Premier film d’animation de la société Anima Istanbul, qui regroupe une structure de production, une pour l’animation et les effets visuel et une école, Bad Cat le chat cinglé a tout naturellement sa place dans l’Étrange festival, ce genre de curiosité montrant la pertinence de la sélection, qui s’est arrêté sur une comédie, certes, mais pas le genre que le grand public peut bien attendre…
Shero, son pote le rat Rıza et Rıfkı la mouette sont prêt pour la soirée barbecue de leur vie. Mais tout s’écroule quand Shero à l’arrivée du fils illégitime mais néanmoins de Shero, Taco, ainsi que la mort accidentelle d’une chatte que Shero se réservait ! Et la nuit ne fait que commencer…
Shero, aka Bad Cat, c’est avant tout un personnage issu d’une bande dessinée turque faite par Bülent Üstün depuis 1997. Si, aux origines, ce dernier possède des similarités physiques avec Garfield et Isidore le chat malin, la ressemblance s’arrête là. Car Shero boit et fume. Beaucoup. Shero baise, Shero est violent, vulgaire et se fiche de tout avec une attitude punk qui s’est depuis un peu adoucie au fur et à mesure que le personnage a gagné en popularité. Vingts ans plus tard, Shero débarque sur grand écran, en 3D.
Alors, toujours punk ? Certainement ! Poussé par son créateur, qui désirait une adaptation depuis les années 2000, Bad Cat aura dû attendre que les structures turques en matière d’animation soient suffisamment fortes pour soutenir une telle tentative, ce qui aura pris une quinzaine d’année avant l’arrivée en salles de Shero, désormais texturé mais toujours aussi mal léché.
Parlons-en des textures : Anima Istanbul a fait fort pour un premier long-métrage, conscient que la tournée des festivals peut être cruel avec ce type d’essai (le studio d’animation russe Wizart en a fait les frais par le passé), et nous présente un film de fort belle facture. Bad Cat n’a jamais l’air trop laid, et ses animaux ressemblent à des muppets hystériques à qui on aurait coupé les fils.
Ça se gâte forcément un peu plus du côté des humains, qui sont toujours plus complexes et nécessitent une stylisation supplémentaire, qui prend ici le même chemin que ce qu’Ilion Animation a fait pour Agents Super Zéro.
Les humains donc, sont tout aussi caricaturés et constituent une belle bande de sales trognes, la palme revenant au dessinateur, qui revient carrément d’entre les morts pour se venger de Shero dans une scène qui fleure bon la parodie horrifique. Là où je n’attendais pas le film, c’est dans la clarté et l’efficacité de son montage pour les multiples séquences d’action qui l’émaillent car depuis les différents combats aux courses-poursuites, le moins que l’on puisse dire est que l’on reste occupé durant le film.
Et ce que l’on perd en constance narrative est de suite gagné en dynamisme, et l’on peut apprécier toutes ces péripéties certes mineures avec le même calme que Rikfi la mouette fume son pétard. Si vous n’avez jamais vu un chat en pétard boxer un zombie en équipe avec son propre maître, Bad Cat vous ouvrira de nouveaux horizons, tout en étant garni de répliques bien gratinées et d’un mauvais esprit qui vaut bien de le ranger du côté de certains stoners, même si le métrage manque d’une séquence purement psychédélique (quoique la dernière scène…).
Côté son, la voix de Shero est un pur délice. Rauque et agressive, elle caractérise très bien notre anti-héros, qui peut se montrer doucereux un moment puis ultra violent l’instant suivant. Le reste de casting semble voir fumé des cigarettes depuis la naissance (comme Shero) et marmonne pas mal.
La musique reste certainement le point le plus faible, ce qui est dû a l’aspect essentiellement cartoon du film : tant de choses se déroulent à l’écran, et avec une telle intensité, qu’il n’y a pas besoin d’en faire des tonnes pour compléter le tableau. On peut tout de même noter quelques chansons, dont une un brin rock, qui clôture le métrage en fanfare.
Une histoire de chats pour grandes personnes qui aiment déconner, jamais avare en vulgarité et violence, Bad Cat nous démontre deux choses : que la Turquie est désormais mûre pour nous fournir d’autres long-métrages d’animation dans l’avenir, et qu’avec ce film, elle a sans effort taillé des croupières au très médiatisé Sausage Party, dont les bons échos ne valent que parce que la légende veut que l’animation populaire à destination des adultes ne concernerait qu’un public de niche… aux USA ! Généralisez pas les gars ! L’Europe ne vous a pas attendu !