Critique – L’Extraordinaire voyage de Marona


Après Le Voyage de Monsieur Crulic et La Montagne Magique, Anca Damian revient avec une œuvre destiné au jeune public mais au cœur adulte avec L’Extraordinaire voyage de Marona qui sorti en salles ce mercredi 8 janvier et distribué par Cinéma Public Films. Découvert au dernier festival d’Annecy, ce film a ouvert des discussions intéressantes tout au long de l’événement.

Victime d’un accident, une chienne se remémore ses différents maîtres qu’elle a aimés tout au long de sa vie. Par son empathie sans faille, sa vie devient une leçon d’amour.

L’entrée dans cette vie de chien se fait par le regard de Marona elle-même qui en voix off commente et critique les différents aspects de son existence passée. Ce point de vue canin sur le monde permet de développer une esthétique aussi hétéroclite que fouillée mélangeant librement les différentes techniques d’animations (animation traditionnelle, papier découpé). Cet univers naïf reflète l’intériorité de Marona qui essaye de comprendre les comportements de ses différents maîtres au fil du temps : Manole l’acrobate, Itzvan l’ingénieur et enfin la jeune Solange.

Le mélange des techniques d’animation s’inscrit dans la continuité du travail d’Anca Damian sur Le Voyage de Monsieur Crulic et La Montagne Magique. Le papier découpé et les autres méthodes liées à la stop motion, très présents dans l’animation de l’Europe de l’Est, sont un moyen d’apporter de l’aspérité et de la matière à l’histoire de la jeune chienne.

Le premier contact se fait toujours avec espoir et bienveillance, on découvre ainsi l’extravagance de l’art avec Manole, la force tranquille d’Itzvan et l’innocence de Solange. Au fil de l’intrigue, le ton change et devient plus adulte. Le film arrive ainsi à se montrer sans concession sur la lâcheté de la nature humaine quand il s’agit de s’occuper d’un être à quatre pattes. Ce sentiment d’une humanité pas glorieuse reste longtemps après la séance ce qui en fait un film fort et percutant.

L’Extraordinaire voyage de Marona nous plonge aussi dans une (extra) ordinaire dépiction des relation familiales, à l’image d’une famille Tenembaum où les problèmes se révèlent petit à petit. Du rejet paternel vécu par Marona aux familles compliquées d’Itzvan et Solange, les différents passages de maître en maître sont l’occasion de faire une photographie pertinente du monde moderne, appuyée par la voix franche et innocente de la petite chienne. Le personnage d’Itzvan permet de questionner nos rapports aux aînés et du manque de soins qui leur est apporté au quotidien, et on retrouve la galère et l’envie de s’en sortir du côté de chez Solange. Cette approche très humaniste s’inscrit dans la continuité du travail de la réalisatrice avec le poids que la politique peut avoir sur ses différents protagonistes.

Le casting vocal se révèle très efficace, on reconnaît à peine Bruno Salomone en Manole. Lizzie Brocheré (déjà présente dans la version française de La Montagne Magique) qui donne sa voix à Marona apporte beaucoup de fraîcheur d’autant plus que le film contient beaucoup de voix off. La musique, composée par Pablo Pico, arrive à être distinctive au travers des différents tableaux avec des touches tziganes complétant à merveille le travail graphique présent à l’écran.

L’Extraordinaire voyage de Marona, pourtant destiné au jeune public, réussit le tour de force d’infuser des thématiques dures touchant à l’intime à une esthétique naïve et colorée. On sort de ce film touché et un peu en colère contre l’humanité, mais c’est ce qui fait sa qualité première. Vous aurez certainement des discussions avec vos enfants après la séances ce sera l’occasion d’aborder la responsabilité d’avoir un animal de compagnie et aussi des sujets plus profonds liés à la famille. Pour bien commencer l’année, je vous prescrit une bonne dose de Marona, en salles depuis le 8 janvier.



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