Véritable coup de cœur depuis sa présentation à Cartoon Movie 2020, Amélie et la métaphysique des tubes est enfin sorti en salles, peu de temps avant son passage au festival International du Film d’animation d’Annecy où il a reçu le prix du public.
Amélie est une petite fille belge née au Japon. Grâce à son amie Nishio-san, le monde n’est qu’aventures et découvertes. Mais le jour de ses trois ans, un événement change le cours de sa vie. Car à cet âge-là pour Amélie tout se joue : le bonheur comme la tragédie.
Après Stupeur et Tremblements et Tokyo Fiancée, Amélie et la Métaphysique des tubes opère un changement dans le processus adaptatif des romans d’Amélie Nothomb en se tournant vers l’animation, avec à la coréalisation de cette œuvre Liane-Cho Han et Maïlys Vallade.
Amélie et la Métaphysique des tubes pose rapidement le concept de tubes comme pré-conscience de l’être divin du nourrisson. Bébé Amélie se perçoit comme un spectateur puissant et intangible sur son monde familial et à l’extérieur de celui-ci. La résurgence des mots va agir tel un instrument de pouvoir pour Amélie, et ainsi lui donner la sensation de contrôle sur ce qui l’entoure.

La construction de l’enfant passe par le prise du pouvoir par les mots, mais aussi par sa propre conscience d’elle-même. Notre héroïne se perçoit de prime abord comme complètement japonaise car n’ayant connu que cette culture dès sa naissance. Élevée comme une japonaise, la jeune Amélie se perçoit comme telle. Ce ressenti peut faire écho à l’expérience d’enfants ayant connu une expérience de vie différente de celle du pays d’origine leurs parents.
La construction et l’évolution de la personnalité d’Amélie s’éveillent au contact de sa grand-mère, Claude, sa nourrice Nishio-San mais aussi dans une confrontation régulière avec Kashima-San, voisine et propriétaire du foyer parental. La bambine se retrouve entourée de personnalités féminines fortes, ce qui a pour effet de la pousser à s’aventurer vers le monde extérieur. Cette dépiction des féminités n’est pas sans rappeler le film Notre petite sœur du cinéaste japonais Kore-eda.
Amélie, grande héroïne de son prémisse d’existence, projette et vit ses émotions au travers d’une nature foisonnante, incandescente et colorée aux dimensions presque irréelles. Au fil de l’eau et de ses différentes formes, les sentiments vifs et le caractère profond de la toute petite s’expriment par la calligraphie ou simplement en écoutant la pluie tomber. Le long métrage emporte ainsi le spectateur vers un ressenti sensitif de premiers souvenirs de sa propre réalité, à l’image des pluies après plusieurs journées caniculaires.

On y découvre aussi une reconstitution du Japon des années 60-70 qui passe par un équilibre subtil entre la composition de Mari Fukuhara, le bruitage et le choix de musiques pop pour compléter l’ambiance. Il est facile en tant que spectateur de se projeter dans le quotidien japonais de la famille Nothomb.
Sur l’aspect adaptatif, le film prend des libertés et se tourne vers l’espoir dans certaines situations, notamment la relation houleuse avec Kashima-San. La temporalité du long métrage se vit en deux temps : l’appréhension des concepts tend vers la longueur mais une fois que la jeune Amélie s’exprime, les événements se déroulent avec fluidité. C’est un pari réussi de coller à ce point au vécu livresque de l’œuvre sur une heure et dix minutes de métrage.
Amélie et la métaphysique des tubes a complètement répondu à mes attentes et a même réussi à venir chercher des émotions auxquelles je ne m’attendais pas. Le long métrage nous plonge dans un kaléidoscope d’émotions colorées qui fait ressortir de la salle de cinéma le cœur léger. Il me tarde de recevoir mes nouvelles lunettes pour le redécouvrir dans mon cinéma local dès que possible.