Critique – Manang Biring


Manang Biring m’a donné l’occasion de découvrir un premier long-métrage en animation philippin, ce qui était pour moi une première dans le cadre du festival international du film d’animation d’Annecy. Le réalisateur Carl Joseph Papa a assuré seul de bout en bout la création de l’histoire de son héroïne avec un budget minimum. Ces conditions de réalisation impliquent l’utilisation de la rotoscopie ce qui est toujours délicat lorsqu’on parle d’animation. Voyons ensemble s’il est possible de trouver l’équilibre entre cette technique et la découverte du récit fort de la fin de Manang.

Manang, une vieille dame fougueuse en phase terminale, a accepté depuis longtemps l’idée de mourir très prochainement à cause d’un cancer du sein de stade 4. Elle reçoit une lettre inattendue d’un être cher dont elle s’était éloignée, qui lui annonce son retour pour Noël.

Manang Biring propose une structure narrative simple organisée autour de la dernière année de vie de son héroïne éponyme. On suit de très près ses humeurs de vieille femme ronchonne mais néanmoins touchante, ainsi que ses tracas du quotidien. Elle fait ainsi des rencontres surprenantes, à l’image d’un jeune voleur qu’elle surprend dans son petit appartement, qui va par la suite devenir son principal acolyte lors de ses balades détendues en ville.

La mise en scène, sans prétention, se rapproche d’un téléfilm qui oscille entre plans larges et de nombreux champs contre champs. Associés à une découpe narrative à la base mensuelle, on a vraiment l’impression de suivre la fin de vie de Manang d’un rythme régulier. Carlos Joseph Papa, le réalisateur, préserve ainsi une intimité entre la vieille femme et le spectateur, ce qui est réussi tant l’interprétation de Erlinda Villalobos est marquante.

Le point fort du film se situe dans les acteurs qui fournissent une interprétation pleine d’expressivité, donnant de la vie à cette situation pourtant tragique. On assiste notamment à une scène à hurler de rire où Manang, son amie Eva et le jeune garçon organisent un casting afin de “recruter” un compagnon pour la vieille femme.

Il y a aussi ce moment délicat où une jeune prospectrice en produits de beauté donne des conseils à Manang, durant laquelle il est difficile de rester de marbre face à tant d’empathie. Cependant, l’esthétique rotoscopée gâche le jeu si juste des protagonistes, car on voit évoluer des silhouettes contrastées de noir et blanc parfois difficilement lisibles. Les différents visages se retrouvent morcelés par des zones blanches créant un vide assez perturbant. C’est d’autant plus dommage lorsque que cela arrive à la volubile Eva et le voleur, dont l’expressivité mérite d’être illustrée par autre chose que l’espace blanc sur lequel se détachent quelques points noirs censés être les yeux et les narines.

On assiste aussi à des visions symboliques de la mort rôdant autour de Manang, représentée par un aigle aux formes évolutives et des évocations puissantes du vide entourant la vieille femme.

Ces occurrences sont réalisées dans une animation limitée à l’aspect crayonné, toujours en noir et blanc, en accord avec le reste du film. On regrette d’ailleurs qu’il y en ai pas plus, tant leur présence apporte signification et consistance à l’histoire.

Manang Biring donne à la fois un point de vue vivant et touchant sur la gestion de la fin de vie mais est handicapé par une rotoscopie maladroite. Ce long-métrage mérite amplement sa place dans cette édition du festival où la part belle est faite aux cheveux gris, entre Louise en hiver pour les longs et Une tête disparaît, Mamie pour les courts.

Je reste toutefois mitigée, car je ne cesse de penser que le film aurait mérité un meilleur traitement s’il était resté en live. https://www.youtube.com/watch?v=H9ZNtFif4l4



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