Critique – Angry Birds, le film


La semaine dernière, j’ai lu un article sur un homme assez singulier. Après avoir mené Marvel sous l’égide de Disney et s’être fait débarquer de cette même entreprise, David Maisel, puisque c’est de lui que je parle, s’est mis en tête de faire d’Angry Birds le prochain vainqueur du box-office.

En 2010, il s’en est donc allé chercher Rovio, la compagnie éditrice du jeu, afin de leur bourrer le crâne quant aux bienfaits qu’ils pourraient retirer d’une adaptation cinématographique (ou même une franchise à la Marvel) de leur titre phare, extorquant à l’entreprise un chèque de 80 millions de dollars pour mettre sur pied un premier film. Le tout avec leur complète bénédiction, puisque le président de Rovio, Mikael Hed, veut voir grand pour son entreprise tout en gardant un contrôle créatif sur le film, une volonté légitime lorsqu’on constate le nombre d’adaptation bafouées de jeux vidéo.

Nous sommes en 2016. Après quelques années de développement, plus de 100 millions de dollars brûlés en contrats publicitaires, promotion et distribution et des licenciements d’une partie de son salariat, Angry Bird, le film rêvé par Rovio, est sur les écrans. Nanti du fameux budget de 80 millions (ce chiffre-là n’a pas bougé), c’est Sony Pictures Imageworks qui a été chargée de son animation, sur le pitch suivant :

Synopsis à venir

Ah non, excusez-moi, ça c’est ce qu’on trouve sur le site officiel du distributeur français du film, plus préoccupé à vous vendre le fait qu’ils ont débauché Omar Sy et Audrey Lamy pour faire le doublage que de mettre à jour le principal. Le vrai pitch donc, est peut-être moins bon que les trois mots ci-dessus :

Ce film nous amène sur une île entièrement peuplée d’oiseaux heureux et qui ne volent pas – ou presque. Dans ce paradis, Red, un oiseau avec un problème de colère, le très pressé Chuck, et l’imprévisible Bomb ont toujours été mis à l’écart. Mais lorsqu’arrivent des cochons verts mystérieux sur l’île, ce sera la mission de ce groupe de parias de découvrir ce que trament les cochons.

A ce stade, vous l’aurez deviné : on est en face d’une histoire classique d’origine, où les personnages les plus connus du jeu ont été mâchouillés et recrachés pour subvenir aux besoins d’un tel postulat, tout en tassant à coup de pied des thématiques bateaux et les mécaniques du jeu, histoire de tenir une heure et demie avec les publicités d’avant film.

Cette histoire basique, on la doit à John Cohen (producteur sur Moi, Moche et Méchant), Mikael Hed (président de Rovio) et Mikko Pöllä (le créateur d’Angry Birds), un trio qui a confié leur toxique brainstorming à John Vitti, capable du meilleur (Les Simpsons, Les Rois du Texas) mais surtout du pire (Avin et les Chipmunks 1 & 2, c’est lui) : en clair, celui qui pense que compenser une vanne de pipi par une autre, évoquant Shining et uniquement destinée aux adultes, va sauver l’entreprise.

On assiste alors à une tentative menée en pilote automatique, durant près de cinquante minutes visant à nous présenter les personnages et à nous les faire apprécier, tandis que les vilains cochons viennent endormir ce petit monde pour voler les œufs et repartir chez eux, débloquant une dernière demi-heure construite autour de la mécanique ludique de balancer les fameux ovipares sur le quartier général ennemi, le tout sur un message ni provocateur ni drôle puisque Red, vaguement colérique, se débarrasse des cordes thématiques d’un revers d’aile, discours vaseux sur le fait d’être soi-même à l’appui.

Et c’est d’autant plus malheureux que Sony Pictures Imageworks a fait un travail très honorable sur le métrage, depuis le character design aux décors, les personnages ont un acting vraiment sympa, de gros efforts de découpages et une animation très honnête, impossible d’être en colère contre les artistes qui ont bossé sur le film ces dernières années. Ce ne sont clairement pas eux qui sont à remettre en cause mais bien la pierre fondatrice du projet, cette histoire de niveau zéro, cachée derrière une diarrhée verbale quasi ininterrompue.

Une histoire qui, malgré tous ces efforts créatifs, fait tout s’effondrer d’un battement de cil une fois dans la salle. Et c’est d’autant plus triste qu’un grand nombre de critiques et parents se diront que c’est un spectacle adapté pour leurs enfants, en compagnie d’oiseaux déjà si efficaces à les neutraliser où que ce soit au format mobile, un mal qui nous replonge dans les abîmes du sempiternel « mais ne soit pas si exigeant, c’est pour les enfants ! » ou du « c’est de l’argent facile, on connait le topo ! ».

D’où l’idée de ne pas y aller et de voir d’autres films, d’éviter cette perversion née quelque part entre une formule DreamWorks usée jusqu’à la corde et le mercantilisme frontal de La Grande Aventure Lego. A l’heure ou chacun se rend de plus en plus compte que l’animation est un médium pouvant raconter toutes histoires (il vous suffit de comparer cet étron avec les derniers films d’animations français sortis, vous savez, ceux que trop peu sont allés voir) et ne doit pas rester coincé au fond de l’abysse.

Pour vous donner une idée du travail abattu chez SPI, j’ai mis ci-dessous non pas des images du film mais des concept arts de différents artistes qui ont travaillé sur le film, vous trouverez des dessins de Samantha Kallis, Pete Oswald, Travis Ruiz.


Véritable coquille vide, cet Angry Bird, Le film veut votre argent. Pitié, ne lui donnez pas. Louez un film pour vos enfants, achetez un DVD, rattrapez en séance tardive un film précédemment sorti, tout mais ne donnez pas votre ticket à Rovio, qui ne mérite vraiment pas de se renflouer avec une si triste affaire pourtant commissionnée à des professionnels. Et je vous dis ça alors que j’ai aimé La Grande Aventure Lego et Kung Fu Panda 3


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