Critique exclusive Annecy 2016 – Window Horses


C’est une première sur le site, Muriel a eu le privilège de visionner en avance un film de la sélection officielle du festival international du film d’animation d’Annecy : Window Horses ou, en français La vie en Rosie – L’épopée Persane de Rosie Ming, réalisé par Ann Marie Fleming et coproduit par StickGirl productions et l’Office national du film du Canada.

Rosie Ming, une jeune poète de vingt ans, habite la maison familiale avec ses grands-parents chinois surprotecteurs et n’a jamais voyagé seule où que ce soit. Invitée à se produire dans un festival de poésie à Shiraz, en Iran, elle rencontre des gens colorés, poètes et Persans, et en apprend davantage sur ce père iranien dont elle s’était crue abandonnée. Rosie entreprend malgré elle un voyage de pardon, de réconciliation et de compréhension en découvrant le passé de son père et sa propre identité culturelle.

L’héroïne-titre, Rosie Ming, créée par Ann Marie Fleming, a eu plusieurs vies sous le nom de Stickgirl dans les précédents travaux de la réalisatrice. Window Horses révèle son innocence et sa croyance dans la poésie qu’elle pratique puisqu’il s’agit là de son premier voyage en dehors du Canada. Elle évolue avec son incertitude, se pensant comme un être différent au milieu d’un monde où tout est nouveau à ses yeux.

Rosie se détache du coup des autres personnages par son design tout en bâtons et ses couettes roses pointant fièrement sur sa tête comme des antennes. Même si son chara-design surprend, il s’avère efficace et permet une identification sensible qui n’est pas sans rappeler celle vécue devant Le Garçon et le Monde. La voix de Sandra Oh, quant à elle apporte une vibrance et des nuances à l’héroïne, ce qui donne envie de la suivre dans ses aventures iraniennes.

En découvrant l’intrigue de Window Horses, on pouvait craindre deux choses : le best-of de poésies entrecoupé de narration (oui Le Prophète, c’est à toi que je pense !) et le concept de court-métrage péniblement étiré sur la durée. Heureusement, le film fait vite oublier ces réserves en intégrant la poésie au voyage et au développement personnel de Rosie. On sent que l’histoire a été mûrie par sa créatrice par le biais de transitions mêlant intelligemment musique, animation et poème.

La poésie se dévoile d’abord du point de vue de l’histoire littéraire iranienne par l’entremise de fresques encrées et peintes, puis de manière abstraite révélant l’impact des sons et des mots sur l’âme de Rosie. On assiste par exemple à une scène où Rosie découvre un poète chinois présent au festival de Shiraz. Ne connaissant pas la langue, elle se laisse alors porter intérieurement par la résonance émotionnelle des vers.

Les sonorités deviennent des lignes animées qui se multiplient jusqu’à englober notre héroïne. Les autres tableaux poétiques jouent aussi sur les formes tout en rondeur de Rosie, le tout accompagné d’une musique évocatrice et rythmée, cette diversité esthétique sort la poésie des pages des livres et la rend d’autant plus vivante.

Rosie croise aussi des personnages qui vont la faire grandir lors de son voyage, sa relation amicale chahutée avec Dietmar (Don McKellar) un jeune allemand scotché à son téléphone portable tout comme celle qu’elle a avec Mehrnaz (Shohreh Aghdashloo) professeure à Téhéran, qui va lui permettre de développer son art. La quête des identités de son père se développe en creux tout au long du métrage mais je ne vous en dirais pas plus pour ne pas vous gâcher la surprise.  Il est important de remarquer que le casting vocal est en accord avec la nationalité des différents personnages, donnant ainsi une identité forte à ce premier long-métrage.

Window Horses s’avère être une belle surprise aussi narrative qu’esthétique où la poésie agit tel un révélateur des émotions dans la quête personnelle de Rosie. J’ai été très touchée par l’humanité et la sensibilité de ce personnage et je souhaite donc que ce film remporte un Cristal à la fin du festival. Ce long-métrage est à l’image du reste de la sélection, à la fois pertinent et surprenant. Si vous êtes au festival international du film d’animation d’Annecy, prenez votre ticket ! Sinon, comptez sur moi pour vous tenir au courant de la future distribution du film dans vos salles et en vidéo.

Rendez-vous demain pour l’interview exclusive d’Ann Marie Fleming !



Dernières publications

  • Polygon Pictures de retour avec « Bloody Escape – Flight from Hell »

    Polygon Pictures de retour avec « Bloody Escape – Flight from Hell »

    Le studio d’animation 3D japonais derrière la trilogie Godzilla Monster Planet et Knights of Sydonia a révélé une bande annonce pour un long métrage à sortir en 2024. Titré pour le moment Bloody Escape – Flight from Hell, il est réalisé par Gorō Taniguchi, et son sujet peut tenir en une phrase : Cyborg VS…

  • Critique – Saules aveugles, femme endormie

    Critique – Saules aveugles, femme endormie

    Après un passage, et une mention du Jury, au Festival International du Film d’animation d’Annecy l’année dernière, Saules aveugles, femme endormie sort sur les écrans français via Gébéka. Adapté d’une demi-douzaine de nouvelles signées Haruki Murakami, le long-métrage de Pierre Földes se hisse-t-il au niveau de Burning, la précédente adaptation du romancier japonais ? Un…

  • Cartoon Movie 2023 – On a vu les premières images de « Dragonkeeper »

    Cartoon Movie 2023 – On a vu les premières images de « Dragonkeeper »

    Le projet Dragonkeeper est suivi par l’organisation du Cartoon Movie depuis 2018, ce futur long métrage a par la suite changé de réalisateur pour être repris par Salvador Simo, connu pour son très beau Buñuel, après l’âge d’or distribué chez nous par Eurozoom. L’ancien empire chinois traverse une période sombre. Les dragons, autrefois amis et…