Souvenez-vous : il n’y pas si longtemps, en 2022, sortait Les Bad Guys. A l’époque Camille avait eu le plaisir d’interviewer la voix française de Diane Foxington, Alice Belaidi, qui revient sur son rapport à l’animation et les libertés qu’apportent le doublage pour une comédienne.
Les Bad Guys sont 5 animaux et criminels mondialement recherchés. Alors qu’ils sont sur le point d’être arrêtés et être condamnés en prison pour leurs nombreux crimes, Loup propose leur ultime méfait, devenir des citoyens modèles pour continuer leurs crimes en toute impunité. Mais lorsqu’un nouvel ennemi fait son apparition, les Bad Guys vont devoir vraiment devenir des citoyens modèles s’ils veulent pouvoir arrêter leur nouvel ennemi et permettre à Loup d’obtenir ce dont il a toujours voulu obtenir : la reconnaissance d’autrui.
Alors si je ne me trompe pas, c’est votre première expérience en doublage de film d’animation. Alors comment avez-vous abordé cette aventure ?
Alice Belaidi : Comme une enfant de 8 ans qui va dans un grand parc d’attractions pour la première fois avec des yeux émerveillés. J’étais ultra contente de me lever le matin. Voilà, je c’est pour moi c’était vraiment le top de ce qui est être une actrice quoi. C’est-à-dire de pouvoir revenir à mon enfance et à jouer à être une renarde et à y croire à fond sans artifice, dans une boîte noire où personne ne me voit, où je peux aller au-delà du regard que je porte sur moi, mon jeu, ma maman. Voilà, c’était une expérience sublime.
Vous aviez des comment dire des films préférés dans votre enfance en animation ?
Alice Belaidi : Je suis fan de South Park, absolument. Donc c’est pas un dessin animé pour les enfants, pas du tout. Mais je continue encore à chaque saison à trouver ça tellement fort sur la société, ce qu’ils arrivent encore à raconter de juste avec ces personnages tellement odieux qu’on aime à la folie.
Je trouve que créer de l’empathie avec des personnages comme ça, si racistes, homophobes, enfin qui ont toutes les tares. Je trouve qu’il y a une forme de génie dans South Park qui pour moi est inégalée.
Alors vous dites que ça vous a enrichi en tant qu’actrice. Justement, est-ce que vous pourriez préciser un peu ce que ça vous a apporté ?
Alice Belaidi : Ça m’a conforté dans l’idée que j’aimais vraiment jouer la comédie et parfois on est un peu pollué par l’extérieur, ses choix de carrière, essayer de faire les films qu’il faut, essayer de de rentrer dans des personnages qu’on a un peu près défini dans nos têtes et tout ça. Enfin, être actrice ce n’est pas que jouer la comédie.
Et en fait c’est ça qui me plaît. Tous les à côtés c’est assez polluant pour moi et prendre conscience de ça, parce qu’en fait là tu as plus que ça. Tu n’as pas le make-up, ton habit, tu as pas le mec à la caméra, tu as pas tout le dispositif autour qui fait que tu oublies l’essence même de ton métier qui est de jouer la comédie, de faire croire au spectateur que je suis un personnage.
Moi après que moi j’y crois, que le mec au son y croit, finalement on s’en fiche. En fait, ce qui compte c’est que le personnage y croit. Et là, il n’y avait plus tout ça. Et en fait, ça n’enlève pas tant de couches que ça : tu es l’acteur à nu qui va s’amuser. Et je crois que ça m’a vraiment éclaté. J’étais vraiment dans une forme de grande joie à faire ça.

Est-ce que vous aviez des attentes ? Parce que le le travail du doublage, c’est un travail assez particulier et très endurant aussi. Est-ce que vous aviez des attentes qui ont été confortées ou déjouées par cette expérience ?
Alice Belaidi : J’avais peur de ne pas avoir le temps, d’avoir besoin de trop de prise ou justement de bouffer mes mots, mais aussi de plein de choses techniques, de ne pas réussir à lire assez vite. Des trucs tellement bêtes en fait. Et très vite tu te rends compte que ces peurs basiques, techniques, finalement ça va : j’arrive à lire plus ou moins bien. Il suffit de prendre une petite gorgée d’eau pour qu’on puisse articuler.
Voilà, donc les peurs techniques se sont envolées très vite et justement, j’étais pas dans la peur, j’étais aussi dans une grande confiance en la directrice artistique qui était avec moi et je me suis juste éclatée. Franchement, je vais peut-être vous ennuyer mais l’expérience a été sublime.
Je pense vous étiez bien vous étiez bien entouré.
Alice Belaidi : Oui, c’était génial.
Est-ce que ça a été difficile pour vous parce qu’en France en général on on double pas avec les autres comédiens en présence. Donc est-ce que ça a été difficile pour vous d’être en solo ?
Alice Belaidi : Non, je crois qu’au contraire on joue toujours aussi en fonction du partenaire et pour lui ou elle et ça fait aussi partie justement des couches dont je parlais, où tu n’es plus dans l’essence même de ton jeu. C’est vrai que souvent, et même si j’adore ça justement, de jouer avec mon partenaire et en fonction de celui-ci tu dois t’adapter, alors que là tu es complètement seule.
Donc c’est vrai que c’est toi et ta voix, toi et ton perso, toi et ta partie et donc tu mets en carafe personne si tu trompes. C’est pas parce que tu manges ton texte que tu vas empêcher l’autre de dire le sien. Il y a aussi une forme de culpabilité parfois à rater lorsque tu as un partenaire avec toi.
Tu lui fais rater sa scène alors que sa scène était bien et puis toi tu le mets dedans. Donc donc là, tu sais que voilà quoi, c’est ta partie, eux, ils auront leur moment aussi pour faire la leur et puis l’intelligence justement des directeurs artistiques et des acteurs, c’est de prendre des voix qui vont aller ensemble et au final comme un beau puzzle, tout va tout va s’imbriquer. C’est génial.

Vous avez eu des inspirations particulières pour doubler la gouverneur Diane Foxington ?
Alice Belaidi : Aretha Franklin. Non, je rigole ! Non, pas du tout. Le fait est qu’on nous passe la scène en américain avant de commencer, donc je me suis un peu inspirée de ce qu’a fait l’actrice originale (ndr : Zazie Beetz) parce qu’elle est mise en scène par le réalisateur et que c’est l’essence même du film. Donc j’ai interprété sans singer mais en tout cas en m’inspirant beaucoup de ce qu’elle avait fait.
Oui, j’ai trouvé qu’il y avait effectivement un esprit très proche.
Alice Belaidi : J’ai vu le film en français mais j’ai écouté un peu la bande c’est vrai que ça ça marche quoi. Ça marche sur les expressions avec le perso et tout ça et beaucoup de ce qu’avait fait l’actrice marchait. Nous n’avons a pas du tout la même voix, donc je n’ai pas du tout essayé de faire comme elle mais en tout cas je me suis beaucoup inspirée de ce qu’elle a fait.
Diane Foxington, c’est une protagoniste assez intéressante et nuancée parce qu’à la fois elle accepte sa dualité en tant que personne ancienne criminelle et puis gouverneur de la ville qui œuvre pour le bien de la population.
Est-ce que c’est un personnage qui vous parle ? Est-ce que vous vous reconnaissez en elle ?
Alice Belaidi : Je reconnais en elle cette capacité de changer de vie. Moi, je crois que j’ai une forte capacité à zapper ce que je suis en train de faire pour aller ailleurs. Et voilà. Et donc ça m’a parlé. Je me dis c’est fort un personnage comme ça dans une dualité entre une vie très très rangée, politicienne et cetera et une vie alors pas trop spoiler mais qui complètement à l’inverse de ça quoi. Et je crois que j’ai une forme de dualité comme ça en moi aussi.
C’est intéressant. Je pense que le film a beaucoup de de messages importants comme ça sur parce que c’est pas manichéen.
Alice Belaidi : Complètement, c’est même sur le jugement qu’on porte sur l’autre, sur l’image que l’on renvoie. Parce que c’est pas parce qu’on a une tête de méchant loup qu’on en est forcément un. J’espère que ça va ouvrir aussi au débat sans être trop prise de tête avec les enfants et d’ouvrir à peut-être plus de tolérance, d’acceptation, d’écoute. Je pense que payer une place de ciné pour se régaler et en plus ressortir avec des questionnements intéressants sur la vie, franchement c’est tout bénef’.
Merci à vous.