Disney, Barneys, Minnie et l’anorexie


Disney s’est associé avec un grand magasin new-yorkais, Barneys, pour réaliser un court métrage d’animation où Minnie s’imagine être en pleine semaine de la mode à Paris. Une campagne pour les fêtes de fin d’année qui aurait pu fonctionner, si Minnie était restée elle-même…

Barneys New York est un grand magasin de Madison Avenue, ouvert depuis 1923 il se veut une institution de la mode à Manhattan, avec comme leitmotiv « Taste, Luxury, Humor ». Bon, je n’y ai jamais mis les pieds, évidement, mais vous voyez le genre de magasin, luxe et mode. Le genre qui lance chaque année des campagnes de Noël à budgets faramineux, aussi attendues que les défilés parisiens. Et cette année, ils se sont associés avec Disney pour créer « une expérience unique qui combine les fantastiques personnages et récits de Disney avec la haute couture pour une célébration spectaculaire des fêtes de fin d’année » – Robert A. Iger, président du conseil d’administration et président-directeur général de The Walt Disney Company.

Cette expérience unique ? Un court métrage nommé Electric Holiday, également nom de la campagne, mettant en scène des célébrités (dixit le web, je le crois sur parole, je n’y connais rien) de la mode et des personnages classiques de Disney comme Minnie ou Cruella. Dans ce court, Minnie fait du lèche vitrine et se met soudain à rêver du Paris de la mode, où elle croise donc photographes, éditeurs, créateurs et top models cartoonés. Puis elle monte sur les podiums en robe de grand couturier, avant de sortir de sa rêverie et de retrouver son Mickey adoré. Le tout sur fond de musique électronique.

Qu’est ce qui pêche me direz-vous ? A part l’association Minnie et musique électronique of course (qui passe pas mal finalement). Et bien c’est le choix de Barneys et Disney de transformer Minnie (Mickey, Dingo, Blanche-Neige et les autres) en être filiforme pour la séquence du défilé parisien… En effet, notre petite Minnie toute en rondeurs, devient d’un coup de baguette magique (Clochette est passée par là) un grand fil de fer à tête de souris. Elle a toujours ses deux oreilles rondes, mais plus de queue. Ceci dit, ce n’est pas le point qui fait controverse, une souris sans queue ça ne choque que moi. Non ce qui fait controverse, c’est que pour porter une robe de je-ne-sais-quel-créateur-connu, ils ont jugé bon de transformer le physique de Minnie. Petit retour sur les faits.

Donc, dans le court, Minnie rêvasse devant une robe Lanvin (oui c’est important de le préciser, tout le monde l’a fait, alors moi aussi, et comme ça on pense que je m’y connais un peu, mais non, c’est écrit partout sur Internet, jolie pub), la robe même qui est au cœur de la controverse. Puisque Dennis Feedman, directeur créatif chez Barneys, a estimé que « La Minnie normale n’aurait pas l’air si bien dans une robe Lanvin » … Du coup il a proposé une Minnie taille top model, et Disney a dit oui. Je parle de Minnie en particulier parce que c’est elle la star de la vidéo et qu’on place au cœur du débat, mais les autres personnages de la firme ont eu droit au même traitement.

Et cette Minnie choque l’Amérique ! (phrase accrocheuse et so useless). On estime que cette représentation est mauvaise pour les petites filles, car elle les pousserait aussi à s’imaginer en top model au lieu de s’assumer comme elles sont. Le côté « rêvé » du scénario accentuerait donc la chose, puisque Minnie n’est pas filiforme, non, pire, elle rêve de l’être !

Plusieurs pétitions en ligne on été crées pour protester contre cette transformation du corps de Minnie, la plus virulente étant Leave Minnie Mouse Alone, lancée par Ragen Chastain et signée par plus de 140 000 personnes, dont des actrices de séries connues, et Abigail Disney, petite fille de Roy Disney (le frère de Walt, si vous suivez pas les histoires de familles). Ragen Chastain défend qu’il est anormal de montrer à des petites filles que, si ton corps ne convient pas à une robe, tu changes de corps, et pas de robe. Sur le fond je suis d’accord, nous autres avons assez de pressions dans la société actuelle concernant notre apparence et notre poids, les petites filles ont peur de devenir grosses, et l’anorexie gagne du terrain chaque jour. Mais en pratique, je n’ai pas vu d’appel à l’anorexie dans le court, j’y reviendrai plus tard.

De leur côté, Disney et Barneys se disent « attristés de voir que des militants essaient de façon répétée de dénaturer un projet de Noël joyeux pour attirer l’attention des médias sur eux. ». C’est d’autant plus dommage que si les médias s’y intéressent effectivement, ils se concentrent sur les mots clefs magiques Minnie+Anorexie, et occultant l’aspect caritatif de la campagne Disney-Barneys. En effet, 25% des recettes issues de la vente des produits de la collection Electric Holiday seront reversés à la Croix-Rouge américaine par Barneys, plus 1 millions de dollars promis par Disney. Vous trouverez plus d’informations dans ce communiqué, qui présente la campagne dans son ensemble, les différents acteurs concernés etc.

D’un côté, les activistes se mobilisent et crient à l’anorexie / au scandale, pain béni pour les média. Disney en controverse, ça fait toujours vendre (d’ailleurs, dans le style, vous avez entendu parler de Princesse Sofia ?). De l’autre côté, Disney tente de défendre un choix artistique (voulu moderne ?), inconsidéré par les militants : «Ils ont délibérément ignoré des informations dévoilées précédemment qui présentaient clairement cette campagne comme une vidéo ‘moving art’ de trois minutes mettant en scène une Minnie Mouse traditionnelle dans une séquence rêvée située à Paris où elle monte brièvement sur les podiums en tant que top model avant de revenir, heureuse, à elle-même portant la même robe de couturier que lors du défilé ».

Ah bon bah, si après elle est elle-même, heureuse, et toujours dans la même robe, tout va bien. Mais alors, pourquoi avoir changé son apparence pour le passage du défilé ? On peut se poser la question c’est vrai. Mais c’est à double sens, pourquoi pas, après tout ? Honnêtement, je n’y ai rien vu de choquant, aucune ode à l’anorexie, ni à la minceur. Enfin rien de plus que ce que fais déjà l’industrie de la mode ! Sérieusement, c’est étrange de voir d’un coup Minnie sur des longues jambes, mais elle a bien le droit d’évoluer physiquement de temps en temps, d’autant plus que le contexte s’y prêtait. Bizarrement, Blanche Neige qui défile ne provoque pas de buzz similaire, alors que personnellement, je l’ai trouvée plus éloignée encore du personnage original, avec un coup de diplodocus ! Non vraiment, le seul truc qui m’a dérangée, et encore par manque d’habitude j’imagine, c’est une tête de souris / de cane (Daisy) sur un corps de femme.

A vrai dire, si ce « point » n’avait pas fait le buzz dans les médias, je ne l’aurais probablement pas relevé. Parce que scénaristiquement et visuellement, ça passe tout seul dans le court. En revanche, le mélange des genres visuels, des styles cartonnesques, qui passe d’une Minnie avec des airs de crayonné à une Cruella nette de chez nette, à des plans qui font très peinture, est assez étrange. On s’y fait au bout de quelques visionnages ! Et c’est plutôt sympathique de retrouver tous ces personnages, en dehors de leurs univers respectifs, comme autant de clin d’œil les uns aux autres !

Sur ce, je vous laisse vous faire votre avis avec la vidéo ci-dessous. N’hésitez pas à me dire ce que vous pensez de tout ça (du court en lui-même et de la controverse autour de la transformation de Minnie), ça m’intéresse beaucoup. Pour anecdote, la seule personne que j’ai reconnue en dehors des personnages Disney, c’est Sarah Jessica Parker, icône de la mode aux USA et qui a inauguré les vitrines de Noël de Barneys ! http://youtu.be/jU01jBw9HB4


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