Critique – Capitaine Morten et la Reine des araignées


Capitaine Morten et la Reine des araignées, réalisé par Karpar Jancis, est un projet qui a attiré mon attention l’an dernier durant sa présentation en Work In Progress à Annecy. J’ai ensuite eu la chance de découvrir des extraits finalisés au dernier Cartoon Movie. Ce projet est d’ores et déjà intéressant car il nous montre le grand potentiel que peut revêtir la stop motion estonienne lorsqu’elle est portée par une histoire originale.

Morten rêve de prendre le large à bord de La Salamandre, avec son père le Capitaine Vicks, mais il doit rester à terre chez l’autoritaire Annabelle. Avec son complice Stinger, Annabelle veut s’emparer du bateau, persuadée qu’il cache un trésor de pirates. Pour déjouer leurs plans, Morten va être entraîné dans une aventure fantastique…

L’histoire place directement le jeune Morten comme étant le centre d’un récit émotionnel, toujours en quête incessante d’action, car il veut être traité en adulte responsable et le fait savoir à tout le monde. Heureusement cette hyperactivité est compensée par le fait que notre jeune héros endure l’expérience par le biais de sa principale antagoniste Annabelle. Cette dernière se présente d’ailleurs sous des airs d’une Pina Baush dont l’extravagance est totale. En effet, on ne devient pas capitaine en un jour !

La galerie de personnages est intéressante, car elle s’éloigne du manichéisme habituel pour les enrichir de subtilités qui les rendent soit attachant, soit vraiment répugnant, soit d’une maladresse d’une égalité exemplaire. On peut ainsi éprouver de l’empathie pour la féroce Annabelle à la découverte de sa passion brisée, et frémir d’horreur en découvrant que les papillons chassés par le cupide Stinger ressemblent à des jeunes filles. Ce sens du détail est vraiment très appréciable et permet d’embrasser un certain sens de l’absurde qui traverse l’univers original de Kaspar Jancis.

L’absurdité se dévoile par touche par le biais d’un animal inattendu…le pingouin. D’ailleurs, si vous êtes attentif à la sélection du festival, vous ne serez pas surpris d’en croiser d’autres. Vous pouvez être rassuré, ce n’est pas un virus tropical qui vous fait voir des pingouins partout.

L’aventure en minuscule de Morten lui fait découvrir un monde où son quotidien se reflète dans des personnages miroirs insectoïdes et la Reine des Araignées l’y attend de ses huit pieds fermes pour lui apprendre la vie. L’univers développé en stop motion se découvre ambitieux mais avec un aspect décalé, et il serait cependant trop facile de le comparer à celui de Tim Burton ou même à la touche très “crafty” du studio Laïka.

La stylisation des personnages, dessinée de manière anguleuse et accompagnée de couleurs rayonnantes presque saturées apportent à l’ensemble un joyeux décalage. On ne peut s’empêcher de rire devant les bouffonneries alcoolisées des matelots-guêpes (parce qu’ils ne tournent pas à la grenadine, on le sait bien !).

Le réalisateur se permet même de faire virevolter sa caméra pour les transitions et offre ainsi un certain confort au spectateur dans cette aventure marine en chambrée. La technique de stop motion est maîtrisée, seules de petites incrustations de liquide sont encore visibles ça et là mais vu la difficulté de l’exercice, on le vit plutôt bien.

Capitaine Morten et la Reine des araignées était pour moi une grosse attente et je n’ai pas été déçue. Kaspar Jancis a réussi à apporter des aspérités et de l’originalité dans ce conte maritime, le tout porté par une stop motion affinée et texturée. Je vous le recommande pour sa sortie en salles le 15 août prochain, distribué par Septième Factory.



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