Passé par le festival d’Annecy, The Colors Within, réalisé par Naoko Yamada et produit par Science Saru, a fait forte impression. Laissez-moi vous livrer mon ressenti sur ce long métrage tant attendu :
Totsuko est une lycéenne capable de voir les « couleurs » des autres. Bonheur, excitation, sérénité, et bien plus encore, se révèlent à ses yeux de façon unique. Kimi, une camarade de classe de son école, exhale la plus belle de toutes les couleurs. Bien qu’elle ne joue pas d’un instrument,Totsuko forme un groupe avec Kimi et Rui, un passionné de musique, qu’elles rencontrent dans une librairie de seconde main. Au fil de leurs répétitions dans une église abandonnée, la musique les rapproche peu à peu, scellant leur amitié et renforçant leurs sentiments.
Lors d’un jeu de balle au prisonnier, Totsuko prend un spectaculaire coup à la tête de la part de Kimi, ce qui lui révèle sa couleur, mais celle-ci ne vient plus en cours peu de temps après. Percutée par cette vibrance extraordinaire, Totsuko va se donner pour mission de retrouver Kimi dans les différentes librairies de la ville. Cette quête l’emmène vers un bouquiniste caché des regards chez lequel vont se tisser des liens d’abord très awkward et drôles, puis de plus en plus en touchants et purs entre les deux jeunes filles. Rui se greffera naturellement au projet de groupe musical, apportant avec lui son goût et son inventivité pour les claviers électroniques comme analogiques.
De la petite librairie à la chapelle abandonnée servant de lieu de répétition, ces endroits secrets deviennent des écrins pour leurs créations musicales avec leur dose d’imprévus, mais aussi de leur construction personnelle pour leur future vie d’adulte. The Colors Within arrive à mener au bout la thématique de l’accomplissement de soi en préservant sa positivité et sa fraicheur, ce qui est rare lorsque l’on parle d’art où la souffrance n’est jamais bien loin (Blue Giant).
On ressent à travers ces instants coupés du monde les étapes de composition qui s’entremêlent avec les avancées personnelles des protagonistes : Rui et Kimi sur leur relation compliquée vis à vis des études et les attentes familiales, tandis que Totsuko s’ouvre progressivement sur son talent particulier. D’un point de vue instrumental, le thérémine, joué par Rui, donne une dimension magique par sa gestuelle dans ce lieu teinté par le recueillement.
Le cadre principal de cette histoire d’amitié musicale se tient dans une école catholique pour filles où la figure de la Vierge Marie ponctue avec bienveillance le quotidien des collégiennes. Les œuvres de Naoko Yamada, tel que Liz et l’oiseau bleu ou Silent Voice, traversent à plusieurs reprises le milieu scolaire pour y développer des relations significatives dans le regard du spectateur. L’aspect clôt de l’internat catholique ajoute cette notion de subversion aux règles dans la construction de la relation entre Totsuko et Kimi qui rappelle cette même intention portée dans Lady Bird de Greta Gerwig.
Outre Kimi et Rui, Totsuko possède un entourage de trois amies qui possèdent aussi leur personnalité unique. On retrouve d’ailleurs ce cadrage resserré de l’intime, devenu l’une des signatures de la réalisatrice. Chaque personnage participe à sa manière à rendre Totsuko et ses errances créatives attachante, à tel point que l’on en redemande dès le film terminé. On en veut encore !
Pour ce film, Naoko Yamada arrive à mêler l’intangible à l’immatériel en associant le cadre religieux et son recueillement aux tumultes de la composition musicale. Il est difficile de rester insensibles aux différentes trajectoires des protagonistes et la mélodie pop finale, Sui Kin Chi Ka Moku Dotten Amen, vous trottera dans la tête bien longtemps après la découverte de The Colors Within.
On attend avec impatience la date de sortie cinéma officielle via All The Anime en France pour vous pousser encore plus à le voir sur grand écran.