Les bronies, ces fans de My Little Pony qui dérangent


My Little Pony : Friendship is Magic, le reboot version 2010 du fameux dessin animé pour enfant au pays des poneys, est un énorme succès auprès des petites filles comme des jeunes hommes. Rassemblée sur Internet, la communauté Brony est aujourd’hui une sous-culture reconnue, partagée ou critiquée. En effet, les bronies – brothers of ponies – remettent en question les notions de genre et d’identité, des sujets de société qui font toujours débat.

Le fandom de My Little Pony : Friendship is Magic est basé sur la néo-sincérité et prend place dans l’aire des ultra-cultes qui allient créativité et consommation, ce qui semble attirer les haineux. Ils sont mal-jugés et médits dans les médias à cause des stéréotypes de genre alors qu’ils se libèrent eux-mêmes de ces notions de genre, âge et origine pour adopter une nouvelle identité à travers leur passion pour la série.

Les amies c’est magique !

Dans My Little Pony : Friendship is Magic (Mon Petit Poney : Les Amies c’est Magique ! en français) on suit les aventures de Twilight Sparkle, élève de la souveraine d’Équestria, le pays magique des poneys. Après avoir sauvé le pays d’une malédiction, cette dernière décide de s’installer à Ponyville, où vivent ses nouvelles amies : Rainbow Dash, Pinkie Pie, Rarity, Fluttershy et Applejack.

Chacune possède un caractère bien tranché et complète le groupe à sa façon : de la joviale fofolle, à la sportive fonceuse, en passant par la cow-boy super franche, par la gentille timide qui aime les animaux, et par la reine du relooking et de la générosité. Des personnages hauts en couleur qui volent la vedette à l’intrigue de leur propre dessin animé !

Les épisodes sont généralement centrés sur ces six amies-poneys et enseignent des leçons sur l’amitié : c’est un cadeau, il faut chérir ses amis, les accepter tels qu’ils sont, ils sont notre force, on peut s’entendre même avec peu en commun… Ce côté enfantin est contrebalancé par l’humour et les références culturelles, deux éléments qui ont également fortement contribué au succès de My Little Pony : Friendship is Magic, et pas seulement auprès des parents qui regarderaient avec leurs enfants comme l’avait imaginé Lauren Faust, à l’origine de ce reboot.

Les Bronies : une communauté inattendue et ses détracteurs

Nés sur le web, les bronies sont connus comme étant des hommes de moins de 30 ans, mais la communauté (ou « the herd » – le troupeau -comme ils s’appellent eux-mêmes) s’est agrandie et accueille aussi bien les jeunes femmes que les soldats, qui sont bien loin du stéréotype geek souvent associé aux bronies. Il est pourtant vrai que la majorité des activités brony se tiennent en ligne où ils font du ponyart (fanart, fanfiction, musiques, vidéos etc.) et soutiennent la série au point de former une communauté de l’ultra-culte, à la recherche de singularité dans leurs identités médiatiques.

Avec une devise comme « love and tolerance », il est difficile pour les bronies de se battre contre les trolls et autres haineux. Ils ont donc fait de l’ironie leur arme, répondant aux attaques qui leur sont faites par un message fidèle à l’esprit de leur devise : « I’m Gonna Tolerate & Love The SHIT Outta You ». Cette néo-sincérité, où l’ironie est utilisée comme vérité pour renforcer un comportement nature et sincère, représente l’identité et la sous-culture brony : s’afficher et s’assumer sérieusement, sans honte et sans se cacher derrière l’autodérision.

Malgré leur message de paix, les bronies sont devenus paranoïaques suite à la manière dont les critiques ont réagi à leur existence : des moqueries (on peut pourtant être drôle et moqueur sans être méchant) à la diffamation, en passant pas des accusations de déviance sexuelle. Les médias encouragent cette fausse représentation en ne recherchant qu’à montrer des personnes caricaturales (le nolife de 25 ans qui vit dans le sous-sol de maman et ne sort que pour aller chercher un menu enfant avec son poney préféré en cadeau) au lieu d’essayer de représenter l’ensemble de la communauté. Certains bronies se comparent eux-mêmes à la communauté homosexuelle : les gens autour d’eux ne comprennent pas, pensant qu’ils sont malades ou malsains parce qu’ils remettent en question la façon dont les choses sont d’habitude.

Nous en parlions dans le podcast, le sujet comme il a été traité dans Comment ça va bien ! le 9 septembre dernier et les réactions des personnes présentes sur le plateau sont un parfait exemple des clichés qui planent et persistent autour de la communauté : « Mais c’est un truc pour les filles », « Ils en parlent de manière ironique ? », « Y’a une cellule psychologique ? C’est comme si on faisait une communauté j’aime bien Barbie ! », « C’est pas un truc d’enfant ? », « Je vois un brony parler à mes enfants je lui pète la gueule » etc. Heureusement quelques documentaires un peu plus poussés commencent à apparaître, comme Bronies: The Extremely Unexpected Adult Fans of My Little Pony qui aborde quelques unes des problématiques liées aux bronies. Le teaser ci-dessous donne d’ailleurs une très bonne idée de ce qu’est la communauté et l’esprit Brony.

La masculinité : une notion qui évolue

Les bronies aiment ouvertement une série considérée être « pour les filles » et vont ainsi à l’encontre de la socialisation genrée de notre société. Donc, pour beaucoup, ils doivent être des hommes fous et faibles. Alors qu’il est plus probable qu’ils soient suffisamment surs et à l’aise avec leur masculinité pour faire leur come out en tant que bronies.

De plus, ce qui est féminin ou non change avec le temps : le rose a été une couleur très masculine et particulièrement appropriée pour les petits garçons. Les choses évoluent avec la « performance de genre » : plus il y avait de femmes qui portaient des pantalons, plus c’est devenu normal pour elles de le faire. Puisque les fans du dessin animé sont des hommes et des femmes, cela fait de My Little Pony : Friendship is Magic une série pour une audience mixte, la regarder n’ayant aucun effet sur le genre de l’audience elle-même.

Les bronies sont attirés par la série grâce à son design et aux notions d’amour et de gentillesse qu’elle véhicule. Elle leur permet de profiter des sentiments de bonheur et de joie, d’être plus que les hommes virils qu’ils sont supposés être. Pourtant, la relation qu’entretient un brony avec les poneys des la série renforce sa masculinité dans le sens traditionnel du terme. Selon Venetia Robertson, assistante-chercheuse et future doctorante en Religions à l’Université de Sydney, l’anthropomorphisme des poneys, ajouté à leur design très mignon et le fait qu’ils soient majoritairement des personnages féminins, crée une attitude paternelle chez les fans. Ils ressentent le besoin de protéger ces animaux qui ressemblent à des humains comme s’il s’agissait de leurs propres enfants.

Il est également facile de s’identifier à des poneys humanisés et dotés de personnalités aussi détaillées. Mais ils ne sont pas humains, ce qui libère les bronies qui s’identifient à eux de leurs limites humaines : genre, âge, origine, espèce. Les bronies s’affranchissent de leur identité humaine et adoptent une identité qui transcende à la fois les stéréotypes et l’hégémonie masculine.

Avec My Little Pony : Friendship is Magic, les bronies ont trouvé un moyen de célébrer la joie, la tolérance et l’amour, tout en explorant les notions de genre, d’humanité et d’authenticité. Cette nouvelle pratique redéfinit le concept de masculinité et, plus important encore, permet aux bronies de se libérer de leur nature d’être humain afin de trouver une nouvelle identité.

Vers une société moins genrée ?

Et vous, que pensez-vous des bronies, de leur culture et de leurs détracteurs ? Pensez-vous qu’ils vont contribuer à faire évoluer les mentalités ? Une chose est sure, vous trouverez les jouets My Little Pony dans les pages roses destinées aux filles des catalogues de Noël que vous avez du commencer à recevoir, rappels annuels de ce qui est « pour les filles ou les garçons »… Car la socialisation de genre est un endoctrinement qui commence dès l’enfance, alors que les poneys, les super-héros, les sabres lasers et les cupcakes, c’est à tout le monde, sans distinction d’âge et de sexe. Surtout les poneys.

Sources :

Are Bronies Changing the Definition of Masculinity? (2012, Juin 6). Consulté le Octobre 12, 2013, sur http://youtu.be/Est3UNs-LIk Bronyspeak | Know Your Meme. (s.d.). Consulté le Octobre 12, 2013, sur Know Your Meme: http://knowyourmeme.com/memes/bronyspeak Rae Orsini, L. (2012, Février 21). Researchers strive to understand brony culture. Consulté le Octobre 12, 2013, sur Dailydot.com: http://www.dailydot.com/society/bronies-brony-my-little-pony-study/ Robertson, V. (2013, Janvier 3). Of ponies and men My Little Pony: Friendship is magic and the Brony fandom. International Journal of Cultural Studies . Watercutter, A. (2012, Mai 11). Bronies’ TV Spot Shows Changing Face of My Little Pony Herd. Consulté le Octobre 12, 2013, sur Wired.com: http://www.wired.com/underwire/2012/11/my-little-pony-bronies-commercial/ Watercutter, A. (2011, Septembre 6). My Little Pony Corrals Unlikely Fanboys Known as ‘Bronies’. Consulté le Octobre 12, 2013, sur Wired.com: http://www.wired.com/underwire/2011/06/bronies-my-little-ponys/


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