Pour ce printemps, Malavida Films nous présente L’Histoire du soldat, un film d’animation original réalisé par Robert O. Blechman :
La guerre est terminée et le jeune soldat rentre chez lui. En chemin, il rencontre le diable, avec lequel il conclut un accord : il échange son violon bien-aimé contre des richesses illimitées. Tenaillé par les regrets, le soldat entame un voyage pour retrouver son âme et redécouvrir la vie qu’il a laissée derrière lui…
Des les premières minutes, on est happé par la modernité de l’incursion d’images documentaires qui se mêlent à l’animation traditionnelle de l’histoire principale. On ressent toute l’expérience en illustration de Blechman dans les silhouettes finement crayonnées du Soldat et du Diable. La narration fait appel aux codes du conte dans cette tentative d’un retour à la vie normale pour le Soldat. Les tonalités pastels de l’ensemble donnent une sensation de rêve éveillé pour le spectateur, entrecoupé de moments d’un vif réalisme aux tons plus tranchés, comme le retour au village.

Au cœur de ce dilemme faustien, la musique prend une place primordiale via le violon de notre héros naïf, la partition composée par Igor Stravinsky et les paroles de l’écrivain suisse Charles Ferdinand Ramuz. La synesthésie se fait ludique et joyeuse dans ce conflit entre la poésie aux envolées cubistes et l’installation progressive d’un capitalisme violent. En terme d’expérience et de sensibilité musicale, je n’avais pas vu ceci depuis le premier Fantasia.
L’œuvre de R.O Blechman se teinte de mélancolie et d’une tessiture particulière par le biais de son casting vocal prestigieux aussi bien en version originale avec Max Von Sydow (Shutter Island, Minority Report) et, en version française par le duo Henry Salvador et Serge Gainsbourg. Ces choix de personnalités reconnues portent en elles le discours critique du long métrage vis à vis de la marchandisation de l’art à l’ère du développement de la culture populaire, une intention inspirée par, et qui aurait été appréciée par l’école de Francfort si elle avait pu être téléportée en 1984.
L’Histoire du soldat se révèle être une bonne surprise, car le film sait s’appuyer sur les ressorts classiques du conte pour élaborer une critique directe de la modernité de son époque. Si vous aimez des films qui s’interrogent sur la portée de l’art tels que Les ailes de la renommée, L’Histoire du soldat est fait pour vous et est disponible en salles depuis le 9 avril.