle, qui me parlait plus.
Ils se sont montrés très ouverts, surtout qu’au départ j’ai l’habitude de dessiner avec ma Nintendo 3DS parce que c’est plus pratique pour moi. Je peux l’emmener partout. Je leur ai montré ce que je savais faire, ils ont vu le potentiel et le fait que j’étais motivé à animer aussi bien sur PC que sur ma console. Ils ne s ‘y attendaient pas.
Après ils nous ont proposé de travailler sur un de leur projet, un clip avec une mascotte un peu du genre de Vocaloïd. Le concept reprend le principe de l’idol, mais cette fois-ci en animation traditionnelle.
Ils nous ont donné tous les paramètres, les model sheets vu qu’on était français, ils recherchaient quelque chose de nouveau, de différent de leurs méthodes habituelles de travail.

Comment as-tu vécu cette différence de mentalité entre l’animation européenne et asiatique ? 

Je suis content et impressionné de voir que des personnes soient ouvertes au fait que je dessine sur DS, car peut-être je ne pourrais pas seulement le faire valoir dans le milieu professionnel, où les logiciels utilisés sont TVPaint et d’autres, plus classiques.
Après, j’ai été surpris de recevoir des avis positifs sur Tumblr et sur ma page Facebook, les gens m’ont encouragé à continuer vu que c’était quelque chose de nouveau. Il y a un aspect graphique qui a intéressé beaucoup de personnes vu que c’est du pixel art, j’utilise tout le temps des trames pour les couleurs et les personnages ce qui donnait un aspect digital intéressant.
Des gens de l’animation et du jeux vidéo ont montrés de l’intérêt pour ce que je faisais, alors que pour moi, j’y voyais l’aspect pratique vu que je pouvais amener ma DS partout contrairement au PC où il faut brancher la Cintiq, par exemple.

Tu parles de l’aspect pixel art, quels sont tes inspirations, où vas-tu puiser tes références ? 

Quand j’étais enfant, j’avais la Super Nintendo et mon univers pixel art s’est développé à partir de là. J’aimais le fait que ce soit de l’animation 2D, les personnages, le scrolling, le fait que les personnages allaient de gauche à droite. Tout cela m’a beaucoup parlé. Il y a aussi l’aspect des couleurs chez un artiste que j’aime bien, c’est Paul Robertson. Quand j’ai vu ça sur internet la première fois, j’ai eu un gros coup de cœur, il maîtrise vraiment bien les couleurs et les pixels.
Paul Robertson est l’une des influences de Kéké
Au début quand j’utilisais Flipnote, c’était sur la première version de la DSi (avant la 3DS), je pouvais utiliser deux ou trois couleurs par calque. Du coup, j’ai commencé avec deux couleurs : le noir et le rouge surtout, c’est pour cela que si on remonte dans mon blog, c’est soit noir et rouge, soit bleu et rouge.
En fait, là je suis content, depuis le 31 mars Nintendo a sorti Flipnote 3D alors que je l’attendais depuis 2013. Je l’attendais vraiment beaucoup car maintenant il y plus de choix dans les couleurs. Maintenant, je peux utiliser le vert, le jaune et le blanc, et faire des mélanges sur tout les calques, jusqu’à six couleurs.
Vu que j’ai connu Flipnote en 2009, je me contentais au début des deux couleurs mais pour moi, deux couleurs en plus, c’est vraiment énorme. Je vais pouvoir me perfectionner sur ce logiciel et maintenant que j’ai fini mes études, pouvoir me consacrer à d’autres comme TVPaint pour progresser et apprendre, voir ce que cela pourra m’apporter.

Alors parlons maintenant de ton obsession pour les pigeons, les baguettes et les renards, d’où te vient tout cet univers ? 

Un jour, je revenais chez moi et il y avait un pigeon qui tournait en rond autour d’une poubelle, je suis resté à l’observer. Je me disais, c’est bizarre, il ne se rend pas compte qu’il tourne en rond depuis dix minutes ou quoi, c’était à la mairie d’Annemasse. C’est stupide mais ça me fascinait.
Du coup, sur ma DS, j’avais fait une animation de balle rebondissante et je me dit : si je transformais cette balle en pigeon ? J’ai rajouté une tête et des pattes à la balle puis ça avait cet effet de “stretch and squash”, ça m’a bien fait rire ! Je l’ai montré à mon petit frère qui m’a dit “ Tu devrais le mettre sur internet, je ne sais pas pourquoi.”
Je me suis dit que c’était pas forcément intéressant de regarder juste un pigeon qui rebondit alors j’ai décidé de faire un cycle de marche en lui ajoutant une coupe afro, car avant j’en portais une. Puis je me suis dis pigeon + afro = pigeafro ! (rires)
Puis je l’ai mis sur Tumblr. A l’époque j’avais peu de followers, je devais en avoir mille. Je rentre chez moi, je vois plein de messages, je comprenais pas trop. Je me suis demandé ce qu’il s’était passé, vu que c’était que des avis positifs, c’est là que je me suis que je devais continuer à faire plein de pigeons, mais j’étais pas encore sur de moi.
Alors j’ai continué à faire d’autres dessins à côté, ça marchait bien mais pas aussi bien que le pigeon et cet afro. Puis j’ai dessiné une baguette et des pigeons qui picorent autour et j’ en ai rajouté de plus en plus, jusqu’à ce qu’il y en ai une nuée. Ces animations ont bien marché, c’est devenu viral. La chose positive avec ces pigeons est que je fais quelque chose qui me fait rire et qui plaît sur internet.
  Des fois je me dis que j’ai de la chance que les gens sur internet aiment bien mes pigeons. C’est aussi une identité que je me suis crée, les gens reconnaissent mon trait, mes pigeons, du coup je me suis trouvé et internet m’a ouvert les yeux. A l’époque, je faisais des fanarts et j’avais l’avis des amateurs des mêmes franchises, maintenant c’est personnel, ce qui rend l’avis du public plus fort. J’avais toujours un doute sur les pigeons, c’est pas que je ne les aimais pas, mais je me posais la question…
Alors j’ai ajouté des renards. Le renard est pour moi un animal très spirituel, très rare, très beau et je me suis dit que ce serait marrant qu’il rebondisse et qu’il mange des baguettes comme les pigeons.

L’air de rien, tu t’es construit un univers en partant d’un pigeon autour d’une poubelle…

(rires) Faudra que je le mette sur internet ça ! C’est vrai, pourtant on vit avec ces pigeons tout le temps, on y fait pas attention. Quand on demande quelqu’un : “C’est quoi ton animal préféré ?” Je pense qu’il y a 2% de chance que ce soit le pigeon.

(rires) Je ne sais pas ce que tu en penses mais qui sait, peut-être une compilation de ces animations pour l’avenir ? 

Dans l’idéal, j’aimerais en faire un court métrage, ce serait vraiment énorme ! Maintenant, j’ai encore du mal à y croire et surtout que mes animations rendent heureux les gens. ça m’a touché personnellement que des personnes m’écrivent qu’elles se sentaient mieux en regardant mes animations alors qu’elles traversent des périodes difficiles. Au début, je voyais sur le côté fun et je voyais pas du tout cet aspect précis. A ce moment-là, j’ai su que j’arrivais à transmettre des émotions par l’animation qui est ma passion, ça m’a encouragé à poursuivre dans cette voie.
Je partage ma passion avec le monde entier vu je fais des post en anglais et en français. Les anglais aiment y apprendre des mots en français mais surtout mes pigeons ne parlent pas mais bougent, ce qui est un langage universel. ça aurait été compliqué de se limiter à la langue française à cause de la traduction. Il y a même des animateurs de Cartoon Network qui sont venu voir mon travail !
Je fais des pigeons, je suis heureux de faire des pigeons. J’en fais depuis trois ans, c’est un peu comme mes enfants : “Vous voyez mes pigeons, ils ont trois ans aujourd’hui !” (rires)

Merci à toi pour cette interview !  Merci !

Pour aller plus loin :

Kéké continue à publier des gifs et des animations sur son tumblr et sur sa page Facebook. L’année prochaine, il sera présent au festival international du film d’animation d’Annecy en tant que professionnel ! Engagez-le rengagez-le qu’on vous dit !
Tout nos remerciements à l’hôtel L’Alexandra qui nous a prêté sa salle commune pour mener à bien cet interview.

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