Critique – Le Grand Magasin


Après un passage au dernier festival du film d’animation d’Annecy, Le Grand Magasin, premier long métrage de Yoshimi Itazu animé chez Productions I.G, fait son entrée en ce mercredi 6 décembre dans nos salles :

Akino est l’apprentie concierge d’un grand magasin vraiment spécial : les clients y sont tous des animaux ! Qu’ils soient petits ou grands, à poils ou à plumes, Akino travaille dur pour satisfaire toutes leurs demandes… même les plus surprenantes !

Rythmé par la sonnette du comptoir, Le Grand Magasin nous présente des tranches de vie emballées dans beaucoup de tendresse et de sensibilité envers la clientèle animalière en quête de présents à offrir à leurs proches. Chacun peut trouver une résonance intérieure dans la diversité des histoires fleurissantes dans ce lieu de consommation, j’ai pour ma part été touchée par les retrouvailles père-fille visons de mer, la rencontre impromptu du petit chat pâtissier et du mammouth M. Woolly, et enfin la mère perruche avec un budget modeste.

Les premiers pas d’Akino ne se font pas sans embûche, les deux pieds ancrés dans le monde du travail. Elle se retrouve confrontée à son manager gentiment envahissant Tôdo et à une cliente, que l’on appellera Karen pour préserver le mystère à la découverte du film, qui teste les limites et la patience des employés de la conciergerie. Cette réflexion évoque les thématiques parcourues par le manga Père Fouettard Corporation de l’autrice Hikaru Nakamura (Les Vacances de Jésus et Bouddha) avec un regard lucide et une vision moderne sur le monde du travail, ce qui n’est pas un hasard puisque cette mangaka est de la même génération que Tsuchika Nishimura, créateur du roman graphique La concierge du grand magasin sur lequel est basé ce long-métrage.

L’utilisation des avatars de notre société de consommation est le reflet d’inquiétudes et de préoccupations générationnelles de ces créateurices. Ces symboles se retrouvent détournés de leur sens originel pour servir une réflexion plus profonde sur les perversions du monde contemporain. Ici, les animaux, menacés d’extinctions par l’humanité, se retrouvent choyés, dorlotés comme pour panser des décennies de carnage écologique.

De même, l’imagerie de Noël pour Père Fouettard Corporation et le lieu même du Grand Magasin partagent un imaginaire connu de tous et l’on retrouve aussi de cette pertinence dans la récente série Rilakkuma et Kaoru dont deux saisons sont disponibles sur Netflix, preuve supplémentaire d’une préoccupation certaine dans les œuvres de divertissement japonaises actuelles.

Adapté donc du roman graphique La concierge du grand magasin édité chez Le Lézard Noir, ce film a su préserver la gestuelle burlesque du personnel de la conciergerie présent dans les illustrations d’origine. Les couleurs pastels de l’ensemble apporte en contre-emploi douceur et chaleur au centre commercial qui, dans notre imaginaire occidental est plus associé à la monstruosité consumériste du cinéma américain (de La Course au jouet à L’Armée des morts).

Le Grand Magasin s’avère émotionnel et doté d’une animation traditionnelle de belle qualité, et possède l’excellent avantage de ne durer qu’une petite heure et quart, ce qui est parfait pour les plus jeunes. Il arrive à point nommé pour la période des fêtes de fin d’année, je vous conseille donc d’aller donner de la force à Akino, la concierge fraichement recrutée. Rendez-vous dans le hall le 6 décembre grâce au distributeur Arthouse Films.



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