Alors que le Festival national du film d’animation de Rennes se clôture ce soir avec la projection du superbe Une guitare à la mer (sorti au cinéma le 5 février dernier), retour sur mes impressions à la suite du visionnage auquel j’avais eu le plaisir d’assister à la Cinémathèque de Paris.
Ces dernières années, on assiste à un réjouissant revival de l’animation en stop motion. On pense forcément à Ma vie de Courgette de Claude Barras, qui a participé à ce nouveau rayonnement.
Réalisé par Sophie Roze et distribué par Little KMBO, le moyen-métrage de 30 minutes Une guitare à la mer a été présenté au sein d’un cycle de courts-métrages qui célèbrent à la fois la singularité d’une technique animée et les thématiques de la rencontre et de l’altérité. Il y était en compagnie de L’arrivée des capybaras d’Alfredo Soderguit (tiré de l’album jeunesse du même nom) et Les bottes de la nuit de Pierre-Luc Granjon (réalisé avec la technique de l’écran d’épingles).
Ici, je m’intéresse spécifiquement à notre tête d’affiche, Une guitare à la mer, ode musicale à l’entraide et l’amitié.

Il est question d’une fouine qui parcourt le monde avec pour seule maison une petite valise bleue remplie de cravates (et du nécessaire de toilette syndical), ainsi qu’une guitare qu’elle a reçue en troc. Ces cravates, elle les vend à la ronde, mais les affaires ne sont pas bonnes et elle erre de village en ferme, se désespérant du désintérêt total des habitants pour sa marchandise artisanale et chamarrée. Qui voudrait donc d’une cravate, pour faire joli ? S’habiller ? Se décorer ?
La nuit, elle rêve qu’elle joue de cette guitare au passé mystérieux qu’elle transporte avec elle. Personne ne veut de notre fouine vendeuse itinérante. Jusqu’à une rencontre qui va changer sa vie.
Alors qu’elle traverse la forêt, elle tombe sur un hérisson curieux et doux, qui se prend de fascination pour la guitare. Pour la première fois, notre fouine s’établit en ce lieu pour plusieurs jours et les deux animaux tissent un lien précieux. Jusqu’au jour où une quête inattendue vient les rattraper pour retrouver le propriétaire de la guitare.

Je m’étonne, en chroniquant ce film, de réaliser la richesse de la trame narrative déployée sur les seules 30 minutes de ce moyen-métrage. C’est qu’il s’en passe des choses dans l’aventure de notre fouine itinérante ! Au-delà des multiples rencontres faites sur son chemin, c’est le déploiement de sa quête personnelle qui se joue dans les interstices des moments partagés avec le hérisson, le capybara et les autres animaux qui surgissent au détour d’un buisson.

Le rôle central de la musique, symbolisée par la guitare – mais qui n’est pas le seul instrument représenté, puisqu’il y a aussi le bandonéon, les percussions… – s’entremêle savamment avec le désir de communication, l’envie d’aller à la rencontre de l’autre, de l’inconnu (thématique tissée d’ailleurs très fortement dans les deux autres courts-métrages). Malgré tous les obstacles dressés entre soi et les autres – idées reçues, peurs, croyances infondées, rumeurs, barrière de la langue (puisque le capybara bandonéoniste parle espagnol) – la magie de ce film réside dans sa capacité à faire dialoguer les personnages au-delà des mots. Et la musique en est évidemment l’une des clés.

Je pourrais parler longtemps de la justesse de l’écriture dans ce film, mais je ne voudrais pas manquer de parler de sa technique ! Il y a une émotion dans chaque petit geste des marionnettes aux allures naïves, qui transmettent une profondeur émotionnelle à chaque geste animé. Elles sont soutenues par une richesse incroyable de textures, de jeux de lumières qui achèvent de donner au film un look absolument splendide.
On est plongés dans une véritable fable, entièrement jouée « en extérieur », où les lumières, les sons et les images sont d’une crédibilité et d’une poésie fascinantes.
Une pépite d’animation artisanale à découvrir absolument.
Avec les voix de François Morel, Roseline Guinet, Omar Hasan Jalil et Emiliano Hasan Jalil.