Quelle était la partie la plus difficile dans la création de ce mélange culturel, la partie indienne ou la partie plus occidentale avec les super-héros ?
Sanjay Patel : Je l’ai mentionné dans ma présentation, mais en grandissant, j’adorais tout ce qui avait de l’action : BD, dessins animés et films. En revanche, je ne suis pas un grand fan de combat. Et je ne voulais pas aller dans l’univers très action propre aux animes. Mais à cause de l’histoire que j’ai présenté, c’est vrai que je me suis immédiatement dirigé vers ça. Tu sais, si je pouvais rembobiner jusqu’à mes 9 ans, et j’aimerais pouvoir le faire, c’est exactement le style de choses que j’aimais à ce moment-là. Parce que je ne suis pas un expert du style action et que je ne l’étudie pas, ça a été très dur.
Et trouver un moyen d’introduire la culture indienne d’une façon intelligente, rapide, instantanée et non-verbale fut aussi très dur. Très très dur. J’aimerais raconter ça en détails à tout le monde parce que ça a beaucoup d’importance pour moi, mais ça finirait par ennuyer les gens ! Donc, ça a été très difficile de trouver un moyen d’introduire seulement le strict minimum et, en même temps, le faire paraître riche et comme une force de changement pour notre personnage. Ces éléments étaient difficiles !
Comment avez-vous travaillé la réalisation du court-métrage, plus précisément la partie chorégraphiée ? Avez-vous eu recourt à des comédiens, un chorégraphe ?
Sanjay Patel : À nouveau, je ne regarde pas beaucoup d’action, mais je savais qu’il y avait beaucoup de potentiel dans la danse classique indienne et dans les arts martiaux traditionnels. Nous avons donc demandé à la fantastique experte qu’était Katherine Kunhiraman, une locale qui avait fait des années d’étude de danse classique indienne.
Et dès qu’elle est arrivée, elle était du genre « ok, il y a trois traditions dans la danse indienne classique : harata natyam, kathakali, kathak ». Elle a aussitôt assigné à chacune des divinités un certain type de tradition, en termes de mouvements. Ainsi, Vishnu est très architectural, avec toutes ces lignes géométriques, alors que Hanuman est beaucoup plus rythmique. Elle a instauré très simplement ces trois règles, et c’était d’une grande aide pour déterminer la façon de bouger des divinités.
Ensuite, alors qu’on chorégraphiait l’action, il y avait cette espèce de danse de la caméra… L’équipe en charge du layout a trouvé un moyen d’apporter tellement d’action et de dynamisme. Ça a pris un long moment de déterminer quels mouvements de caméra étaient excitants et intéressants parce que, une fois qu’on a réussi à rendre les plans intéressants, l’équipe animation faisait quelque chose d’encore plus spectaculaire et il fallait à nouveau les modifier ! Et donc c’était toujours des allers-retours. Mouk, de Marc Boutavant est l’objet des passions de Sanjay Patel.
Nicole Paradis Grindle : Nous avons aussi dû étendre le décor à un moment, afin de créer assez de distance pour créer une bataille intéressante. En effet, ils étaient trop près les uns des autres, et nous avons réalisé que nous pouvions étendre le décor et rendre le conflit encore plus dynamique, dans un style anime. Nous avons utilisé toutes sortes d’astuces caméras avec ce décor, et ça a fait tourner les choses en rond. Ce que vous ne pouvez pas voir, parce que vous ne pouvez pas vraiment voir le décor avec les personnages bougent beaucoup, c’est qu’on a fait des choses qu’on ne fait pas normalement dans un film Pixar…
Vous avez mentionné ce matin que vous aimiez l’illustrateur français Sempé, donc je me demandais si il y avait d’autres artistes français que vous aimiez, qui vous inspirent, et quelle est votre connexion à la bande dessinée française ?
Sanjay Patel : Oh tu te fous de moi ! C’est parti ! J’adore ça ! Je veux dire, sans offense pour Annecy, mais tout ce qui m’intéresse c’est la « BD » (ndlr : dit en français). C’est tellement important pour moi. Je suis un grand fan de Marc Boutavant (Ariol), c’est un illustrateur incroyable, il a fait des tonnes de livres pour enfants et il a une série animée appelée Mouk. Gros gros fan. Évidement Sempé, je suis un énorme, énorme fan de son boulot. Lewis Trondheim… Je peux encore continuer. Il y a genre une tonne de personnes. Mais en ce moment celui que j’adore, mon obsession, c’est Marc Boutavant. J’ai vraiment envie d’aider, tu sais, les talents français émergents donc… Je veux dire, Sempé a tout l’amour de son pays, et je l’aime aussi, mais je suis très intéressé par la découverte des nouvelles sortes de bd.
J’ai l’impression que la popularité des courts métrages augmente chaque année, les gens les attendent autant qu’ils attendent pour les longs métrages… Les courts-métrages Disney sont très populaires, comment est-ce que vous gérez ça ?
Nicole Paradis Grindle : Je pense que nous partageons cet engouement, en fait. Je sais que j’adore les courts métrages, j’adore les voir, j’adore la diversité des idées, c’est quelque chose de différent. Et travailler sur un long est très gratifiant mais prend beaucoup de temps, et on fait la même chose pendant tellement longtemps… Donc oui je pense que nous ressentons le même engouement que les gens.
Sanjay Patel : Pour ma part, je pense que c’est vraiment excitant que Pixar montre cette diversité. Et je déteste lâcher ce mot comme pour cocher une case, mais c’est réel pour moi parce que j’y suis très sensible quand je vois d’autres cultures dans les films, j’suis genre « oh c’est cool je découvre… ». Je ne sais pas, une quelconque émission de télévision de personnalité asiatique que j’apprécie. C’est génial, c’est enthousiasmant. Donc je suis très excité pour les familles, les enfants, qu’ils puissent voir quelqu’un qui me ressemble dans un court !