Laika Studios se lance dans la prise de vue réelle


Laika, le studio d’animation basé à Portland, en Oregon, derrière des films tels que Coraline et Kubo et l’armure magique, étend ses ambitions à la prise de vue réelle avec l’embauche de Matt Levin au poste nouvellement créé de président du secteur des films et séries en live action : une décision apparemment curieuse pour un studio dont l’art de la fabrication déborde un peu trop sur l’écriture des scénarios.

Chez Laika, Levin répondra à Travis Knight, président du studio. « Les compétences exceptionnelles en leadership de Matt Levin, sa sensibilité créative et son esprit de narration aiguisé guideront notre studio vers la prochaine phase de son évolution et vers de nouveaux genres, médias et formats passionnants » a déclaré Knight dans un communiqué de presse. « A 17 ans, Laika émerge de cette étape adolescente insatisfaisante de son développement. Matt va nous aider à devenir une vraie société adulte. »

Une adolescence insatisfaisante pourtant bien utile pour continuer à occuper l’espace médiatique avec très prochainement l’exposition Hidden Worlds: The Films of LAIKA au musée MOPOP (le Museum of Pop Culture, situé à Seattle) qui rassemblera une quantité astronomique d’artefacts liés aux films du studio.

Laika est actuellement en production sur son sixième film d’animation, Wildwood, réalisé par Travis Knight, tiré des Chroniques de Wildwood de Colin Meloy et adapté pour l’écran par Chris Butler. Le studio développe en parallèle son premier projet live-action, une adaptation du roman L’agent Seventeen de John Brownlow, un thriller d’espionnage dans la lignée de La Mémoire dans la peau.

Matt Levin a tenu à montrer patte blanche dans le communiqué : « J’ai aimé et admiré les films d’animation audacieux, originaux et révolutionnaires de Laika dès que le studio est entré en scène. Je suis ravi d’honorer et de développer cet héritage au sein d’un nouveau chapitre prometteur et que nous allons de l’avant avec des films et des séries en prise de vues réelles. »

Reste une interrogation : que peut donc bien être la touche Laika en prise de vue réelle ? Si l’on met de côté les deux premiers films d’animation du studio, le séminal Coraline adapté de Neil Gaiman et L’étrange pouvoir de Norman (qui doit beaucoup à la convocation d’un esprit Amblin), le reste de leur filmographie oscille entre une tentative d’adaptation ratée comme Les Boxtrolls, le très beau Kubo, projet de cœur de Shannon Tiddle, dont le poste de réalisateur a été bien mal acquis par Travis Knight et un Monsieur Link certes gentil mais bien en deçà des attentes.

De plus, le sens esthétique des films d’animation produits, au-delà d’un fétichisme assumé de la fabrication des différent éléments et une appétence pour la technologie de pointe, ont conféré un résultat final trop retouché sur les sujets filmés, masquant par exemple grâce au CGl les lignes des moulages des visages des personnages et ce dès Coraline.

L’objet du délit pour Phil Knight, et le début des ennuis créatifs pour Laika.

Cette décision faite à l’époque par la direction (due à une réflexion de Phil Knight) et qu’aura toujours regretté Henry Selick (pour preuve ces mêmes lignes apparentes sur les visages de Wendell et Wild) s’est aggravé au fur et à mesure de la filmographie du studio, car il est aujourd’hui impossible de regarder un film tel que Monsieur Link et d’apprécier pleinement l’animation en stop motion, qui ne diffère finalement que très peu de ce qui se fait en 3D chez le concurrent à cause de cette post-production insidieuse. C’est pourquoi qualifier cette partie de l’histoire du studio qualifiée aujourd’hui d’adolescence difficile laisse plus qu’interrogateur quant aux intentions de son président.

Certainement pressé par son père, propriétaire et investisseur du studio (Travis Knight étant le fils de Phil Knight, patron de Nike, et qui a pris en 2003 le contrôle du Vinton Studios, l’ancêtre de Laika, qu’il a confié à son fils après l’éviction de Vinton) au moins tout autant que Megan Ellison avec Annapurna Pictures avec le sien, il n’est guère étonnant de voir Laika tenter de s’étendre sur le domaine de la prise de vue réelle avec un nom important débarqué fraichement de chez Netflix. Après tout, Laika n’est pas le premier à tenter sa chance avec un ancien de la plateforme de streaming.

Si la naissance tumultueuse du studio Laika vous intéresse, je ne peux que vous conseiller l’excellent documentaire Claydream réalisé par Marq Evans et vu dans le cadre de la section Annecy Classics au festival International du film d’animation d’Annecy 2021, un portrait qui vous fera changer de point de vue sur Laika et son histoire officielle très ripolinée.


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