Critique – Rio 2096 : Une histoire d’amour et de furie


Ce n’est pas tous les jours que l’on peut voir des films d’animation brésiliens, et le film de Luiz Bolognesi, comme tous les long-métrages des pays qui luttent pour en créer ne serait-ce qu’un seul, est fier d’en être un. Cela passe par une forte revendication de l’identité nationale brésilienne et par un regard sans fard sur une histoire nationale qui, comme l’indique le titre de ce film, est pleine « d’amour et de fureur ».

En vie depuis plus de 600 ans, un homme immortel nous fait partager des événements qui se sont déroulés au cours de quatre périodes de l’Histoire du Brésil : Des guerres tribales pré-coloniales en passant par les révoltes paysannes du XIXe siècle et le mouvement de résistance à la dictature militaire dans les années 1960, jusqu’au futur dystopique de 2096. Renaissant à chaque époque, notre héros lutte sans cesse aux côtés des plus faibles tout en recherchant son amour perdu.

L’histoire relate la quête d’un guerrier immortel pour son amour Janaina à travers les grandes époques du Brésil, du précolombien à un futur poche 2096. On entre dans le film par la voix du héros qui nous introduit dans le film qui s’ouvre sur l’ère précolombienne. Les personnages sont le reflet de l’idéal du corps brésilien, les hommes sont grands et athlétiques et les femmes sont sculpturales, quelles que soient les époques évoquées.

Le character design est d’ailleurs plutôt complexe pour un premier film, aussi ambitieux soit-il, et les lacunes techniques sont cachées sous un certain nombres d’artifices de mise en scène assez roublards, comme des plans américains ou des décors cachant les pieds des personnages pour éviter les problèmes de layout qui les verraient glisser sur le sol.

A travers la narration, les corps et les personnalités s’affirment afin de refléter leur expérience de l’Histoire du pays. La femme brésilienne y est battante, fonceuse, frondeuse et portant la révolte d’un peuple souvent opprimé par un cadre politique violent. Les décors dans lesquels ils évoluent sont l’un des points forts du film, tant ils sont riches et variés, tandis que la jungle qui ouvre le premier segment m’a fait penser à l’environnement de l’excellent Mission de Roland Joffé.

La violence présente dans les favelas s’illustre par une esthétique proche de La Cité de Dieu de Fernando Meireilles et Katia Lund. Les couleurs restent chaudes malgré le sang qui coule, fidèles à l’idée que les étrangers se font du pays. Seul le futur est représenté, là-aussi selon les tropes du genres, par des tons froid et gris. Malgré les qualités évoquées précédemment, je suis resté à distance du film sans jamais réussir à vraiment m’impliquer pour le héros et sa quête de l’amour.

A aucun moment, je n’ai ressentie de peur ou d’urgence à son égard, ce qui est sans doute dû au côté très répétitif de la narration et du concept de résurrection multiple du héros, tandis que la violence du film est elle, bien présente. Le sang gicle à de nombreuses reprises mais heureusement jamais de manière gratuite et Rio 2096 : Une histoire d’amour et de furie se révèle assez expert en dénonciation de la violence symbolique qui touche le peuple brésilien depuis ses débuts.

Le rythme qui en découle, plutôt doux, ne m’a pas brusqué ni sollicité plus que ça. Je le recommande toutefois pour ses qualités de témoignage sur l’Histoire du Brésil et pour l’éclairage en termes d’animation qu’il apporte sur ce pays, car le fait qu’il ait remporté le Cristal laisse présager une meilleure visibilité pour les nouvelles créations brésiliennes des années à venir.



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