Critique – Lisa Limone et Maroc Orange


Une histoire d’agrumes avec un fond politique, dit comme ça, cela semble dingue. C’est pourtant exactement ce qu’a réussi à faire Mait Laas avec sa comédie musicale en stop motion Lisa Limone et Maroc Orange.

Maroc Orange, réfugié rêvant de liberté, rencontre Lisa Limone, riche fille du propriétaire d’une exploitation de tomates… Un opéra animé en stop-motion qui revisite Shakespeare à la lumière de débats politiques contemporains.

Maroc est une jeune orange éprise de liberté qui se rend en Europe dans un bateau clandestin afin de démarrer une nouvelle vie. Seulement, sur son chemin, il devient l’esclave d’un patron Citron et se retrouve à cultiver des tomates pour une entreprise de Ketchup. Son destin va croiser celui de Lisa, fille du patron, qui veut à tout prix un coquillage chantant.

Le choix esthétique des personnages à têtes d’agrumes n’est en aucun cas un moyen de traiter le sujet de l’immigration clandestine et de l’exploitation d’un peuple à la légère. Il permet d’aborder frontalement les conditions de travail des immigrés illégaux. Dans une scène par exemple, on voit une grand-mère Orange se faire photographier de façon très humiliante dans ses guenilles. Je me suis trouvé en totale empathie avec elle tant la situation était dure, cela m’a même fait couler une larme.

Le film est rythmé par des chansons qui reflètent l’état d’esprit des différents agrumes . Ainsi, le père de Lisa a une scène chantée d’opéra italien très bling bling en raison de sa position de puissant, et Maroc chante d’une voix douce et solennelle en français pour marquer son aspiration à la liberté. La préservation des langues d’origines des protagonistes ancrent d’autant plus l’histoire dans la réalité..

L’animation des personnages s’applique à reproduire la gestuelle expressive des Italiens et l’attitude opprimée des clandestins, que l’on devine maghrébins. En ce qui concerne le traitement des textures, donc ici des écorces, il est le miroir des galères que subissent les Oranges et du soin apporté au physique que l’on retrouve en Italie. Les touches d’irrégularités amenées sur la peau des protagonistes leur donnent un caractère propre.

La stéréoscopie sert, quant à elle, surtout à mettre en valeur les tableaux chantés où la profondeur de champ est nécessaire, je pense notamment à toutes les scènes qui se déroulent dans l’usine de Ketchup.

A travers l’histoire de Lisa et Maroc, l’Union Européenne se prend une sacrée claque concernant « l’accompagnement” des boat people sur leur territoire. J’ai assisté à une séance essentiellement composée d’un public italien et anglais, je vous garantis que le sous-texte politique ne les a pas amusé du tout.

Lisa Limone et Maroc Orange m’a complètement conquise car il allie un message dur avec une technique de stop motion aboutie. Je vous invite même à vous rendre en salles en famille dès son éventuelle sortie, la présence de chansons rendant le propos plus abordable au jeune public. Si vous n’aimez pas les agrumes, ce film vous convaincra de prendre votre dose de vitamine C tous les jours !


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