Le Prix Emile-Reynaud, attribué par les adhérents de l’AFCA depuis 1977 à un court métrage d’animation français, est à la fois un hommage à Émile Reynaud, pionnier de l’animation et une forme de reconnaissance filiale entre son travail et celui des nouveaux créateurs qui en sont les récipiendaires. Le prix, concluant symboliquement cette 17ème Fête du cinéma d’animation ayant eu lieu du 1er au 31 octobre 2018 sera remis demain, le 26 octobre à 19h30 au carreau du Temple à l’issue de la projection de l’ensemble des films en compétition, en présence des réalisateurs et producteurs, lors d’une soirée gratuite ouverte au public dans la limite des places disponibles donc si vous êtes dans le coin, pensez-y ! Ayant vu avec Nicolas l’ensemble de la séléction, voici une petite liste commentée !
Les courts en lice pour le Prix Emile-Reynaud 2018
Guaxuma réalisé par Nara Normande
J’ai grandi près de Guaxuma, une plage au nord-est du Brésil. Le souffle de la mer me rappelle aujourd’hui des souvenirs heureux.
Réalisé dans une technique de stop motion sablée, Guaxuma évoque dans un mélange doux-amer le deuil et les joies de l’enfance de Nara Normande. L’aspect sablonneux des différents matériaux apporte dans un vivant contraste sensualité et âpreté de l’existence par le biais de l’émotion que traverse la principale protagoniste. On se laisse ainsi porter par cette très forte histoire autobiographique.
Muriel
La Chute réalisé par Boris Labbé
Lorsque les êtres qui habitent le ciel viennent contaminer ceux de la Terre, l’ordre du monde est bouleversé. C’est le début d’une chute tragique de laquelle naîtront les enfers et, à l’opposé, les cercles du paradis.
Champion de l’animation cyclique de petits comme de gros ensemble, découvert à Annecy avec Rhizome, Boris Labbé signe ici un tableau religieux ressemblant à une tapisserie à la fois psychédélique et oppressante. Une oeuvre de presque un quart d’heure qui ne divise pas tant dans les festivals puisque La Chute, produit par Sacrebleu, a gagné bon nombre de prix : Le prix de la meilleure animation non-narrative au Festival International d’animation d’Ottawa jusqu’au Grand Prix des courts métrages au Taichung International Animation Festival !
Nicolas
Raymonde ou l’évasion verticale réalisé par Sarah Van den Boom
Le potager, les petits pois, les pucerons et les culottes sales, Raymonde en a vraiment assez. Tout compte fait, elle préférerait le sexe, puis l’amour, puis l’immensité du ciel.
Dans une stop motion fine et champêtre, on découvre la petite vie de Raymonde, une vieille poule désireuse de sortir de sa routine. Elle est accompagnée par deux petites Saintes en animation traditionnelle qui telles des Jiminy Cricket du sexe l’affole dans son train train quotidien. Raymonde possède son service à thé fleuri et a des vues sur les facteur, mais surtout Raymonde est touchante avec sa voix rauque. Sarah Van Den Boom signe avec ce court un portrait touchant et décalée d’une vieille poule qu’on aimerait connaître plus encore.
Muriel
Étreintes réalisé par Justine Vuylsteker
Debout face à la fenêtre ouverte, une femme regarde les nuages noirs qui obscurcissent l’horizon. Immobile, elle lutte contre la remontée de ses souvenirs. Dans les nuages, un corps-à-corps passionné se dessine.
Réalisé à l’aide de l’écran d’épingles, qui fait un retour ces temps-ci via la restauration par le CNC de cet outil conçu par Claire Parker et Alexandre Alexeieff. Produite par l’ONF Justine Vuylsteker nous propose ici un trip hanté par les souvenirs d’une relation désormais achevée, profitant de l’écran d’épingle pour donner une texture très douce et cotonneuse à ce petit drame.
Nicolas
Je sors acheter des cigarettes réalisé par Osman Cerfon
Jonathan, douze ans, vit avec sa sœur, sa mère et plusieurs autres hommes? Ils possèdent tous le même visage et nichent dans les placards, les tiroirs, la télévision…
Popularisé par les excellentes Chroniques de la Poisse, que vous pourrez bientôt voir au sein de l’anthologie Ta mort en short(s) sortant la semaine prochaine, Osman Cerfon sait jouer de la bizarrerie du quotidien pour raconter, comme Justine Vuylsteker, une histoire simple avec ce qu’il fait de visuel métaphorique pour nous garder happé jusqu’à la fin.
Nicolas
Le Tigre de Tasmanie réalisé par Vergine Keaton
Un tigre de Tasmanie tourne en vain dans l’enclos d’un zoo. Un glacier fond lentement. Face à sa disparition annoncée, la nature déploie sa fureur, déborde l’image et résiste à l’extinction par la métamorphose.
Nous sommes ici dans les territoires plus plasticiens que narratifs avec ce court de Vergine Keaton, et Le Tigre de Tasmanie, sélectionné à Berlin, possède de très belles images ainsi qu’une musique du groupe Les Marquises pour tenir son propos. Ces premières images suscitent un sentiment étrange qui n’a pas laissé indifférent le jury de la dernière Berlinale, voyons si les rayures cet animal étrange attirent l’attention du jury du Prix Emile Reynaud !
Muriel
1 mètre/heure réalisé par Nicolas Deveaux
Pris dans notre temps d’humain, nous manquons l’incroyable. Au sein d’un aéroport, sur une aile d’avion, sous nos yeux, une troupe d’escargots exécute une magnifique chorégraphie, jusque dans les airs !
Succédant à 5,80 mètres, 7 Tonnes 2 et la série Athléticus, toujours produit par Arte, Nicolas Deveaux et Cube Créative nous offrent ici une nouvelle itération d’animaux animés dans un cadre incongru, et cette chorégraphie sur une aile d’avion peine toutefois un peu à décoller, le segment nocturne étant de loin le plus intéressant, l’ensemble manquant un peu d’humour pour sa durée de huit minutes.
Nicolas
La nuit des sacs plastiques réalisé par Gabriel Harel
Agathe, 39 ans, n’a qu’une obsession : avoir un enfant. Elle va retrouver son ex, Marc-Antoine, qui mixe de la techno dans les Calanques à Marseille. Alors qu’elle tente de le convaincre de se remettre ensemble, des sacs plastiques prennent vie et attaquent la ville.
Après l’excellent et multi-récompensé Yùl et le Serpent, Gabriel Harel double la mise avec cette nuit des sacs plastiques, aidé par l’artiste de bande dessinée Grégoire Carlé qui s’est chargé de la conception graphique des décors et des ambiances? On retrouve à nouveau ici a fascination d’Harel pour les espace vides et désolés hantés par des figures que la société ne veut pas voir, ici mélangé au film d’horreur. On a ici une grosse pensée pour George A. Romero, dont la capacité à insuffler du social dans ses œuvres est ici tout aussi présent.
Nicolas