Critique – Sword Art Online : Ordinal Scale


Après deux saisons, voici venir un long-métrage pour la série Sword Art Online, disponible sur un grand nombre de pourvoyeurs de contenus en streaming légal. Sword Art Online : Ordinal Scale, dont Coralie vous a déjà parlé pour vous en présenter les douze premières minutes, est sorti dans les salles françaises le 17 mai grâce aux bons soins de Eurozoom et @Anime, et avec de nombreuses séances en version originale sous-titrée, s’il vous plait !

En l’an 2026, deux ans après avoir été libérés de S.A.O, Kazuto et ses amis survivants profitent enfin de jours paisibles. Récemment, la réalité augmentée est devenue possible grâce à l’Augma, et avec cette mode vient son lot de modifications du quotidien. Un nouveau jeu émerge, nommé « Ordinal Scale », et devient rapidement si populaire que la réalité virtuelle s’en trouve délaissée. Kazuto, de nature peu athlétique, ne semble pas motivé par la réalité augmentée, mais c’est alors que d’anciens boss de S.A.O font leur apparition… Et d’autres fantômes du passé menacent de resurgir…

S’attaquer à un long-métrage qui succède à une série animée de deux saisons totalisant 48 épisodes, ça peut être épineux, mais ça permet aussi de le mettre à l’épreuve lorsqu’on découvre que son réalisateur, Tomohiko Itō, estime qu’il a cherché à tenir équilibre entre une oeuvre entièrement inédite et un film dans la continuité de l’univers de Sword Art Online. C’est ainsi que le film commence sans vraiment faire de cadeau aux non-initiés que Muriel et moi sommes, avant d’embrayer sur le nouveau dispositif qu’est l’Augma tout en prenant le soin de présenter le contexte via une émission télévisée.

A y repenser, ce sont les personnages qui y gagnent le moins au sein de ce long-métrage, essentiellement parce que la durée du format impose que le fil narratif se resserre sur certains d’entre eux, comme le couple Kirito/Asuna, ou le trio d’amies, sans compter les nouveaux personnages mobilisés par l’intrigue ou encore les antagonistes, au détriment de l’entourage que l’on devine proche. Malgré ce resserrement, le film s’attache à ses protagonistes en les faisant vivre par des séquences quotidiennes qui sont hélas bien moins impactantes pour le profane qui ne connait pas forcément l’entièreté de leurs évolutions. Passé ce cap, heureusement peu pénible et poussé par la suite des événements, l’intrigue ne se fait attendre et le mystère est bien vite posé.

On assiste alors a des scènes d’action en réalité augmentée assez réussies et reprenant des codes et des tropes vidéoludiques que tout amateur de jeu vidéo action/RPG est susceptible de connaitre. On pourra gloser sur une esthétique assez passe-partout en ce qui concerne les monstres et les costumes, mais l’ensemble est plutôt efficace et ressemble au jeu Ingress auquel on aurait appairé des Google Glass, le tout avec du leveling, du loot et un classement compétitif. De manière plus surprenante, l’adjonction d’une idol virtuelle qui chante en parallèle des combats donne une touche inattendue et finalement logique à ces mêmes séquences, tout en se permettant l’ajout d’une dimension plus actuelle (on pense évidemment à Hatsune Miku).

Côté technique, le studio A-1 Pictures fait un beau travail. Les personnages ont une animation très honorable et certaines fulgurances dans l’action, dont on devine sans mal qu’elles font partie de la signature de la série (et de son fan-service) sont très bien exécutées, le mélange entre 2D et 3D étant très satisfaisant, même si j’ai trouvé le résultat final moins attrayant que le long-métrage Blue Exorcist. Il reste de très, très beaux décors, même si certaines reprises sont très voyantes (j’ai compté au moins quatre fois le même plan de transition lorsque les instance d’Ordinal Scale sont activées).

Si je mets de côté la difficulté d’éprouver de l’empathie pour Kirito, le héros, j’ai toutefois aimé sa candeur et sa maladresse d’otaku gamer qui a du mal à s’adapter à une nouvelle interface de jeu, plus axée sur la réalité et la société : impossible de se cacher derrière un avatar pour communiquer, il est necéssaire de faire de l’exercice pour être vif et se battre avec efficacité durant les instances, et même certains indices qui lui sont donnés ne le touchent pas plus que ça avant qu’il ne se mette réellement à y réfléchir. Au-delà de ses talents de jeu, il n’est en fin de compte qu’un ado comme les autres.

Le cas d’Asuna est déjà plus préoccupant, en cela qu’elle est le symbole ambulant de ce qui ne va pas avec les personnages féminins dans les films actuels, animés ou live : on a affaire à une héroïne forte et ultra capable, qui se fait mettre au frigo pour devenir un enjeu durant une bonne moitié de métrage avant de revenir pour le bouquet final. A n’en pas douter, la série fait honneur à ce personnage et à sa psychologie mais il est triste que Tomohiko Itō et Reki Kawahara n’aient pas considéré échanger les rôles entre Kirito et Asuna pour un meilleur effet dramatique et une torsion des clichés pour un effet qui aurait été rafraîchissant. Au final, et bien que je ne sois pas un spécialiste de Sword Art Online, Ordinal Scale possède une intrigue qui se laisse suivre et malgré le dénombrement d’un certain nombre de lacunes en tant que long-métrage, l’on devine évidemment que celles-ci ont des chances d’être comblées par la série qui lui précède, que ce soit par de petits détails de game design (la cohabitation entre armes à feux et épées alors que les flashbacks nous montrent un univers tenant de l’heroic fantasy, par exemple) ou par le peu de temps accordé à certains personnages de second plan (comme Klein, ou Shinon, qui apparaît très tardivement dans l’histoire). Toutefois, le contexte indéniablement moderne qui se dégage de l’ensemble, mêlant des problématiques de fond sur la technologie (Réalité virtuelle, réalité augmentée, jeux massivement multijoueurs, intelligences artificielles…) et la société, font de cet Ordinal Scale une jolie tête de pont de l’univers Sword Art Online, pour peu qu’on ait l’esprit ouvert à ce type de spectacle. https://www.youtube.com/watch?v=84gi_g0yWmM


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