⊕ Cet article contient des éléments de spoilers
Flow est un mystère venu de Lettonie (attendez, non, j’avais déjà dit ça pour Ailleurs en 2019), depuis quelques mois, Flow ou « Straume » en letton, n’est plus un secret pour personne et le film connaît une notoriété qu’un film d’animation n’avait pas connu depuis longtemps (hors Japon ou États-Unis). Réalisé par Gints Zilbalodis, le long-métrage animé nous conte l’aventure tumultueuse et contemplative d’un jeune chat noir contraint d’affronter une montée des eaux aussi fulgurante qu’inexpliquée.
Un chat se réveille dans un univers envahi par l’eau où toute vie humaine semble avoir disparu. Il trouve refuge sur un bateau avec un groupe d’autres animaux. Mais s’entendre avec eux s’avère un défi encore plus grand que de surmonter sa peur de l’eau ! Tous devront désormais apprendre à surmonter leurs différences et à s’adapter au nouveau monde qui s’impose à eux.

Récompensé par de nombreux prix dont ceux du Festival d’Animation d’Annecy 2024 (prix du jury, prix du public, prix Fondation Gan, prix de la meilleure musique originale), prix des Lumières 2025 et le César du film d’animation 2025 ; Flow a également été nommé aux Oscars 2025 pour le meilleur film d’animation et le meilleur film étranger.
Encore dans certaines salles (depuis le 30 octobre officiellement, et dans de nombreuses autres cinémas depuis la mi-décembre), le film réunit les amateurs de films indépendants, d’auteurs, d’animations et d’aventures traditionnelles. Sa force résidant dans son mutisme et sa bande sonore envoutante (qui vous rappellera Ailleurs sans aucun doute). En France, le film est sous-titré « le chat qui n’avait plus peur de l’eau », une manière de sécuriser le public famille sur la narration et l’histoire, j’imagine.

Mais le film nous raconte surtout une aventure d’adaptation, de courage, de tolérance et de lâcher prise.
Tout commence dans une forêt verdoyante, où un jeune chat aux yeux jaunes (de la race Bombay pour les plus félins d’entre nous), parcourt sa journée dénuée d’êtres humains. Il loge dans une maison où tout dénote la présence d’anciens artisans. Notre ami semble isolé, seul, minuscule comparé aux grandes statues félines qui jonchent le territoire, telles d’anciennes reliques d’un monde exotique. On comprend vite qu’il préfère la solitude et est très craintif, il est une cible volontaire ou non pour les autres animaux (chiens, oiseaux, cerfs). Le petit prédateur a du mal à chasser le poisson, craint les bruits et a peur de l’eau…
Le raz de marée qui survient sans prévenir est l’évènement du film, avec la terreur et le mouvement perpétuel qui sans connaître aucun obstacle, noie tout sur son passage. Mélangeant catastrophe et inéluctabilité, l’eau est un temps infini qui avance et monte. La montée ne s’arrête jamais, et rien ne semble pouvoir lui échapper. Si ce n’est quelques animaux habiles et des radeaux de fortune.

La narration prend de la densité lorsqu’elle introduit les protagonistes du film au-delà de notre chat noir : un labrador, un capybara, un lémurien et un oiseau gigantesque. Ces êtres motivés par des caractères propres (la paresse, le matérialisme, le jeu, l’orgueil…) se retrouvent avec le même objectif commun, sauver le chat et monter la plus grande montagne. En effet, chacun de ses animaux a eu l’opportunité de suivre une autre voie, avec ses propres congénères et ne l’a pas fait, le payant parfois assez cher.
Ils choisissent le chat noir et son esprit d’aventure. Choix qui portera ses fruits car il saura devenir médiateur, joueur et chasseur pour le clan. L’un de mes animaux préféré étant la baleine, d’abord effrayante elle sera un gardien nécessaire à la maturité et l’apprivoisement des peurs du chat. Elle représente à elle seule la puissance du lâcher-prise et l’abandon à l’immensité.
L’animation du chat est saisissante, le jeu des iris, des oreilles, des miaulements fait qu’on s’attache immédiatement à cette boule de poils ; même si la texture réaliste n’est pas l’enjeu de la direction artistique : Les mouvements, les lumières et les couleurs sont les chefs d’orchestre de l’immersion pour le spectateur qui se laisse tomber et couler avec joie dans la bande sonore, réalisée là aussi par Gints Zilbalodis.
Comme tout récit d’aventure contemplatif, le film nous emmène jusqu’au plus profond de l’onirisme et nous hypnotise de poésie. Le ciel se confondant avec la mer, dans des écumes étoilées feront vivre au spectateur comme au chat noir, une transcendance qui amènera l’indépendance comme la peur vers des formes de courage et de témérité qui seront récompensés à la toute fin du film. Comme au réveil d’un cauchemar, comme à la conclusion d’une longe course épuisante, on en ressort épuisé mais gonflé d’adrénaline. Rempli d’émotions inintelligible, entre soulagement, émerveillement et mélancolie.

Flow est le récit initiatique de l’adaptation constante au changement, de la nécessité de s’unir vers un but commun et de se laisser à la confiance de ses propres prouesses. Rien de tel qu’un chat qui retombe sur ses pattes et qui n’a pas peur de l’eau pour vous offrir un merveilleux message d’espoir et de curiosité.