Critique – Mune, le gardien de la lune


Sorti dans les salles durant le pire mois de l’année dernière en terme de calendrier des films d’animation, Mune, le gardien de la lune revient en vidéo pour donner enfin une chance au public d’être vu sans devoir faire des kilomètres. Étant la seule personne de l’équipe qui ne l’ai pas vu durant le festival d’Annecy ni eu le temps de se déplacer en salles en octobre dernier, je vous gratifie de mon avis tardif sur le film !

Depuis le décès de sa mère, Mune, petit faune facétieux et maladroit, vit seul avec son père dans un monde fabuleux. Cet univers féerique ainsi que tous ses habitants frémissent d’impatience alors qu’une grande cérémonie va avoir lieu aux arènes. Après 350 ans de bons et loyaux services, le gardien de la Lune et celui du Soleil vont passer le relais à de nouveaux venus. Contre toute attente, c’est Mune qui est désigné gardien de la Lune.

L’on n’a pas spécialement besoin d’en savoir bien plus pour se laisser emporter dans le récit qui, axé sur un public pouvant être très jeune, livre toutes les informations clés en mains, assisté par une esthétique des personnages signée entre autres par Nico Marlet (Kung Fu Panda, Dragons) et une très belle direction artistique de Rémi Salmon, assisté notamment par Aurélien Prédal (Hôtel Transylvanie 2, Le Petit Prince). Si le scénario semble à première vue simple, il cache dans ses péripéties un besoin de sens qui tranche avec le syndrome bas du front qui touche une grande partie des longs métrages d’animation.

Cette recherche perpétuelle du symbole fait plaisir à voir, même si en tant qu’adulte on constate quelques recherches un peu inabouties (Les temples mobiles sont superbes mais soulèvent de nombreuses questions, surtout la monture du gardien de la lune). J’ai aussi regretté que le personnage de Leeyoon, qui aurait gagné une rédemption plus avant dans le film au lieu de se transformer en sidekick geignard.

Il reste qu’à part quelque menus défauts, cette première tentative conjointe de Benoit Phillipon et Alexandre Heboyan est extrêmement convaincante, l’équilibre entre émotion, péripéties et un humour jamais bête étant bien géré, pour une durée qui ne dépasse pas l’heure et demie, un vrai défi compte tenu de toute l’introduction à l’univers.

Expertement storyboardé, le métrage possède également des plans larges superbes qui sont un testament du talent des artistes qui se sont occupés des décors, le découpage des séquences permettant aussi de distraire le regard de certaines animations abusant parfois un peu trop du flou de mouvement lorsque Mune se montre très rapide, mais c’est une toute petite concession face à l’orgie de textures et de couleurs, dans un assemblage expressionniste qui fait plaisir à voir.

Après Astérix – Le Domaine des Dieux, Mikros confirme sa stature solide dans l’animation numérique avec ce projet, bien plus beau et original que Le petit prince, de plus assorti de passages en animation 2D du plus bel effet. Un joli tour de force lorsqu’on connait le budget du film, seulement de 18 millions d’euros, contre 60 millions pour l’effroyable adaptation de Saint Exupéry.

Seule la musique de Bruno Coulais fait pâle figure à la vision du film, aucun thème ne restant en mémoire et rien de distinctif n’accompagne les séquences les plus spectaculaires, ce qui est bien dommage.

Le doublage, emmené par Michaël Gregorio et Omar Sy, est très naturel, signe que la direction des comédiens a été très bien menée, ces derniers étant de plus appuyés par des poids lourds du doublage pour les personnages secondaires, puisqu’on compte parmi eux Patrick Poivey, Féodor Atkine et tant d’autres.

Tout ça fait de Mune, le gardien de la lune un spectacle très recommandable, qui je l’espère, connaîtra une bien meilleure carrière en vidéo que ce qu’il a subi en salles. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut se targuer d’avoir un beau film français d’animation 3D à regarder sans que celui-ci n’ait été financé grâce à de l’argent américain.

Au final, Mune est un spectacle hautement recommandable pour tous les âges et possède une direction artistique que l’on souhaiterait voir plus souvent dans les longs-métrages d’animation 3D qui sortent sur les écrans. Étant donné sa sortie dans le pire mois de 2015 en ce qui concerne les films d’animation, il est désormais temps de (re)découvrir ce joli travail, qui mérite plus de visibilité et qui doit inspirer d’autres à suivre une voie autre que celle des machines aux budgets surgonflés et des innombrables suites qui finissent par diluer l’intérêt du public. Vivement le prochain projet, et en attendant, le blu-ray est disponible à un petit prix, idéal pour les adeptes de la HD et les esthètes !


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