Grosse attente personnelle depuis maintenant quatre ans et l’annonce du projet, Parvana Une enfance en Afghanistan était présenté en film d’ouverture du Luxembourg City Film Festival. J’étais donc prise d’une grande impatience à la découverte du film, riche d’enjeux sur la question de l’adaptation livresque et du traitement du délicat sujet de l’enfance en temps de guerre.
Parvana a onze ans et n’a jamais connu son pays autrement qu’en guerre. Une guerre de cauchemar qui interdit aux femmes de sortir non voilées ou sans l’escorte d’un homme, père ou mari. Assez grande pour être soumise à ces interdits, Parvana doit pourtant trouver une façon de les contourner. Car depuis que les talibans ont emprisonné son père, c’est sur elle seule que repose la survie de la famille…
L’histoire fait sans nul doute possible la part belle à ses héroïnes, en développant au cœur de cette situation tendue leurs personnalités, leurs forces et leurs faiblesses de caractère. La jeune Parvana se bat quotidiennement et fait preuve d’ingéniosité pour subvenir au besoin de sa famille, tandis que sa grande sœur, Soraya, est plus réservée et utilise ses obligations sociales pour s’en sortir. Enfin, Fattema, leur mère affaiblie, utilise la moindre de ses réserves d’énergie pour garder la famille unie en l’absence du père.
Cette mise en valeur narrative est à la fois réjouissante dans la dépiction des multiples caractères féminins, mais entraîne aussi un sentiment de sécurité pour sa protagoniste. Malgré la violence constante qui les entourent, on est poursuivi par une impression qu’elle va toujours s’en sortir. Violences physiques, psychologiques, le film réussit ce tour de force de créer une stupéfaction, une suspension de la respiration dès lors que les héroïnes se font menacer. Suspension suscitée par l’utilisation juste et précise de la musique composée par Jeff et Mychael Danna.
Entre la sensation de sécurité de l’héroïne et cette violence percutante, cette sensation devient alors paradoxale, ce qui a longtemps mitigé ma perception de cette version animée de Parvana, une enfance en Afghanistan. On a, par exemple, du mal à saisir l’absurdité et l’injustice de la vie sous l’emprise des talibans, un élément très présent dans l’œuvre originale, notamment par le destin plus sombre de Soraya. Ces défauts sont dû au travail d’adaptation cinématographique (signé Anita Doron) qui oblige à faire des compromis dans les arches narratives pour respecter le format du long-métrage, forcément plus réduit et assujetti au montage, ce qui n’est pas le cas de la lecture du livre.
Attention, on est loin du loupage sans équivoque des Boxtrolls, mais ces manquements narratifs m’ont toutefois laissée perplexe et sont un encouragement supplémentaire à vous tourner vers le livre jeunesse de Deborah Ellis. Et c’est là, évidemment, que rentre en scène l’utilisation des contes du jeune héros contre la fumée rouge, ces histoires étant présentées comme un exutoire à la brutale réalité du quotidien.
On découvre cet univers par le biais d’une introduction tout en rondeurs et courbes, motifs récurrents déjà présents dans Brendan et le secret de Kells et Le Chant de la Mer. L’esthétique de l’animation façon papier découpé (car réalisée en entièrement en numérique) est impressionnante dans ses paysages et ses symboles toujours signifiants, comme le segment sur la chèvre et la vieille dame, qui renseigne sur la volonté de Parvana à nourrir les siens.
Cette alternance entre merveilleux et réel fait partie intégrante de la signature du studio Cartoon Saloon, co-fondé par Nora Twomey et Tomm Moore. Cependant, on peut déplorer ces multiples incursions et leur place en regard de leur proportion face à l’histoire réelle de Parvana, adoucissant peu à peu la rudesse des situations vécues par la jeune fille, et du même coup une réalité partagée par d’autres enfants de pays en guerre, notamment le Yémen, ou en Syrie, pour n’en citer que deux.
Vous l’aurez compris, Parvana, une enfance en Afghanistan m’a étrangement laissée à distance et bien que porté par une animation maîtrisée et une réelle compétence de mis en scène. On pourrait aisément m’accuser d’insensibilité ou de posséder un cœur de pierre, mais les détails évoqués dans cette critique sont précisément ce qui m’a dérangée, cette sensation durable qu’il manquait quelque chose au long-métrage pour pleinement me convaincre d’être la meilleure expression de l’histoire que j’ai lue. Peut-être attendais-je que Cartoon Saloon sorte de sa formule habituelle en secouant le spectateur par plus de réalisme dans le fond de la narration ? Je pense toutefois que le film est parfaitement adapté au jeune public pour qui il sera un bon moyen d’entamer un débat sur l’enfance en situation de crise.
Pour le partager avec vos enfants, il vous faudra attendre le 27 juin avec une distribution par Le Pacte.