Sorti en salles le 6 décembre 2023, c’est dans une discrétion marketing qu’Illumination nous propose un film familial aux valeurs de courage, de changement et d’humour efficace
Migration est une coproduction française et américaine réalisée par Benjamin Renner (à qui on doit Ernest et Célestine ou encore Le Grand Méchant Renard) et Guylo Homsy (Tous en scène). Une qualité d’animation et de narration qui a fait ses preuves ! Au doublage français, nous avons le plaisir d’entendre Pio Marmaï dans le rôle de Mack et Laure Calamy pour Pam. Mention spéciale à Waly Dia qui incarne le perroquet aventureux Delroy ! Un régal pour les oreilles et le cœur.
Deux thématiques traversent le film : celui de la famille et des ses enjeux, et celui de la migration et de la culture du voyage.
La famille Colvert est en proie à un dilemme d’ordre domestique. Alors que Mack est totalement satisfait de patauger avec sa famille, paisiblement et définitivement, dans leur petite mare de la Nouvelle-Angleterre, sa femme Pam serait plus du genre à bousculer un peu cette routine pour montrer le reste du monde à ses enfants – Dax qui n’est déjà plus un caneton et sa petite sœur Gwen. Alors qu’ils s’envolent vers le soleil pour l’hiver, le plan si bien tracé des Colvert va vite battre de l’aile…
C’est l’histoire d’une famille traditionnelle, un père, une mère, un grand frère et une petite sœur vivant dans la banlieue de la mare. La vie est simple et douce. Il y a même un oncle vieillissant mais rigolo. Le tableau parfait de la vie de famille accomplie.
Réparer le tronc, nager dans la marre, jouer dans la nature, apprendre à voler… Voici la routine familiale que vénère Mack, père et chef de famille. Le soir on raconte même des histoires de mangeurs d’enfants que seraient les hérons, rappelant que le seul lieu où tout va bien, c’est la maison.
Mais voilà, que ce soit Dax, adolescent sympathique mais désireux d’être pris au sérieux ou Pam, la mère en quête de nouveauté et d’aventure, la famille ne semble pas aussi sereine face à leur mode de vie un peu trop étriqué… Ces tensions se cristallisent lorsqu’une grande vague de migration d’oie sauvage vient se poser dans la mare aux canards. De la diversité, de l’enthousiasme et un grand parfum de voyage se fait frémir dans les plumes de Dax, Gwen et Pam.
Illumination ne fait pas tourner le film sur une dispute ou même le caractère réfractaire de Mack. Très vite, il change d’avis, de peur de prendre racine et de perdre le sens de la famille s’il n’essaye pas au moins de se frotter à l’air nouveau. C’est quelque chose que je trouve rafraîchissant, de voir comment Pam s’affirme et lui fait comprendre sans aucuns détours que son attitude ne passe pas et qu’elle saura trouver son chemin seule s’il n’en fait pas partie. L’obligeant à se requestionner lui, sur son projet de famille et ses freins émotionnels. Les choix de vie et l’épanouissement, ça se travaille à plusieurs et ça se questionne. Et ça s’expérimente, ensemble !
Pour autant, le film ne s’arrête pas là, et vient creuser la nuance et les évolutions internes :
– La mécanique du couple qui doit trouver, ou plutôt retrouver un rythme et une volonté d’avancer à deux, pour tous et pour soi-même, métaphore parfaitement assumée d’une danse langoureuse utile pour sortir des carcans enfermant que sont les traditions et les peurs, comme le souligne la scène de la danse dans la cage !
– La confiance et l’émancipation de l’adolescent qui gagne en responsabilité, appréhendant ses émotions et sentiments, pour parvenir à se faire voir et reconnaître, au centre de l’arc narratif de Dax et de son plumage.
– La force et la pertinence de la spontanéité et de la sincérité quand elle est tournée vers le bien-être individuel et collectif, avec le personnage de Gwen et de ses attentions ou caprices.
Le film, au delà de son aventure familiale, apporte une narration et une mise en valeur de la culture de l’itinérance. D’abord présentée comme une culture de l’instabilité, qui habillée de liberté revêt des zones inconfortables de l’inconnu, elle deviendra au fur et à mesure, une culture garantissant l’émancipation et le respect des intégrités émotionnelles. Les spectateurs et la famille Colvert rencontrent plusieurs représentant de ces mondes : Les oiseaux migrateurs, l’isolement des séniors (le couple de Hérons anciens voyageurs), le déracinement de l’exilé (le perroquet Delroy) et les communautés stigmatisés (les pigeons ou les oies du bien-être…).
À travers le regard de la famille « étrangère » et traditionnelle, on nous apprend à appréhender nos préjugés et nous amène à tendre vers l’autre, se nourrir et partager les codes, les envies, les souvenirs. Afin de se reconnaître et de traverser l’existence ensemble, dans un seul et même monde composé de ses diversités et complexités. Que la migration est aussi, et surtout, l’occasion de rencontrer d’autres vies, d’autres parcours, nous invitant à la curiosité, à la confiance et à l’entraide.
Pour conclure, Migration est un film familial qui vous fera connaître une aventure drôle et émouvante, vous ouvrant de plus grands horizons à la sortie !