Parfois, c’est quand rien ne se produit qu’on est le plus satisfait. Illustration avec ce court-métrage issu du deuxième module de courts-métrages.
« Il fait un froid mordant dans les faubourgs de la ville et pourtant des gens se regroupent. Je les observe former une rangée à l’horizon. Nous attendons que quelque chose se passe. Mais rien ne vient. Nous nous sommes rassemblés pour être les témoins d’un événement. Pour participer au spectacle. Voir, et être vus. »
De sacrés courts-métrages composent ce second programme, dans lequel des concurrents connus se partagent l’ouverture, depuis Tesla Lumière Mondiale de Matthew Rankin à l »incontournable Pépé le morse de Lucrèce Andreae, tandis que MeTube 2: August Sings Carmina Burana n’aurait pas dépareillé au sein de la sélection Off Limit et que le très étrange NightHawk de Spela Cadez fermait la marche de cette heure et demie qui m’a laissé très pensif.
Au sein de ce flux de courts, je fus particulièrement surpris par Nothing happens d’Uri et Michelle Kranot dont le précédent film, How long, not long, m’avait profondément ennuyé l’année précédente. Les savoir de retour sur un court de presque douze minutes ne m’inspirait guère, et c’est pourtant Nothing happens que je mets en avant aujourd’hui.
En effet, le couple Kranot fait preuve ici d’un oeil véritablement perçant pour ce sujet pourtant anodin, où des badauds se regroupent dans l’attente d’un événement dont on ne connaîtra jamais la véritable teneur, puisqu’aucune information de quelque nature que ce soit n’est donnée au public.
Pourtant, tout nous renseigne sur ces nombreux spectateurs, car leur posture, leur intention, leur animation permet de dégager la raison de leur présence dans cette attente pleine de suspense, entrecoupée d’un second axe de vue sur des corbeaux de sinistre augure. L’esthétique très européenne des Kranot, commun a la plupart de leurs œuvres, confère une qualité à la fois ancienne et intemporelle à l’ambiance de ce théâtre des petites gens.
Nothing happens, dont la narration ouverte permet tout de même de déduire une morale assez universelle sur la peine de mort et sa mise en scène, rappelle que pour chaque spectacle, il doit y avoir un public, même si le spectacle n’est pas directement visible. Situé en plein milieu du CMC2, ce quasi quart d’heure plein d’un suspens m’aura fait pouffer de rire devant l’incroyable maîtrise du dispositif, à la fois virtuose et pertinent. A noter qu’il exister une version du film en VR, ce qui doit certainement rajouter encore un jeu de point de vue digne d’intérêt !