Critique – Rilakkuma et Kaoru, doux totems modernes



Rilakkuma est à l’origine une mascotte créée par la designeuse Aki Kondo en 2003 pour la très célèbre compagnie San-X qui a aussi vu naitre Hello Kitty. L’ourson aux formes arrondies s’est vu décliné sur toutes les affaires de bureau avant de passer aux livres jeunesse, aux jeux vidéo avant de prendre vie en stop motion dans cette série produite pour Netflix.

Kaoru s’ennuie dans sa vie, mais heureusement, quand elle rentre chez elle, elle retrouve l’ours en peluche Rilakkuma, son colocataire un peu paresseux mais trop mignon.

Dwarf Inc s’est occupé de la réalisation et de la création derrière cette série de treize épisodes d’une dizaine de minutes chacun. Ils possèdent une touche artistique tout en rondeur que l’on retrouvait déjà sur la série Domo, leur nouvelle série Mogu & Perol ainsi que la série Oni, crée chez Tonko House (Le cochon, le renard et le moulin) par Dice Tsutsumi, où Dwarf s’est alliée avec le studio d’effets spéciaux Megalis. Sur Rilakkuma et Kaoru, on est impressionné par le savant détail du déséquilibre bordélique de l’appartement de l’héroïne, mais aussi par la texture douce et fine des mascottes de cet univers.

Rilakkuma et Kaoru reprend les tropes des drama japonais en installant son héroïne au cœur des tracas du quotidien, depuis son travail d’employée de bureau à la pression sociale insidieuse mise sur une femme approchant la trentaine, qui consiste à lui envoyer tous les signaux possibles pour qu’elle trouve un mari. La mise en scène de cette solitude moderne internalisée se fait par l’apparition de tableaux dépouillés où elle se prend une pierre énorme sur la terre, mais aussi où elle angoisse de perdre Rilakkuma, seul être bénéfique de son existence. On retrouve entre autres le personnage du patron feignant et agaçant et celui de la collègue frimeuse tout le temps collée à son smartphone, mais aussi des personnages plus neutres comme le jeune Tokio, un garçon vivant au rez-de-chaussée de son immeuble.

Kaoru se retrouve confrontée à ses problèmes personnels, sa difficulté à affronter la vie et son travail qu’elle semble détester. Avec des épisodes comme « La saison des pluies », « Au régime » et « Au travail », la narration arrive à embrasser l’instabilité de notre temps en plongeant son héroïne dans une introspection qui touche par rebond le spectateur. A l’instar d’Agrettsuko qui se sert de la colère comme exutoire sociétal, Rilakkuma et Koaru se repose sur des moments intérieurs pour développer la subtilité des sentiments de son héroïne face à un monde qui change perpétuellement.

Les émotions se développent au sein même des personnages des mascottes : Rilakkuma est l’incarnation de la détente, toujours allongé avec son plaid, Korilakkuma l’ourson blanc se relève plus nerveux et colérique que son parent et Kiiroitori le poussin représente le travailleur sur-booké et hyperactif qui n’arrête littéralement jamais. Leurs caractéristiques immuables complètent les sentiments changeants de Kaoru et deviennent des repères narratifs lors du déroulé de ces treize épisodes.

La série offre pour rétablir l’équilibre des moments doux en corrélation avec la nature. Avec « Les feux d’artifice », « La fille fantôme » et « Le bonhomme de neige », les personnages règlent leurs problématiques en apprenant à vivre avec leur nature propre et les choses incontrôlables qui les entourent. On se situe dans une forme d’acceptation de l’immatériel dans un quotidien souvent chahuté.

Aggretsuko et Rilakkuma et Kaoru sont à l’origine des mascottes destinées à être des avatars affectifs permettant de supporter la routine. Avec ces séries animées, ces mascottes prennent une autre dimension et deviennent des totems s’ancrant dans la modernité. Il est ainsi difficile de rester insensible aux aventures de Rilakkuma et Kaoru, il m’est même d’avoir les larmes aux yeux à certains moments. Regardez donc la série, mais dans la position la plus confortable possible, comme Rilakkuma !


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