Critique – Charlotte


Projet de long-métrage qui a roulé sa bosse durant plusieurs années, passant d’un réalisateur à l’autre, Charlotte est enfin sorti sur les écrans en 2022 sous la direction d’Eric Warin et Tahir Rana avec une première au Festival International du Film d’animation d’Annecy.

Charlotte Salomon est une jeune peintre juive allemande, dont le destin bascule à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Face au tourbillon de l’histoire et à la révélation d’un secret de famille, seul un acte extraordinaire pourra la sauver. Elle entame alors l’œuvre de sa vie…

Sujet toujours séduisant, celui du biopic se révèle périlleux en raison des pièges narratifs inhérents au genre. Le cas de Charlotte ne révolutionne en rien la méthode mais possède l’avantage de raconter avec clarté la vie d’une artiste exceptionnelle durant une période qui aura fait disparaitre tant de jeunes espoirs.

Aux commandes du film, Eric Warin (Ballerina) et Tahir Rana (Welcome to the Wayne) mettent en scène le scénario d’Erik Rutherford et David Bezmozgis rassemblant les éléments les plus significatifs de la vie de l’artiste pour faire de la fabrication de Vie ? Ou Théâtre ?, l’un des premiers romans graphiques de l’histoire moderne, un aboutissement certes tragique du métrage, au-delà du tragique, de la guerre et de l’horreur vécue par Charlotte.

Charlotte peint l'une des planches de Vie ? Ou théatre ?

Malgré cet objectif, la forme du film n’est hélas pas aussi proche que souhaité du style graphique de notre héroïne et se contente d’un graphisme finalement bien sage, à peine influencé par ses œuvres, un choix compréhensible (émuler la forme et les standards définis par Salomon aurait été aussi couteux que lent) mais qui fait perdre en puissance visuelle certains moments de la narration, plus encore lorsqu’on sait que le scénario a été à l’origine basé sur Vie ? Ou Théâtre ?, et donc caractéristique du point de vue de l’artiste.

Reste toutefois une histoire poignante animée avec une certaine élégance, vocalisée avec conviction en premier lieu par Marion Cotillard, Romain Duris et Anne Dorval, dont un certain nombre de séquences serrent le cœur et émeuvent au plus haut point, quand l’histoire avec un grand H rattrapent nos personnages et les brisent comme un rien, ne restant à la fin que l’art, un art caché de mains en mains durant le conflit et ramené à tous grâce au courage de quelque une set quelques uns.

A ce titre, Charlotte rejoint par endroit le très beau Josep d’Aurel sans toutefois atteindre les même fulgurances. La faute peut-être à ce coté un peu scolaire que le film porte afin de ne perdre personne en route. J’apprécie toutefois la primauté du point de vue de l’héroïne et le soutien que lui apporte la mise en scène (bien qu’encore une fois, cette histoire de femme brillante soit racontée par un ensemble d’hommes) et l’on ressort de la séance avec une émotion durable et l’envie de découvrir les œuvres de Charlotte Salomon et, bien sûr, le fameux Vie ? Ou Théâtre ?.

Et c’est certainement le plus grand défi que le film pouvait représenter, ici réussi sur tous les points : découvrir et comprendre Charlotte Salomon, en parler autour de soi et se souvenir que tout acte créatif est et reste, un acte de résistance.

Charlotte sort le 9 novembre en salles via Nour Films.


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