Interview – Derek Drymon, réalisateur de  » Bob l’éponge, le film : Un pour tous, tous pirates ! »


L’un des points culminants de la présentation de Paramount Animation lors du dernier Festival International du film d’animation d’Annecy furent les quinze premières minutes de Bob l’éponge, le film : Un pour tous, tous pirates ! L’occasion pour nous d’avoir pu échanger peu après avec Derek Drymon, vétéran de la franchise et réalisateur de ce quatrième long métrage ayant la chance de sortir en salles.

Bien décidé à prouver à M. Krabs qu’il est désormais un grand garçon, Bob l’éponge se lance sur les traces du légendaire Hollandais Volant, un redoutable pirate fantôme. Cap sur une épopée déjantée, entre fous rires, frissons et péripéties sous-marines, jusque dans les abysses les plus mystérieux de l’océan — là où aucune éponge n’a jamais osé plonger !

C’est donc votre deuxième long métrage d’animation.

Derek Drymon : Oui, avant cela, il y a eu Hôtel Transylvanie 4 – Chagements Monstres

Oui, il était bien. Un film amusant. C’est difficile de succéder à Genndy Tartakovsky.

Derek Drymon : C’était un défi. Il l’a écrit, mais il ne l’a pas réalisé. C’était donc ma première expérience dans ce domaine. Il y a donc eu une phase d’apprentissage, n’est-ce pas ? Mais ça a été une bonne expérience. C’était amusant. Je suis content d’avoir pu le faire.

Donc, un nouveau film Bob l’éponge. Vous connaissez évidemment le personnage puisque vous étiez là dès ses débuts.

Derek Drymon : Un peu, oui. (rires)

Et pour ajouter une touche d’originalité, un film de pirates.

Derek Drymon : Oui. C’était amusant de faire quelque chose qui nous permettait de créer une sorte de grande aventure et puis il y a ces pirates effrayants, n’est-ce pas ? Ce sont des morts-vivants. Donc, on a un peu de zombies, vous voyez, des trucs de zombies effrayants. Je pense donc que c’était un bon cadre pour un long métrage, ça confère quelque chose d’un peu différent, un peu plus effrayant, un petit peu plus glauque que dans un épisode normal.

Vous avez dit lors de la présentation que vous perceviez le film comme un épisode plus long, de plus grande envergure. La méthode de travail était-elle la même que pour la série, avec davantage d’écriture parce qu’il s’agit d’un long métrage, ou était-ce une approche plus basée sur des storyboards avec une outline ?

Derek Drymon : Et bien, cela a évidemment changé depuis mon départ, mais lorsque nous avons réalisé à l’époque le tout premier long métrage original nous avions fait comme la série, nous n’avions jamais de scénario, nous faisions juste un plan général en effet. Depuis mon départ, cela a changé et tout le monde, surtout lorsqu’on travaille dans le monde des studios et leur système, est plus à l’aise avec l’objet scénario.

Je n’allais donc pas m’opposer à cela. Nous avons donc écrit un scénario, ce qui s’est avéré très utile. Cela nous a donné une première idée, mais ensuite, une fois que nous savions vers quoi nous allions, nous l’avons pitché au département histoire et, vous savez, les scénaristes sont ce qu’ils sont : chacun est différent. Certains artistes sont très à l’aise pour écrire des dialogues et d’autres pour trouver des blagues.

D’autres artistes le sont moins, mais leur point fort réside dans la mise en scène. Nous avons donc distribué les différents séquences de Bob l’éponge, le film : Un pour tous, tous pirates ! en fonction de ces points forts et de ceux qui pouvaient interpréter tel ou tel personnage.

Il y a donc certaines sections où nos artistes ont travaillé seuls, comme l’ouverture, une grande partie de ce que vous avez vu hier, l’ouverture où Bob se réveille et se prépare à aller à la fête foraine, qui a été réalisée par Aaron Springer, qui a travaillé sur la série originale. C’est une personne qui est tout simplement un excellent scénariste et auteur de blagues.

Je lui ai donc simplement donné une outline, du genre « Bob l’éponge, voici ce qu’il veut, voici ce qu’il fait, et explore cela ». Il a donc créé toute cette histoire amusante. Et puis il y a d’autres scènes où le Hollandais Volant parle à Bob l’éponge et tente de le recruter pour le faire entrer dans le monde souterrain.

Il y a eu beaucoup d’allers-retours entre le scénario et ses réécritures et les storyboards car cela a évidemment beaucoup d’importance pour la narration. Il a donc fallu beaucoup affiner. Quand on réalise ces films et ces séries, d’après mon expérience, il n’y a pas vraiment une seule façon de procéder.

Il s’agit vraiment de trouver ce qui fonctionne et de voir qui est avec vous à ce moment-là, qui a une idée, qui se demande pourquoi cela ne fonctionne pas. Et ces personnes, avec un peu de chance, vous en êtes entourées, elles sont talentueuses et connaissent bien le scénario, comme votre monteur, votre chef scénariste et votre producteur… Tout le monde lance des idées et essaie de trouver la meilleure solution.

Oui. À propos de votre équipe, dont vous avez parlé lors de la présentation : Vous avez réuni une équipe de personnes de tous âges, et Bob l’éponge est désormais une icône transgénérationnelle. Comment avez-vous vécu le fait de voir ces différentes personnes parler de leur propre expérience avec Bob l’éponge ?

Derek Drymon : Oui, c’est intéressant, car beaucoup de membres de l’équipe ont entre 25 et 35 ans, c’est-à-dire qu’ils ont vraiment grandi avec Bob l’éponge. Certains d’entre eux ne se souviennent pas d’un monde sans ce personnage et donc, surtout au début, quand ces personnes sont arrivées, elles étaient pleines de respect et avaient des étoiles pleins les yeux.

Et puis, il faut se mettre au travail, ça devient un boulot, et très vite, chacun s’y habitue. Je dis toujours à tout le monde : « Imaginez que je vais bosser avec vous comme j’ai bossé avec les équipes d’origine, on balance des idées, tout est permis, ne modifiez rien, laissez-moi faire le montage, vous, vous vous occupez de trouver de quoi faire. » Je pense donc que le processus était le suivant : j’ai essayé de le rendre aussi similaire que possible à ce que nous faisions à l’époque.

Même les jeunes, il y en avait quelques-uns qui étaient assez jeunes et qui se sont très vite intégrés. Bien sûr, ils sont très respectueux, je veux dire qu’ils étaient pour la plupart très enthousiastes à l’idée de participer à quelque chose qui les avait accompagnés pendant leur enfance. Pour certains d’entre eux, ca faisait partie de la liste des productions sur lesquelles travailler avant de mourir, vous voyez, ils voulaient juste pouvoir dire qu’ils l’avaient fait. Je ne sais pas s’ils voudront recommencer un jour.

Et puis il y a quelques personnes avec qui j’avais travaillé chez DreamWorks, mais aussi des vétérans comme David Feiss, le créateur de Cléo et Chico. Et ces gars-là, comme Scott Underwood, Mark Ackland, ces artistes, comptent parmi les pros. Ils sont dans le métier depuis des années. Pour eux, Bob l’éponge n’était qu’une série parmi d’autres, un travail comme un autre.

Ils s’y sont mis en tant que professionnels accomplis et ont apporté leur contribution. Je pense que c’était un bon mélange, nous avions des vétérans, des gars expérimentés, des jeunes qui étaient de grands fans, et cette émulsion était bonne. Chaque film est vraiment le fruit du travail de tout l’équipe. Si vous n’aviez pas une personne en particulier, le film aurait été différent, peut-être subtilement, peut-être bien plus car vous n’auriez pas eu ces idées ou ces blagues. L’équipe, dans tous les films sur lesquels j’ai travaillé, c’est vraiment elle qui fait ou défait le film.

À propos de la musique du film et de son compositeur, John Debney. Il a déjà travaillé sur le personnage avec le deuxième film, Bob l’éponge, le film : Un héros sort de l’eau, mais aussi sur L’île aux Pirates.

Derek Drymon : John Debney. Il est génial et super sympa. En tant que réalisateur de films d’animation, vous devez travailler avec des acteurs sans en être un, travailler avec les coloristes sans savoir s’occuper de la couleur, travailler avec des animateurs sans faire d’animation… Et je ne suis pas musicien !

Mais je peux communiquer avec eux parce que nous parlons le même langage. Mais avec la musique, c’est si différent. Le langage est complètement différent. J’étais donc très intimidé à l’idée de m’engager dans cette voie. Mais vous savez, encore une fois, j’ai simplement abordé cela en termes de sentiments, de ce que je voulais que l’on ressente durant telle ou telle scène.

Devait-on se sentir heureux, triste, de l’un à l’autre ? Et donc je faisais des références, vous voyez, je désignais, par exemple, ce film-là, cette scène, ici et là… Donc pour ce film, je disais à John, regardons le passé et laissons la musique raconter l’histoire et nous aider à la raconter au maximum.

Donc, ca devait être vraiment très clair, exagéré, grandiose, comme King Kong, les vieux films de pirates, les films d’aventure. John disait qu’il avait l’impression de faire Star Wars. Tout était très clair, et avec Bob l’éponge, on ne veut pas que le public se demande de quoi parle la scène. On veut qu’il sache que c’est une scène effrayante, une scène amusante, une scène d’action, et la musique exprime vraiment tout cela.

Il avait composé la musique d’un film de pirates (L’île aux pirates de Renny Harlin, ndr) et nous avons fini par utiliser une partie de sa composition comme musique provisoire. Quand nous lui avons présenté un montage du film, il a dit : « Hé, c’est déjà ma musique ! » John est dans le métier depuis toujours, a tout fait. Quand on regarde son CV, on voit qu’il a travaillé sur une tonne de projets, comme Iron Man 2, Predators, L’Âge de glace : Les Lois de l’Univers et je crois qu’il a travaillé sur l’un des films Sin City, mais aussi sur The Greatest Showman, il a travaillé sur tellement de projets différents.

Je me suis donc senti très chanceux de l’avoir, car il connait vraiment son métier et c’est un maître. Il y a une scène où, si vous vous souvenez lors de la présentation, les personnages descendent les escaliers en courant. Nous avions un chœur à disposition et mon monteur a pensé que nous pourrions peut-être leur faire chanter un mot à la place, et nous leur avons donc fait dire « dépêchez-vous, dépêchez-vous, dépêchez-vous », et nous avons pensé que cela pourrait être une blague amusante. Nous avons donc écrit et imaginé un gag amusant sur scène pendant que John, les musiciens et le chœur était là. Ils ont bien ri en nous fournissant cette performance.

Et nous avons réussi à l’intégrer dans Bob l’éponge, le film : Un pour tous, tous pirates ! Comme tout bon artiste, John essaie toujours de rester créatif et est suffisamment flexible et expérimenté pour pouvoir tenter ce genre de choses un peu incongrues.

Tous mes remerciements à Jonathan Fisher de Paramount Pictures France pour la mise en place de cette interview


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