Présenté en séance événement durant cette édition du Festival International du film d’Animation d’Annecy, Stitch Head est l’adaptation éponyme de la série de livres jeunesse de Guy Bass, publiés en France chez Bayard Jeunesse sous le titre P’tit Cousu. Ce long métrage est adapté et réalisé par Steve Hudson dont c’est la première oeuvre animée.
Dans son laboratoire de fortune au cœur du château Grotteskew, le plus fou des savants fous donne (presque) vie à sa toute dernière création monstrueuse. Tapi dans l’ombre, son tout premier cobaye, longtemps oublié, observe : Stitch Head, un petit être étrange composé de morceaux, de bric, de broc et de pièces détachées. Un jour, une troupe de monstres fatigués arrive en ville, menée par son propriétaire, Fulbert Freakfinder. Le spectacle a besoin d’une nouvelle attraction… lorsque Freakfinder rencontre le modeste Stitch Head, il sait qu’il vient de trouver sa vedette.
Reposant sur une inversion de la narration du mythe de Frankenstein, Stitch Head nous plonge dans un univers où les monstres sont terrifiés par le monde extérieur, représenté par le village en contrebas du château où ils vivent, caché de tous et supervisé par l’aîné des monstres, qui les prend en main et leur explique le fonctionnement de tout ceci dès que le savant fou termine l’une de ses expériences.

On ressent le poids de la routine et le détachement émotionnel de notre petit héros joué par Asa Butterfield, pour qui ses jeunes frères et sœurs, aux formes les plus exubérantes les uns des autres, sont des enfants sans but et en manque d’affection, leur créateur, à l’humeur évaporée autant que changeante, repartant immédiatement s’enfermer dans son donjon, en quête d’une nouvelle créature à concevoir.
A l’opposé se trouve l’horrible Fulbert (Rob Brydon, très charismatique dans son rôle de vénéneux père de substitution), chef d’une troupe de forains en manque d’attraction principale bien décidé à trouver la perle rare pour relancer ses affaires. Bien plus insidieux qu’un Stromboli, Fulbert saura convaincre Stitch Head de quitter le château et sa fratrie pour découvrir le monde en contrebas et lui donner le goût de la popularité en exploitant son désir de connexion avec les autres.
Au second plan, Créature (Joel Fry), le dernier né de la famille des monstres et Arabella (Tia Bannon), petite villageoise qui observe le château depuis ses jumelles car fascinée par cette communauté propulse le récit dans son deuxième acte, le premier par sa détermination à faire revenir leur grand frère et la seconde par sa volonté de faire ouvrir les yeux de Stitch Head quant à sa célébrité et les émotions qu’il y investit.

Si le dernier acte est un peu plus classique, il n’en reste pas moins un bel hommage aux productions théâtrales (d’où vient Guy Bass, le créateur original de Stitch Head) et résout de manière satisfaisante les enjeux narratifs et émotionnels dans la limite de ses 90 minutes.
Visuellement, le métrage a su adapter les illustrations d’origine conçues par Peter Williamson, ici réinterprétées pour l’animation par Stéphane Lecocq. Les équipes d’animation s’en sont donné à cœur joie pour donner vie à cette ribambelle de monstres colorés, ces forains aux physiques improbables avec en premier plan Fulbert, cette canaille à l’énergie sans fin sublimée par la mise en scène. A ce titre, l’inventivité de certaines séquences est à souligner, que ce soit dans les chansons comme dans certaines séquences plus douces, il y a toujours de quoi intéresser l’œil sans que cela ne prenne le pas sur le fond.
Stitch Head se révèle être un film très sincère et n’ayant pas peur des émotions qu’il transmet au public : on y parle de famille bien sûr, mais aussi de cette distance émotionnelle qui peut se creuser entre certains de ses membres si les parents ne sentent pas concernés par leur progéniture, différentes facettes ici bien explorées durant des séquences clés.
Je ne suis donc pas du tout surpris de la présence de Stitch Head en séance événement au festival, tout comme son acquisition par Wild Bunch Distribution pour une prochaine sortie française.