Critique – Totto-Chan, la petite fille à la fenêtre


Présenté au festival international du film d’animation d’Annecy, Totto-Chan, la petite fille à la fenêtre, adapté du roman de Tetsuko Kuroyanagi et réalisé par Shinnosuke Yukawa est présent dans nos salles depuis le 1er janvier, distribué par Eurozoom :

Tokyo, début des années 1940. Tetsuko, que tout le monde appelle Totto-Chan, est une petite fille pleine de vie qui mène la vie dure à son institutrice, qui finit par la renvoyer. Ses parents décident de l’inscrire à Tomoe, une école pas comme les autres où de vieux wagons font office de salles de classe. Son directeur y met l’accent sur l’indépendance et la créativité des enfants.

Totto-Chan, la petite fille à la fenêtre offre un point de vue rafraîchissant sur l’éducation, ainsi que sur la spontanéité de l’enfance. On apprend à découvrir les personnalités de Totto-Chan et ses camarades de façon horizontale et franche, loin du mépris et du jugement du monde adulte. Les enfants expérimentent, jouent, se livrent et grandissent dans cet environnement atypique, alors que le monde se durcit autour d’eux. Cette ouverture personnelle et progressive des enfants m’a évoqué cette scène d’Un flic à la maternelle (1990) où le héros interroge la classe sur les activités de leurs parents, mettant à jour des failles plus intimes des différentes familles via la candeur des déclarations qu’il obtient.

L’esthétique du film rejoint cette volonté d’amener de la vie au sein du milieu scolaire, avec une carnation claire et marquée de ses protagonistes. On peut penser au premier abord aux traits d’anciennes poupées mais l’animation rend les personnages vivants et chaotiques. Cette texture et cet aspect organique se révèlent plus proche de la sensibilité des Enfants de la Mer (à voir ! si ce n’est déjà fait). On profite à plusieurs reprises d’explorations du monde intérieur de Totto-Chan et de son ami Yasuaki avec des séquences vibrantes et folles qui vous surprendront et vous raviront !

L’art prend toutes les formes dans le quotidien et l’épanouissement des élèves avec des chansons qui rythment le déjeuner et des moments de danse spontanés permettent une réappropriation du corps et la confiance en soi. Il est intéressant de noter les fluctuations de l’imaginaire enfantin en corrélation avec l’impact des changements politiques du Japon des années 40. Aussi, la littérature, surtout la découverte de La Case de l’oncle Tom par l’intermédiaire du personnage de Yasuaki, va servir de déclencheur de conscience au-delà des murs de cette école dont le directeur tente tant bien que mal de protéger de la fascisation du Japon impérial.

La force de Totto-Chan, la petite fille à la fenêtre réside dans le fait la réflexion sur le monde au-delà des murs de l’école. On assiste aux prémisses de la seconde guerre mondiale et à la montée du conservatisme qui n’épargnent personne. Les parents de Totto-Chan, tous deux perçus comme marginaux, se voient sacrifier leur art et leur personnalité, l’école Tomoe se retrouve en danger existentiel. On ne peut ignorer ces mêmes signes que l’on retrouve dans la situation géopolitique mondiale actuelle. Si vous allez voir le film en famille, il se peut que celui-ci ouvre sur des conversations matures avec vos enfants, et c’est une bonne chose.

J’ai toujours eu du mal avec les histoires où l’école y est trop présente car elles sont souvent teintées d’un discours moralisateur et passéiste. Ici, Totto-Chan la petite fille à la fenêtre arrive à concilier l’agitation de l’enfance avec une photographie pertinente et politique du Japon des années 40, une face de l’Histoire que l’on connaît moins jusqu’ici, bien qu’abordé plus récemment dans l’animation avec le très beau Dans un recoin de ce monde. Il se peut que le long métrage provoque une mélancolie et une tristesse en vous mais il en vaut largement la peine.


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