Critique – Dragons 3 : Le monde caché


Cinq ans après le précédent épisode, après beaucoup, beaucoup de remous chez DreamWorks Animation puis un rachat par Comcast, Dean DeBlois est arrivé à la fin de la trilogie Dragons entamée en 2010 aux cotés de Chris Sanders. Sous-titrée Le monde caché, ce chapitre final de l’adaptation animée des livres de Cressida Cowell possède une lourde tâche : faire coïncider sa narration avec l’intention initiale des films, qui était de fournir une explication à l’absence des dragons dans le monde moderne.

Harold est maintenant le chef de Berk au côté d’Astrid et Krokmou, en tant que dragon, est devenu le leader de son espèce. Ils réalisent enfin leurs rêves de vivre en paix entre vikings et dragons. Mais lorsque l’apparition soudaine d’une Furie Eclair coïncide avec la plus grande menace que le village n’ait jamais connue, Harold et Krokmou sont forcés de quitter leur village pour un voyage dans un monde caché dont ils n’auraient jamais soupçonnés l’existence. Alors que leurs véritables destins se révèlent, dragons et vikings vont se battre ensemble jusqu’au bout du monde pour protéger tout ce qu’ils chérissent.

Il y a cinq ans, j’avais évoqué le fait que, bien plus que le premier film, Dragons 2 aurait besoin du troisième et dernier film afin de pouvoir estimer justement sa place au sein de cette trilogie. Le monde caché apporte bien sûr son lot de réponses et de solutions à Dragons 2, mais DeBlois a dû sacrifier certains éléments et personnages au passage pour que tout cela tienne en un long métrage.

Chasseur blanc, cœur noir

Au rayon des nouveautés, on retrouve donc de nouvelles espèces de dragons, de nouveaux lieux et bien sûr, un nouvel antagoniste sous les traits de Grimmel le Grave, (Frank Murray Abrahams en version originale, l’excellent Féodor Atkine en version française), un chasseur de dragons dont l’expérience et l’inventivité en font un opposé polaire d’Harold, et dont la seule ambition est de terminer l’extermination des furies nocturnes. C’est sur cette note d’intention qu’il nous est présenté, employé par un trio de chefs de guerre déterminé à mettre sur pieds une armée de dragons après l’échec de Drago un an auparavant.

C’est ainsi que le précédent méchant est évacué, au détour d’un dialogue, son potentiel et son fond de problématique envoyé dans le néant afin de resserrer les liens dramatiques autour d’Harold, Krokmou, la Furie Eclair et Grimmel. Une astuce qui fait le travail sans regret mais qui laisse penser que l’écriture du film fut certainement semée d’embûches pour DeBlois, ici obligé de choisir dans sa galerie de personnage qui va tenir le flambeau pour telle ou telle séquence, et rend justice à des personnages délaissés en 2014 : Astrid,  Kognedur et Cranedur ont ici de quoi faire, tandis qu’Eret et Valka servent de luxueux figurants dans une intrigue qui, comme c’est désormais l’habitude, fait part belle à des séquences sans dialogue absolument merveilleuses, sur une musique de John Powell dont le talent n’est plus à prouver.

De retour également au sein de quelques séquences de souvenir, Stoik apporte plus de nuance à un personnage dont le développement avait été très intéressant, et Valka, dans ses rares interventions, donne des clés de compréhension d’un Harold dont la prise de responsabilité tente de copier la solitude de son propre père. DeBlois fait le maximum avec le peu de temps imparti à chaque trame narrative, tout en ménageant le rythme de son film, entre comédie, effets dramatiques, enjeux personnels et plus généraux.

L’idéaliste

Une année d’écart entre Dragons 2 et ce monde caché permet de retrouver un Harold plus à l’aise en tant que leader mais aussi spécialiste du compromis impossible, depuis sa conduite d’une diaspora pour sauver ses animaux préférés jusqu’à la libération de Krokmou pour qu’il puisse avoir une vie avec sa nouvelle compagne, ce n’est pas l’angoisse qui manque pour nos protagonistes dont l’animation, de plus en plus subtile, est un testament du travail des équipes de DreamWorks Animation, depuis les postures hilarantes de Cranedur jusqu’au plaisir sadique qui illumine le visage de Grimmel. Le saut esthétique est moins important qu’entre 2010 et 2014 mais c’est dans la foultitude de détails et dans la finesse du rendu que tout se joue.

A nouveau supervisée par Roger Deakins, la lumière du film est rehaussée par le tout dernier outil de ray tracing du studio, Moonray, qui fait des merveilles sur un grand nombre de plans, et pas forcément les plus attendus, comme ce discret plan large du hall des vikings sur fond de tempête ou encore l’intégralité de la séquence présentant Grimmel, pour ne citer qu’elle. A l’opposé d’Harold, DeBlois possède une grande confiance en ses capacités de réalisateur et c’est une fois encore des séquences habilement découpées qui se succèdent, avec toujours cette soif du plan long à la limite du plan séquence lors des confrontations armées,  une envie qui était déjà amorcée dans le précédent film. Coté contrepartie, on assiste à une réduction de plans de dos ou de gros plans en focale longue, ce qui est un peu dommage.

Au niveau de l’écriture, le défi est d’autant plus périlleux. DeBlois ne s’en était pas caché lors de sa présentation annécienne : il est difficile de conclure de manière satisfaisante et positive à un événement comme celui de la rupture de notre duo de héros et de la disparition des animaux-titre. Dans le fond de l’intrigue, la dérobade est évitée au profit d’un possible événement ultérieur rendant le fait irréversible. A n’en pas douter les larmes couleront sur les joues de bon nombre de spectateurs satisfaits des choix narratifs présentés, d’autant plus que DeBlois a bien travaillé son point faible du précédent film qu’étaient certains dialogues.

Dragons 3 : Le monde caché signe donc la fin d’une époque pour DreamWorks Animation, qui entre désormais de plein pied sous l’Ère Comcast en refermant cette trilogie qui aura couvert une décennie de cinéma d’animation tout en faisant figure d’emblème, son réalisateur et co-créateur étant resté aux commandes jusqu’à son terme : une certaine idée de l’exception pour ce type de film de studio. Au-delà de ce constat, il sera intéressant de voir quelle voie DeBlois va prendre : celle du live comme Jennifer Yuh ? Ou va-t-il rester dans les locaux de DreamWorks pour préparer un nouveau projet après de bonnes vacances ? D’ici là, peut-être que les dragons seront revenus, qui sait ?


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