Critique – Deep


Si les films d’animation espagnol en CGI constituent une niche, Annecy nous fait chaque année part d’une ou deux perles souvent dotées de qualités inattendues. Deep fait-il partie de ces bonnes surprises ?

Dans un monde abyssal du futur, où les humains ont abandonné la Terre et où les océans débordent, Deep, une pieuvre dumbo téméraire, la dernière de son espèce, et ses deux meilleurs amis, Evo, un poisson-pêcheur ringard et maladroit, et Alice, une crevette de haute mer névrosée, continuent de prospérer dans les profondeurs de l’océan. Contraints de trouver une nouvelle maison, ils vont affronter de redoutables ennemis et vivre des situations hilarantes au cours de leur mission.

Réalisé par Julio Soto Gurpide, touche-à-tout vétéran de l’industrie mais débutant pour ce qui concerne le poste assez lourd lié à ce type de métrage, avec un financement basé sur un système de co-production pareil à celui des films indépendants, Deep part avec une pression accrue et se base du coup sur un concept rassurant vu comme dénué de risque : celui du film familial d’aventure à fond comique comme il en sort des dizaines chaque année.

Et à ce jeu, Deep fait fort, car il doit être le seul, avec Wall-e, à placer ses péripétie sur une Terre post-apocalyptique quasi recouverte d’eau. Le héros, une fois encore, nous fait la narration en voix off pour nous faire passer un prologue avant que ne se déroulent les 85 minutes restantes du film, habitées d’un faux rythme douloureux pour toute personne ayant un minimum de 8 ans.

Tout comme Rock Dog, Deep essaie tant bien que mal de reproduire la formule DreamWorks de la comédie d’aventure, et une fois encore, le film échoue dans cette tâche. Pourquoi ?

Tout simplement parce que, Julio Soto Gurpide et José Tatay se sont concentré sur des péripéties très superficielles, et sur une quête qui aurait pu être intéressante si elle n’avait pas été déclenchée par Deep lui-même (oui, c’est bien son nom), une action très grave qui aurait pu être traitée sur un mode soit complètement cartoon, soit sur un mode plus sérieux, mais rien ne prime ici : c’est juste le point de déclenchement, et le trio de héros part directement à l’aventure pour sauver leurs amis.

Au-delà de cette inconséquences narratives des actions des personnages, l’aspect technique est très au niveau. Nous ne sommes certes pas au niveau de ce que produit Ilion Animation ou Blue Dream (il est logiquement plus difficile de faire de l’acting sur des poissons que sur des humains) mais Deep ne s’en sort pas trop mal et les différents personnages sont bien animés.

Je tire toutefois mon chapeau à la directrice artistique Estefania Pantoja, car le choix des poissons mis en avant pour le long-métrage est sans concession : certains personnages secondaires sont des espèces de poissons dites “moches”, et cela a dû faire partie des grands défis de la production de trouver un équilibre entre réalisme et stylisation, et le film ne fléchit que vers sa deuxième moitié, lorsque sont introduits des antagonistes plus classiques. Autre point fort notable : les décors, souvent très beaux… peut-être trop ? Ceux-ci entrent du coup en décalage avec les personnages qui, malgré leur direction artistique audacieuse, restent très cartoon.

Reste un film qui, comme son confrère Rock Dog, souffre d’un mal assez évident : à force de vouloir concevoir des films pour tous, on en arrive à accoucher de ce genre d’œuvre issue de trop nombreux compromis, juste médiocre, et dont les qualités technique ne peuvent le sauver du naufrage de son histoire, surtout dans le secteur très encombré de l’aventure subaquatique, qui a vu les meilleurs (Pixar) comme les moins bons (nWave Pictures) y tenter leur chance.

Gageons que Julio Soto Gurpide a vu ce film comme un galop d’essai et que son prochain effort soit plus contenu, car les talents sont réunis autour de lui pour créer la surprise ! https://www.youtube.com/watch?v=h6BiC0glX_M



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