Critique – Mary et la fleur de la sorcière


Mary et la fleur de la sorcière devait être un phœnix réincarné pour les fans de Ghibli. Difficile en effet de ne pas voir les similitudes entre ce film et les productions du studio de Totoro, dues à une équipe créative commune. Mais Mary est comme le bel oiseau bleu : tout en beauté, il n’arrive pas à prendre son envol.

Les images des bandes-annonces ne mentaient pas et le talent des artistes du studio Ponoc, ex-Ghibli pour beaucoup, n’a pas faibli. Le film est superbe. L’animation et les décors sont riches, les couleurs en mettent plein les yeux. Les animateurs ont réussi à donner vie à un balai, un bâton de bois chez qui l’on devine une forte personnalité. L’école de magie Endor est un bonheur à découvrir, toute en formes, couleurs et magie. Mon moment préféré du film est celui où Mary en fait la (longue) visite. Enfin, sans savoir que le film se déroulait dans la campagne anglaise, j’ai immédiatement reconnu ses petits cottages, ses paysages verdoyants et ses jardins fleuris. C’est agréable de s’éloigner de la traditionnelle campagne japonaise à rizières !

Mary et la fleur de la sorcière démarre en force, immédiatement captivant : on suit une sorcière rousse qui échappe à des monstres gris sans forme, avant d’échouer dans la forêt. Fondu au noir, ciel bleu, campagne anglaise, petite fille rousse un peu perdue et mal dans sa peau. Le rythme change du tout au tout en deux secondes et on revient dans un style très lent, à la limite du contemplatif. Au début, cette opposition de rythme est plaisante. Mais ensuite, la langueur s’installe, et rien ne se passe. Mary n’aime pas ses cheveux. Mary rencontre un garçon nommé Peter. Mary veut aider le jardinier. Mary pic-nique. Mary suit deux chats et découvre une drôle de fleur dans la forêt…

Ah ? Ah ben non. Mary ramène la fleur à la maison et la met dans un joli vase. Plus d’un tiers du film est passé. Enfin, (enfin!) elle trouve un balai (le fameux), gagne des pouvoirs magiques en écrasant par hasard une fleur mystérieuse, et est emportée malgré elle vers l’académie d’Endor. S’en suit une séquence assez superbe, avec une dose de loufoquerie (les balais ont leur place attitrée pour dormir voyons, il ne faut pas les laisser comme ça contre un mur) et de magie. Endor vaut bien Poudlard, en moins austère. Une citée volante que l’on ajouterai volontiers à nos lieux imaginaires à visiter si cela était possible ! La jeune Mary adore elle aussi sa visite, puisqu’elle est prise pour une sorcière aux grands pouvoirs et à la sublime chevelure, tout ce qu’elle a toujours rêvé d’entendre.

De là, il commence enfin à y avoir quelques péripéties, pas vraiment convaincantes. Mary tente de sauver Peter, en danger à cause d’elle, et délivre au passage des dizaines d’animaux victimes d’expérience de métamorphomagie (visiblement la directrice et son adjoint s’adonnent à des expériences qui associent l’expertise magique à la McGonagall et les expériences chimériques de l’alchimiste Shô Tucker). La jolie morale sur le droit des animaux à laquelle on aurait pu s’attendre en lisant le résumé du livre dont est tiré le film est ici expédiée en deux minutes. Idem pour ce qui est de la fable écologique, où la magie transformée contrarierait la nature.

Il y a pour moi une corrélation entre le pouvoir de la fleur de la sorcière et le degré d’intérêt du spectateur pour le film. La fleur donne d’immenses pouvoirs pour une durée très limitée, suivant l’utilisation qui en est faite., un peu comme une batterie magique. De même, le spectateur se laisse emmener par un début de rebondissement prometteur, et son enthousiasme s’étiole progressivement, comme un soufflé, jusqu’au shot de fleur suivant. C’est épuisant et perturbant : on est sans cesse entre deux sensations, entre « j’adore c’est cool » et « mouuuuuuais ». Surtout quand les motivations des deux méchants sont expliquées en deux minutes, par la fameuse sorcière du début du film, qui se trouve être, attention suspense… Vous le saurez bien en voyant le film :p !

Pour son premier film le studio Ponoc a montré un savoir-faire technique certain en matière d’animation. Il y a cependant des progrès à faire concernant l’écriture du scénario et des personnages, très vides. Mary et la fleur de la sorcière reste un film plutôt agréable, que beaucoup apprécieront. Je ne souhaite pas vous décourager d’aller le voir en salles. Il a ses mérites, mais pour ma part j’en attendais plus. Plus d’épique !


A lire dans le même genre

Dernières publications

  • Critique Annecy 2024 – The Colors Within

    Critique Annecy 2024 – The Colors Within

    Passé par le festival d’Annecy, The Colors Within, réalisé par Naoko Yamada et produit par Science Saru, a fait forte impression. Laissez-moi vous livrer mon ressenti sur ce long métrage tant attendu : Totsuko est une lycéenne capable de voir les « couleurs » des autres. Bonheur, excitation, sérénité, et bien plus encore, se révèlent…

  • Plongez dans les premières images de l’anime « L’Atelier des sorciers »

    Plongez dans les premières images de l’anime « L’Atelier des sorciers »

    On l’attendait d’une impatience mêlée d’inquiétude, et voici donc les premières informations et une bande-annonce pour l’adaptation animée de L’Atelier des sorciers, l’un des meilleurs manga actuels, dévoilés durant un panel de l’Anime Expo. Coco, une jeune fille qui n’est pas née sorcière mais qui est passionnée par la magie depuis son enfance et travaillant…

  • Une nouvelle bande annonce pour « Anzu, chat-fantôme »

    Une nouvelle bande annonce pour « Anzu, chat-fantôme »

    Après un passage à la Quinzaine de Cannes et au festival d’Annecy, Anzu, chat-fantôme, réalisé par Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita, se dévoile dans une nouvelle bande annonce : Karin, 11 ans, est abandonnée par son père chez son grand-père, le moine d’une petite ville de la province japonaise. Celui-ci demande à Anzu, son chat-fantôme…