Critique – Tunnel to Summer


Présenté en compétition au Festival International du film d’Animation d’Annecy en 2023 d’où il est reparti auréolé du prix Paul Grimault, le long métrage de Tomohisa Taguchi est arrivé en salles cette semaine via Star Invest Films, quasi un an jour pour jour après avoir été primé.

Selon une légende urbaine, trouver et traverser le mystérieux tunnel d’Urashima offre à celui qui ose s’y aventurer ce qu’il désire de plus cher mais à un prix qui rend l’expérience périlleuse : quelques secondes en son sein se transforment en plusieurs heures dans la vraie vie ! Kaoru, un jeune lycéen, qui a du mal à se remettre de la disparition de sa petite sœur va faire équipe avec Anzu, une jeune fille énigmatique qui lui propose son aide pour tenter l’aventure. Mais qu’attend-elle de lui en échange ? Et que lui restera-t-il, une fois qu’il aura traversé le tunnel ?

Adapté d’un light novel de Mei Hachimoku titré The Tunnel to Summer, the Exit of Goodbyes ayant connu un bon succès dans l’archipel nippon, ce Tunnel to Summer en reprend le concept de départ et les grandes lignes tout en concentrant sa mise en scène sur le binôme Anzu/Kaoru. Si le métrage condense les éléments habituels de ce type de narration popularisé à l’international par entre autres Makoto Shinkai, ce n’est pas vers ceux-ci que mon intérêt a été le plus piqué.

En effet, ce n’est pas tant la narration que sa maîtrise par Taguchi qui impressionne : en une heure et demie, celui-ci nous emmène avec brio dans cette histoire certes un brin convenue sur le chagrin et la difficulté à se projeter dans l’avenir. Le positivisme qui en découle fut extrêmement rafraîchissant durant un festival dont un certain nombre de films de la sélection ne prêtaient pas franchement à la rigolade.

Pour se faire, Taguchi, en tant que réalisateur, sort tous les tours de mise en scène possible de son sac, et balaie les tropes du genre avec une facilité exemplaire : les séquences s’enchaînent avec une fluidité déconcertante, et nombreux sont les jolis plans comme les scènes déployant une économie de narration maximale. Le réalisateur, cumulant également le poste de scénariste sur le métrage, s’est donné pour mission de mettre en image le plus de substance possible et de la manière la plus efficace possible, réduisant les dialogues à la portion congrue, et ce pour mon plus grand plaisir.

Tunnel to Summer ne cache par ailleurs pas une certaine antipathie dont les protagonistes font preuve l’un envers l’autre au départ de l’histoire, au sein d’échanges passifs agressifs et un manque de sincérité dont les adolescents sont si coutumiers. Un postulat aux clichés rebattus mais rattrapé par une mise en images tournant l’exercice de style en leçon de cinéma.

Malgré le peu de dialogue, toutes les émotions et idées passent aisément, appuyées par une utilisation très diversifiée de la musique signée Harumi Fuki et une morceau musical incontournable de ce type de production, qui reste sans conteste la séquence la moins originale d’un ensemble dont Taguchi a tenté de son mieux d’interpréter.

Les esprits chagrins argueront le fait que ce Tunnel to Summer ne raconte rien de bien nouveau, mais l’intérêt de réside pas selon moi à cet endroit. Le film est merveilleusement bien raconté, dans une série de mécanismes narratives certes non révolutionnaires mais ressemblant à une brillante leçon de mise en scène qui laisse songeur quant aux capacités du réalisateur pour ses prochaines œuvres.

Pour résumer, Tunnel to Summer semble tout à fait inoffensif sous ses airs de drame sentimental aux accents fantastiques, mais cache un objet à l’efficacité et aux qualités esthétiques indéniables, un vrai modèle de la marche à suivre pour exécuter une bonne mise en scène. Le fond est et sera toujours discutable sur son sentimentalisme et son originalité, mais son véhicule formel est irréprochable. Le jury annécien ne s’y est pas trompé en le récompensant du prix Paul Grimault, largement mérité. 

Tunnel to Summer est actuellement en salles via Star Invest Films. Pour aller plus loin, nous vous proposons une interview du réalisateur, mais attention aux spoilers !


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