Critique – Klaus


Longtemps attendu, sorti fin novembre et libre d’accès durant tout un week-end, le premier long-métrage de Sergio Pablos (derrière l’idée originale ayant donné Moi, moche et méchant) ne sera pas passé chez nous par les salles mais par Netflix. Période de Noël oblige, il était difficile de faire l’impasse sur un film déjà considéré comme une étape décisive pour ramener le public vers une animation 2D occidentale souvent laissé de côté au profit des grosses machines réalisées en 3D.

Un facteur égoïste et un fabricant de jouets solitaire forgent une amitié improbable, apportant la joie à une bourgade sombre et froide qui en a désespérément besoin.

Beaucoup a déjà été écrit sur Klaus, depuis son animation faite à la main jusqu’aux procédés de traitement graphique des textures des personnages et de la photographie du film mis en place par Les films du poisson rouge, et le résultat final vaut largement la peine d’être vu sur le plus grand écran possible : l’aventure est magnifiquement mise en scène, la ville perdue de Smeerensburg est très attrayante et son basculement esthétique très intéressant à voir, et les personnages sont dans leur grande majorité dignes d’intérêt.

Klaus - Jesper au milieu de la ville

Le grand fossé

On retrouve dans l’histoire de Klaus un grand nombre de tropes déjà évoqué dans les albums d’Astérix, et le fait que le film soit l »ouvre d’un studio situé en Europe rappelle à quel point le public a refoulé certains aspects de ce type d’histoires, depuis la ville où tout le monde se déteste aux esthétiques très marquées issues d’artistes qui sont régulièrement débauchés par les grands studios américains. Et c’est d’autant plus cocasse que même le personnage de Jesper (Jason Schwartzman) fait penser à la dernière adaptation en 2D d’Astérix, Astérix et les Vikings, un long-métrage de 2006 qui lui aussi cherchait à pousser la 2D dans ses retranchements en matière de texture de lumière. Treize ans après, Klaus reprend le flambeau et laisse songeur quant aux possibilités ouvertes. Si le coup de force est évidemment bien plus efficace sur le public américain, qui a vu disparaître les grands films 2D familiaux à partir du moment où Disney a consciemment foiré la sortie de Winnie l’ourson en 2011 après le succès de Raiponce, la France a eu depuis un certain nombre de films très compétents, avec en parallèle une appétence réelle pour la japanime, poussée par des distributeurs indépendants, ce qui rend le côté événementiel de Klaus moins spécial qu’aux USA, où le film fut accueilli comme le sauveur de cette technique.

L’emballage fait le cadeau

De charme, Klaus ne manque pas : tout cet apparat sied à merveille à cette histoire de Noël, ne laissant que peu de place à la réalisation que certains raccourcis du script rappellent des tropes dont on se passerait bien (était-il nécessaire que Jesper l’arnaqueur patenté emballe le personnage d’Alva ?) mais le concentré émotionnel repose sur le personnage titre, veuf éploré qui se résout à faire de bonnes actions. Un bel écho à la thématique du film, sur le retour à la sincérité qui touche au cœur en étant magnifiquement illustré par certaines séquences dont je ne ferais pas l’affront de vous les raconter. Pour une première tentative, le SPA Studio a montré les muscles et il sera plus qu’intéressant de voir comment vont être poursuivis les chemins ouverts par ces nouvelles méthodes de travail : Klaus est un succès critique désormais nommé aux oscars, et rapporter la statuette pourrait constituer un réveil brutal pour l’industrie occidentale de l’animation 2D, mais rien n’est joué pour le moment. Au-delà de ces enjeux pour l’industrie, il reste un film appelé à devenir un classique de fin d’année. Klaus est disponible sur Netflix depuis le 15 novembre.


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